Calculer et mesurer les émissions FLAG : nos experts répondent à vos questions

Les secteurs de l’agriculture, de la forêt et des terres (Forest, Land and Agriculture ou FLAG) génèrent environ 22 % des émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre. L’action pour le climat devenant de plus en plus urgente, il est essentiel de s’attaquer à ces émissions. Arnaud Ripoll et Zander Dale, experts FLAG ...

Arnaud Ripoll et Zander Dale

5 Mar 2024 14 minutes de lecture

Les secteurs de l’agriculture, de la forêt et des terres (Forest, Land and Agriculture ou FLAG) génèrent environ 22 % des émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre. L’action pour le climat devenant de plus en plus urgente, il est essentiel de s’attaquer à ces émissions. Arnaud Ripoll et Zander Dale, experts FLAG chez EcoAct, répondent aux questions les plus fréquemment posées sur les émissions FLAG.

Calculer et mesurer les émissions FLAG : nos experts répondent à vos questions

FLAG est la terminologie utilisée par l’initiative Science-Based Targets (SBTi) pour représenter les émissions associées à l’utilisation des terres (ce qui inclue notamment l’agriculture et la foresterie). L’initiative Science Based Targets (SBTi) a récemment élaboré des recommandations pour le secteur FLAG, permettant aux organisations de traduire leurs actions relatives à l’utilisation des terres en actions climatiques ambitieuses fondées sur la science. Les objectifs scientifiques FLAG constituent une étape importante dans la stratégie des entreprises en faveur du climat, mais ils ne concernent pas uniquement les entreprises qui exploitent les terres de manière intensive. Les entreprises dont les émissions liées à l’utilisation des terres représentent plus de 20 % de leurs émissions globales sont également tenues de fixer des objectifs FLAG.

Vous ne savez pas par où commencer pour calculer vos émissions FLAG ? Nos experts répondent aux questions les plus fréquemment posées dans cet article.

1. Existe-t-il des lignes directrices pour les entreprises qui souhaitent calculer et déclarer leurs émissions FLAG ?

Le GHG Protocol travaille à l’élaboration de lignes directrices permettant aux entreprises de comptabiliser et de déclarer les émissions liées à l’utilisation des terres et aux activités qui en découlent. Ces lignes directrices devraient être publiées fin 2024. En attendant, pour réaliser un inventaire FLAG, la SBTi recommande d’utiliser le guide provisoire du GHG Protocol sur le sujet (Land Sector and Removals Guidance). Nous ne nous attendons pas à des modifications significatives des recommandations et critères du GHG Protocol, sauf peut-être pour des sections très spécifiques et sensibles (la certification du biométhane par exemple).

2. Si une entreprise fixe des objectifs FLAG avant la publication, fin 2024, de la version finale du guide du GHG Protocol, devra-t-elle les réexaminer ?

Cette réévaluation ne sera nécessaire que si les recommandations finales entraînent des changements significatifs dans votre empreinte. Il est donc intéressant de faire une revue des points actuellement en suspens dans le GHG Protocol et leurs potentiels impacts sur votre empreinte pour déterminer si de tels changements sont probables. Par défaut, nous les jugeons peu probables. Les changements seront plus certainement des améliorations à engager au fil de l’eau dans le suivi de votre empreinte.

Si vous voulez être sûrs de ne pas vous retrouver dans la situation de devoir réévaluer votre empreinte et resoumettre des objectifs, vous pouvez attendre la version finale du guide du GHG Protocol. La SBTi vous laisse 6 mois après sa sortie pour soumettre vos objectifs FLAG. Nous recommandons toutefois de vous engager dans l’évaluation avant.

3. Quelles sont les méthodes de calcul des émissions FLAG ?

Le calcul des émissions FLAG repose en grande partie sur la logique de l’analyse du cycle de vie (ACV). Certaines bases de données de facteurs d’émissions (FE) découpent directement les FE par étape du cycle de vie. C’est le cas d’Agribalyse, base de données française dans laquelle se retrouver une étape « agriculture », que nous caractérisons comme étant entièrement FLAG, quand nous considérons les autres étapes non-FLAG.

D’autres bases de données (Agri-footprint, WFLDB, ecoinvent, etc.) n’offrent pas un tel découpage mais sont disponibles sur des logiciels d’ACV, comme SimaPro que nous utilisons chez EcoAct. Ces logiciels d’ACV nous permettent de réaliser, manuellement pour les FE les plus importants, une identification spécifique des sources d’émissions FLAG (ex. : utilisation d’engrais), de manière à obtenir un découpage complet des activités FLAG et non-FLAG du FE. Enfin, des recherches au cas par cas peuvent également être réalisées sur d’autres bases / outils en ligne (Higgs et Ecobalyse pour les textiles par exemple) pour d’autres productions (les textiles donc) ou pour vérifier la cohérence des découpages obtenus.

4. Comment calculer les émissions FLAG avec des données non spécifiques au fournisseur ?

Les émissions FLAG peuvent être calculées dans un premier temps à l’aide de FE génériques. Ces FE englobent en effet déjà généralement toutes les émissions FLAG (calculées sur la base de moyennes et non de données d’activité spécifiques). Ils permettent donc d’avoir facilement une bonne estimation des émissions FLAG, nécessaire premier exercice avant de s’engager dans une démarche de collecte de données primaires coûteuse et chronophage.

Il est à noter que la problématique est alors la même pour les émissions FLAG que pour les émissions non-FLAG : les deux estimations sont alors faites sur la base d’évaluations moyennes. Nous ne recommandons de passer à une collecte de données primaires que pour vos sources d’émissions principales (vos principales matières premières agricoles par exemple).

5. Comment éviter la double comptabilisation des émissions FLAG provenant de l’exploitation agricole (scope 1) et des achats de biens relevant du scope 3 ?

Pour éviter ce type de double-compte, les sources d’émissions doivent être clairement distinguées. Prenons l’exemple d’un élevage bovin qui est géré par l’entreprise qui réalise son reporting, et qui entre donc dans son périmètre en propre, et donc son scope 1+2. Nous retrouverons (et pour ne prendre que quelques exemples) :

  • Dans le scope 1+2, les émissions liées à la fermentation entérique des bovins, à la gestion du fumier ou encore à la consommation énergétique des bâtiments d’élevage ;
  • Dans le scope 3, les émissions liées à la fabrication des rations alimentaires des bovins, des bâtiments d’élevage et des machines agricoles.

Ainsi aucune émission n’est caractérisée à la fois dans le scope 1+2 de l’entreprise et dans son scope 3. À noter que cette logique est la même pour les émissions non-FLAG : le périmètre de chaque scope doit être bien défini. Une source d’émissions donnée ne doit rentrer que dans l’un des trois scopes.

6. Comment calculer le changement d’affectation des terres dans la chaîne d’approvisionnement d’une organisation ?

Par défaut, et dans le cadre d’une première évaluation, l’estimation des émissions liées au changement d’affectation des terres (dit LUC pour Land Use Change en anglais) peut être réalisée sur la base de moyennes. Certaines bases de données de FE intègrent en effet des estimations moyennes des émissions LUC, par matière première agricole et par pays dans les cas les plus précis.

Ces estimations permettent de visualiser rapidement où se situent les principaux enjeux LUC dans la chaîne de valeur d’une entreprise et donc les étapes, activités et matières premières sur lesquelles engager un travail d’analyse plus poussé.

Cet exercice peut être réalisé à une échelle plus ou moins fine en fonction du niveau de traçabilité disponible par l’entreprise : de la recherche du pays d’approvisionnement, à celle de la région d’approvisionnement jusqu’à celle de l’exploitation à l’origine de l’approvisionnement. Plus l’échelle est fine, plus l’estimation des émissions LUC sa alors précise.

L’évaluation peut alors se faire par trois grandes méthodes :

  • Télédétection : évaluation par satellites des LUC dans la zone d’approvisionnement (que ce soit un pays, une région ou une exploitation)
  • Modélisation : évaluation via des modèles des LUC, en utilisant autant que possible des données spécifiques à la zone d’approvisionnement
  • Mesures : évaluation par mesures des stocks de carbone (dans les sols le plus souvent) de la zone avant et après LUC (méthode très peu couramment utilisée pour une évaluation d’empreinte carbone d’entreprise)

Les méthodes étant connues et établies, le premier et principal enjeu pour une entreprise est la traçabilité : une connaissance précise des zones d’approvisionnement est nécessaire pour réaliser une estimation à faible incertitude des émissions LUC.

7. Quel serait un exemple de données collectées au niveau de l’exploitation pour calculer la séquestration carbone ?

Les deux principaux puits de carbone que nous pouvons évaluer sont les sols et la biomasse.

Pour évaluer la séquestration de carbone dans les sols, il faut connaître le type de sol (taux de matière organique, densité, taux de minéralisation, pH, etc.), le climat de la région et le type de pratiques agricoles en vigueur (par exemple, les pratiques de séquestration telles que l’apport de matière organique, l’agroforesterie, les haies).

Pour évaluer la séquestration de carbone dans la biomasse, il faut connaître le type de végétation (arbres, variétés d’arbres, haies, etc.), son âge et les pratiques agricoles mises en œuvre (par exemple, l’élagage).

À noter qu’une évaluation peut toujours être réalisée en partie ou en totalité sur la base de données moyennes. Mais plus des données moyennes seront utilisées, plus l’évaluation sera imprécise. L’incertitude de l’évaluation de la séquestration étant par nature élevée, la collecte de données primaires reste un enjeu clé.

8. Les émissions biogènes doivent-elles être incluses dans un inventaire des émissions FLAG ?

Oui, les émissions biogènes sont une composante essentielle d’un inventaire FLAG et doivent être prises en compte pour toutes les activités liées à la gestion des terres et au changement d’affectation des terres. Elles incluent par exemple les émissions de CH4 liées à la fermentation entérique des bovins, les émissions de N2O liées à l’épandage d’engrais azotés ou encore les émissions de CH4 liées à l’inondation de rizières pour la riziculture.

9. Les entreprises agricoles qui ont des cultures peuvent-elles vendre des crédits carbone ?

Oui, il est possible de comptabiliser les crédits carbone obtenus par la mise en place par l’entreprise de pratiques de réduction d’émissions ou d’augmentation de la séquestration, à condition de suivre des méthodologies certifiées par des organismes reconnus tels que VERRA ou Gold Standard.

À noter toutefois qu’il est essentiel d’éviter le double compte. Par exemple, si des entreprises agricoles génèrent des crédits sur leurs terres et les vendent ensuite à des tiers, elles ne peuvent pas comptabiliser ces mêmes réductions / séquestration dans leur propre inventaire FLAG, car cela serait considéré comme une double valorisation de ces réductions / séquestration, ce qui est interdit par le GHG Protocol. Les organisations doivent réfléchir à ce qui convient le mieux à leurs activités et adhérer à des méthodologies accréditées pour générer des crédits carbone de haute qualité.

10. Pourquoi n’est-il pas possible de valoriser le carbone séquestré par certaines cultures (du blé par exemple) ?

Il faut tout d’abord distinguer deux puits de carbone pour une culture de blé : les sols et la biomasse.

La séquestration carbone dans les sols peut bien être valorisée. En revanche, la séquestration carbone dans la biomasse ne peut pas l’être. En effet, le carbone séquestré à cette occasion est, à court terme, relâché sous la forme d’émissions. Mettons que ce blé soit utilisé pour fabriquer des pâtes. Une fois le blé récolté, transformé en pâtes et vendu, ce blé sera consommé par l’acheteur, qui ira finalement aux toilettes, relarguant alors le carbone initialement stocké dans le blé ! Ce qui n’aura pas été perdu jusque-là le sera dans la station d’épuration qui traitera les eaux usées, sous la forme de CO2 ou de CH4. Et il est communément considéré que le CO2 émis à ces différentes étapes est équivalent en quantité au CO2 séquestré, le tout sur un temps relativement court (de quelques semaines à quelques années), ce qui justifie de ne pas valoriser la séquestration en amont. On parle de « carbone en cycle court ».

11. Qu’est-ce qu’un projet de contribution carbone ?

Un projet de contribution carbone, dans le contexte des émissions de carbone ou de gaz à effet de serre, est une démarche volontaire visant à financer un projet de réduction des émissions ou de séquestration carbone dont les gains carbone sont valorisés sous la forme de crédits qui peuvent être utilisés pour contrebalancer des émissions générées ailleurs.

Ces projets se présentent sous diverses formes, par exemple : reboisement, boisement, installations d’énergie renouvelable, captation du méthane des décharges ou amélioration de l’efficacité énergétique.

Les projets de compensation sont soumis à des processus de calcul et de certification, ainsi qu’à des certificats de compensation carbone délivrés par des organismes agréés tels que Verra ou Gold Standard. Ces certificats quantifient et valident les gains carbone générés par le projet.

12. Quelles recommandations donneriez-vous à une entreprise du secteur de la mode qui souhaite se fixer des objectifs FLAG ?

Nous recommandons une approche pragmatique simplifiée visant à faire une évaluation rapide de votre inventaire FLAG en allant à l’essentiel :

  1. Recueillez des données sur les achats des principaux produits FLAG, c’est-à-dire ceux qui sont les plus susceptibles d’avoir entraîné des émissions FLAG, comme les textiles d’origine agricole (coton, lin, cuir, etc.).
  2. Concentrez-vous spécifiquement sur les produits achetés en grandes quantités.
  3. Définissez de grandes catégories de produits (par exemple, « t-shirts », « pantalons », « vestes » …).
  4. Identifiez les pourcentages moyens d’émissions FLAG sur ces grandes catégories en comparant différents facteurs d’émission et en identifiant ceux qui sont les plus pertinents pour vos produits.
  5. Calculez les émissions FLAG pour ces produits. Vous obtiendrez ainsi une première estimation, en ordre de grandeur, de vos émissions FLAG.
  6. Si les émissions FLAG sont négligeables, n’allez pas plus loin dans l’évaluation FLAG. Dans le cas contraire, réalisez des analyses plus fines (par type de t-shirt plutôt qu’en agglomérant tous les t-shirts ensemble par exemple) et augmentez le périmètre couvert par l’évaluation de manière à obtenir un inventaire complet plus précis.
  7. Élaborez des objectifs FLAG et définissez un plan de décarbonation de votre inventaire FLAG.

Comment EcoAct peut vous accompagner dans le calcul des émissions FLAG

EcoAct dispose de plusieurs équipes sectorielles dédiées qui sont toutes formées aux projets FLAG : agro-alimentaire, cosmétiques, textile… Ces équipes peuvent vous aider à calculer et à déclarer les émissions FLAG de votre organisation, à fixer des objectifs SBT FLAG et à élaborer un plan d’action de décarbonation de vos émissions FLAG.

Les offres FLAG d’EcoAct peuvent être adaptées à tout budget, projet ou disponibilité de données. Elles intègrent des options pour réaliser des estimations en ordre de grandeur de votre potentiel de séquestration ou des évaluations précises des émissions et de la séquestration FLAG à l’échelle d’exploitations agricoles (dans votre chaîne de valeur par exemple).

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