Issue d’une initiative mondiale impliquant institutions financières, entreprises, ONG, organismes gouvernementaux et autres parties prenantes intéressées, la TNFD (Taskforce on nature-related financial disclosures) a élaboré des recommandations pour l’évaluation, la gestion et le reporting des risques liés à la nature. La démarche a pour ambition de réorienter les flux financiers mondiaux vers des activités plus durables et respectueuses de la biodiversité. Dans cet article, Sabrina Capon, Manager Biodiversité, et Mathilde Delbauffe, Consultante Senior Biodiversité chez EcoAct, présentent la TNFD et expliquent pourquoi votre entreprise devrait suivre ses recommandations.
La TNFD propose un cadre aux entreprises pour les aider à considérer les impacts, dépendances, risques et opportunités liés à la nature et à agir en conséquence. La TNFD s’appuie sur les travaux de la TCFD, mais ne se concentre plus seulement sur le changement climatique. La TNFD intègre la nature en référence à l’ensemble des écosystèmes, de la biodiversité et des services écosystémiques terrestres.
Ce cadre comprend des recommandations, l’approche méthodologique appelée « LEAP » (détaillée plus bas dans cet article), des guides par secteur, des guides par biome, des évaluations d’outils existants, des conseils en matière d’analyse de scénarios, de mesures et de fixation d’objectifs.
Limite planétaire récemment renommée et déjà dépassée, l’intégrité de la biosphère évalue les risques liés à la perte de la diversité du vivant. Les pressions exercées par l’activité humaine, notamment la surexploitation des ressources, le changement d’usage des terres et le changement climatique, contribuent au déclin croissant de la biodiversité. En conséquence, les services écosystémiques essentiels, dont dépendent les êtres humains mais aussi les activités économiques, se dégradent dangereusement.
Il existe quatre types de services écosystémiques : les services d’approvisionnement (fourniture de produits alimentaires, de minéraux…), les services de régulation (contrôle du climat, régulation des inondations…), les services de soutien (cycle des nutriments, fourniture d’habitats…) et les services culturels (service récréatif, valeur spirituelle…).
Récemment, une valeur monétaire a été attribuée au déclin de certains services écosystémiques afin d’alerter sur la gravité de l’érosion de la biodiversité. En 2021, un rapport de la Banque mondiale a relevé que l’effondrement de seulement quelques services écosystémiques pourrait entraîner une baisse mondiale du PIB de 2,7 milliards de dollars par an d’ici 2030. L’impact financier de la perte de biodiversité est également ressenti par les entreprises et les organisations internationales notamment via les perturbations de leurs chaînes d’approvisionnements et l’augmentation des risques physiques impactant la main-d’œuvre, les matières premières et les communautés locales.
En parallèle, la société civile se montre de plus en plus attentive aux impacts des entreprises sur la nature et les communautés locales. Les scandales font l’objet d’une large médiatisation, exposant les entreprises à des risques réputationnels considérables. Pour pallier ces risques, les entreprises doivent s’engager de manière proactive en faveur de la nature et de la société. Cet engagement peut revêtir différentes formes, mais débute systématiquement par une compréhension approfondie des enjeux et par la création de données tangibles pour suivre et interpréter les situations.
Aujourd’hui, il est impératif pour les entreprises d’examiner les enjeux relatifs à la nature, incluant d’une part, l’impact de leurs activités sur la nature, et d’autre part, la dépendance de leurs activités aux services écosystémiques. Comprendre ces enjeux est essentiel tant pour la gestion des risques que pour la prise de décisions stratégiques avisées. De plus, les opportunités commerciales positives pour les écosystèmes naturels ne peuvent émerger que grâce à des individus avertis et conscients des changements et des vulnérabilités propres à leur entreprise face aux perturbations environnementales.
Les recommandations de la TNFD pavent une voie claire pour appréhender et traiter les enjeux liés à la nature.
L’émergence de cadres et de réglementations en faveur de la prise en compte de la nature marque un tournant majeur pour les entreprises. Anticiper les évolutions réglementaires et démontrer son engagement deviennent clés pour renforcer la confiance avec les parties prenantes. L’entrée en vigueur de la CSRD en janvier 2024 place formellement la biodiversité au cœur des préoccupations de l’Union européenne. La CSRD considère les données de durabilité au même plan que les données financières et charge les entreprises de les restituer dans un document intégré au rapport de gestion.
La TNFD est mentionnée à plusieurs reprises comme l’un des cadres recommandés à utiliser pour avoir une vision détaillée de ses performances environnementales. Commencer l’adoption des recommandations de la TNFD permet aux entreprises d’adapter leur gestion des risques et d’identifier de nouveaux marchés et opportunités business.
Le succès de la TNFD est attendu ; l’initiative succède à la TCFD, un cadre reconnu pour la gestion et la communication des risques liés au climat, dont l’influence est bien établie. La TCFD et la TNFD ne sont pas obligatoires en termes de conformité réglementaire universelle, cependant, de plus en plus d’organisations, entreprises et investisseurs reconnaissent l’importance des informations financières liées au climat et à la nature pour évaluer correctement les risques et les opportunités. Déjà, juridictions, organismes de réglementation et marchés financiers encouragent voire même exigent la divulgation d’informations conformes aux recommandations de la TCFD. Il est très probable qu’il en soit bientôt de même pour la TNFD.
D’autres initiatives émergent pour intégrer les enjeux liés à la nature et à la biodiversité. Complémentaires et alignées les unes avec les autres, leurs ambitions sont diverses. Le CDP, par exemple, a introduit cette année une série de nouvelles questions sur la biodiversité. L’objectif poursuivi est le recueil d’informations détaillées sur la gestion et l’évaluation des impacts liés à la biodiversité, ainsi que sur les mesures prises pour atténuer ces impacts ou contribuer à la conservation de la biodiversité. L’initiative Science Based Targets a créé les SBTN (Science-based targets for nature), une méthode conçue notamment pour définir des objectifs de réduction des impacts sur la nature des entreprises. Les entreprises peuvent adhérer à une ou plusieurs initiatives selon leurs priorités et engagements.
En septembre 2023, la TNFD a publié ses 14 recommandations. Ces recommandations sont structurées autour de 4 piliers, similaires à ceux définis par la TCFD : Gouvernance, Stratégie, Gestion des risques et des impacts, Indicateurs et objectifs.
Les recommandations de la TNFD sont fondées sur des données scientifiques, alignées avec les cadres mondiaux et les normes internationales de reporting sur le développement durable. Elles ont été pensées pour :
En suivant ces recommandations, et celles de la TCFD, les entreprises s’assurent une vision globale des risques et opportunités liés au climat et la nature. Les recommandations peuvent être suivies petit à petit par les entreprises, de façon à rehausser leurs ambitions d’année en année.
Les entreprises alignées avec les recommandations de la TCFD ont déjà effectué une grande partie du travail préparatoire nécessaire pour répondre aux recommandations de la TNFD (comme la cartographie précise de leur chaîne de valeur par exemple).
Les recommandations de la TNFD :
Les retours d’expérience des entreprises ayant adopté la TNFD pourront faire évoluer les recommandations dans l’optique d’améliorer et de faciliter leur prise en compte.
Développée par la TNFD, l’approche intégrée LEAP aide les entreprises dans l’évaluation et la gestion interne des impacts, dépendances, risques et opportunités liés à la nature.
LEAP est une méthodologie conçue comme un processus itératif destiné à aider les organisations à mener à bien leurs activités de reporting sur la nature. Ainsi, l’approche LEAP, suivie pas à pas, permet d’entrer petit à petit en conformité avec l’ensemble des recommandations de la TNFD et va même au-delà du périmètre préconisé.
Cette approche n’est pas un processus obligatoire pour répondre aux recommandations de la TNFD, puisque tout ce qui est identifié et évalué à l’aide de l’approche LEAP n’est pas nécessairement recommandé par la TNFD pour la divulgation. Il existe également d’autres méthodologies, d’autres façons de faire pour répondre aux recommandations faites par la TNFD.
L’approche intégrée LEAP se décompose en quatre temps : localiser (Locate), évaluer (Evaluate), analyser (Assess) et préparer (Prepare).
Nouveauté remarquable de la TNFD : le cadre se positionne quant à l’importance d’un engagement significatif avec les peuples autochtones, les communautés locales et d’autres parties prenantes dans l’identification, l’évaluation et la gestion des problématiques liés à la nature par les organisations.
La TNFD recommande aux entreprises de prendre en compte les communautés locales impactées par leur chaîne de valeur dans le reporting des risques liés à la nature.
Le guide associé développe des conseils qui couvrent des aspects comme la préparation à l’engagement des parties prenantes, la conception et la mise en œuvre de ce dernier, et son incorporation dans les systèmes d’action et de rétroaction.
La trajectoire d’alignement sur la TNFD varie d’une organisation à l’autre, influencée par certains paramètres comme le niveau de maturité ou la complexité de la chaîne de valeur. Pour amorcer le processus, voici quelques exemples d’étapes clés :
SBTN, TNFD, CSRD : les équipes d’EcoAct spécialisées en biodiversité vous accompagnent pour comprendre ces cadres et mettre la nature au cœur de vos actions. Contactez-nous pour plus d’informations.
A l’issue de la COP 15 pour la biodiversité qui s’est tenue en décembre 2022, l’Accord mondial de Kunming-Montréal a vu le jour pour fixer des objectifs mondiaux de lutte contre le déclin de la biodiversité. Ces cibles encouragent notamment les entreprises à évaluer, prendre en compte et communiquer sur les risques, les dépendances et les impacts sur la biodiversité.
A l’image des cadres volontaires qui incluent de plus en plus les enjeux sur la sauvegarde de la nature, nous nous attendons également à voir le paysage réglementaire évoluer pour les prendre en compte.
Pour vous accompagner dans la compréhension, la mesure et la réduction de vos impacts et de vos dépendances à la biodiversité, vous trouverez dans cette fiche d’information :