Qu’est-ce que la TNFD et pourquoi adopter ses recommandations ?

Issue d’une initiative mondiale impliquant institutions financières, entreprises, ONG, organismes gouvernementaux et autres parties prenantes intéressées, la TNFD (Taskforce on nature-related financial disclosures) a élaboré des recommandations pour l’évaluation, la gestion et le reporting des risques liés à la nature.

Mathilde Delbauffe, Sabrina Capon

7 Fév 2024 12 minutes de lecture

Issue d’une initiative mondiale impliquant institutions financières, entreprises, ONG, organismes gouvernementaux et autres parties prenantes intéressées, la TNFD (Taskforce on nature-related financial disclosures) a élaboré des recommandations pour l’évaluation, la gestion et le reporting des risques liés à la nature. La démarche a pour ambition de réorienter les flux financiers mondiaux vers des activités plus durables et respectueuses de la biodiversité. Dans cet article, Sabrina Capon, Manager Biodiversité, et Mathilde Delbauffe, Consultante Senior Biodiversité chez EcoAct, présentent la TNFD et expliquent pourquoi votre entreprise devrait suivre ses recommandations.

Qu’est-ce que la TNFD ?

La TNFD propose un cadre aux entreprises pour les aider à considérer les impacts, dépendances, risques et opportunités liés à la nature et à agir en conséquence. La TNFD s’appuie sur les travaux de la TCFD, mais ne se concentre plus seulement sur le changement climatique. La TNFD intègre la nature en référence à l’ensemble des écosystèmes, de la biodiversité et des services écosystémiques terrestres.

Ce cadre comprend des recommandations, l’approche méthodologique appelée « LEAP » (détaillée plus bas dans cet article), des guides par secteur, des guides par biome, des évaluations d’outils existants, des conseils en matière d’analyse de scénarios, de mesures et de fixation d’objectifs.

Comment prendre en compte les risques liés à la nature…

Limite planétaire récemment renommée et déjà dépassée, l’intégrité de la biosphère évalue les risques liés à la perte de la diversité du vivant. Les pressions exercées par l’activité humaine, notamment la surexploitation des ressources, le changement d’usage des terres et le changement climatique, contribuent au déclin croissant de la biodiversité. En conséquence, les services écosystémiques essentiels, dont dépendent les êtres humains mais aussi les activités économiques, se dégradent dangereusement.

Il existe quatre types de services écosystémiques : les services d’approvisionnement (fourniture de produits alimentaires, de minéraux…), les services de régulation (contrôle du climat, régulation des inondations…), les services de soutien (cycle des nutriments, fourniture d’habitats…) et les services culturels (service récréatif, valeur spirituelle…).

Récemment, une valeur monétaire a été attribuée au déclin de certains services écosystémiques afin d’alerter sur la gravité de l’érosion de la biodiversité. En 2021, un rapport de la Banque mondiale a relevé que l’effondrement de seulement quelques services écosystémiques pourrait entraîner une baisse mondiale du PIB de 2,7 milliards de dollars par an d’ici 2030. L’impact financier de la perte de biodiversité est également ressenti par les entreprises et les organisations internationales notamment via les perturbations de leurs chaînes d’approvisionnements et l’augmentation des risques physiques impactant la main-d’œuvre, les matières premières et les communautés locales.

En parallèle, la société civile se montre de plus en plus attentive aux impacts des entreprises sur la nature et les communautés locales. Les scandales font l’objet d’une large médiatisation, exposant les entreprises à des risques réputationnels considérables. Pour pallier ces risques, les entreprises doivent s’engager de manière proactive en faveur de la nature et de la société. Cet engagement peut revêtir différentes formes, mais débute systématiquement par une compréhension approfondie des enjeux et par la création de données tangibles pour suivre et interpréter les situations.

Aujourd’hui, il est impératif pour les entreprises d’examiner les enjeux relatifs à la nature, incluant d’une part, l’impact de leurs activités sur la nature, et d’autre part, la dépendance de leurs activités aux services écosystémiques. Comprendre ces enjeux est essentiel tant pour la gestion des risques que pour la prise de décisions stratégiques avisées. De plus, les opportunités commerciales positives pour les écosystèmes naturels ne peuvent émerger que grâce à des individus avertis et conscients des changements et des vulnérabilités propres à leur entreprise face aux perturbations environnementales. 

Les recommandations de la TNFD pavent une voie claire pour appréhender et traiter les enjeux liés à la nature.

…en suivant les recommandations de la TNFD ?

L’émergence de cadres et de réglementations en faveur de la prise en compte de la nature marque un tournant majeur pour les entreprises. Anticiper les évolutions réglementaires et démontrer son engagement deviennent clés pour renforcer la confiance avec les parties prenantes. L’entrée en vigueur de la CSRD en janvier 2024 place formellement la biodiversité au cœur des préoccupations de l’Union européenne. La CSRD considère les données de durabilité au même plan que les données financières et charge les entreprises de les restituer dans un document intégré au rapport de gestion.

La TNFD est mentionnée à plusieurs reprises comme l’un des cadres recommandés à utiliser pour avoir une vision détaillée de ses performances environnementales. Commencer l’adoption des recommandations de la TNFD permet aux entreprises d’adapter leur gestion des risques et d’identifier de nouveaux marchés et opportunités business.

Le succès de la TNFD est attendu ; l’initiative succède à la TCFD, un cadre reconnu pour la gestion et la communication des risques liés au climat, dont l’influence est bien établie. La TCFD et la TNFD ne sont pas obligatoires en termes de conformité réglementaire universelle, cependant, de plus en plus d’organisations, entreprises et investisseurs reconnaissent l’importance des informations financières liées au climat et à la nature pour évaluer correctement les risques et les opportunités. Déjà, juridictions, organismes de réglementation et marchés financiers encouragent voire même exigent la divulgation d’informations conformes aux recommandations de la TCFD. Il est très probable qu’il en soit bientôt de même pour la TNFD.

D’autres initiatives émergent pour intégrer les enjeux liés à la nature et à la biodiversité. Complémentaires et alignées les unes avec les autres, leurs ambitions sont diverses. Le CDP, par exemple, a introduit cette année une série de nouvelles questions sur la biodiversité. L’objectif poursuivi est le recueil d’informations détaillées sur la gestion et l’évaluation des impacts liés à la biodiversité, ainsi que sur les mesures prises pour atténuer ces impacts ou contribuer à la conservation de la biodiversité. L’initiative Science Based Targets a créé les SBTN (Science-based targets for nature), une méthode conçue notamment pour définir des objectifs de réduction des impacts sur la nature des entreprises. Les entreprises peuvent adhérer à une ou plusieurs initiatives selon leurs priorités et engagements.

Que contiennent les recommandations de la TNFD ?

Zoom sur les recommandations

En septembre 2023, la TNFD a publié ses 14 recommandations. Ces recommandations sont structurées autour de 4 piliers, similaires à ceux définis par la TCFD : Gouvernance, Stratégie, Gestion des risques et des impacts, Indicateurs et objectifs.

Les recommandations de la TNFD sont fondées sur des données scientifiques, alignées avec les cadres mondiaux et les normes internationales de reporting sur le développement durable. Elles ont été pensées pour :

  • Répondre aux besoins de reporting d’un large éventail d’organisations,
  • Contribuer à la fourniture de meilleures informations pour soutenir la stratégie et la gestion des risques au niveau du conseil d’administration et de la direction,
  • Promouvoir des décisions d’investissement, de crédit et de souscription d’assurance plus éclairées du côté des institutions financières,
  • Permettre une meilleure compréhension des notions liées à la nature et aux impacts, dépendances, risques et opportunités qui y sont liés.

En suivant ces recommandations, et celles de la TCFD, les entreprises s’assurent une vision globale des risques et opportunités liés au climat et la nature. Les recommandations peuvent être suivies petit à petit par les entreprises, de façon à rehausser leurs ambitions d’année en année.

Les entreprises alignées avec les recommandations de la TCFD ont déjà effectué une grande partie du travail préparatoire nécessaire pour répondre aux recommandations de la TNFD (comme la cartographie précise de leur chaîne de valeur par exemple).

Les recommandations de la TNFD :

Qu’est-ce que la TNFD et pourquoi adopter ses recommandations ?

Les retours d’expérience des entreprises ayant adopté la TNFD pourront faire évoluer les recommandations dans l’optique d’améliorer et de faciliter leur prise en compte.

L’approche méthodologique LEAP pour guider les organisations

Développée par la TNFD, l’approche intégrée LEAP aide les entreprises dans l’évaluation et la gestion interne des impacts, dépendances, risques et opportunités liés à la nature.

LEAP est une méthodologie conçue comme un processus itératif destiné à aider les organisations à mener à bien leurs activités de reporting sur la nature. Ainsi, l’approche LEAP, suivie pas à pas, permet d’entrer petit à petit en conformité avec l’ensemble des recommandations de la TNFD et va même au-delà du périmètre préconisé.

Cette approche n’est pas un processus obligatoire pour répondre aux recommandations de la TNFD, puisque tout ce qui est identifié et évalué à l’aide de l’approche LEAP n’est pas nécessairement recommandé par la TNFD pour la divulgation. Il existe également d’autres méthodologies, d’autres façons de faire pour répondre aux recommandations faites par la TNFD.

L’approche intégrée LEAP se décompose en quatre temps : localiser (Locate), évaluer (Evaluate), analyser (Assess) et préparer (Prepare).

Qu’est-ce que la TNFD et pourquoi adopter ses recommandations ?
Source : TNFD Guidance on the identification and assessment of nature-related issues

Guide sur l’engagement avec les peuples autochtones, les communautés locales et les parties prenantes concernées

Nouveauté remarquable de la TNFD : le cadre se positionne quant à l’importance d’un engagement significatif avec les peuples autochtones, les communautés locales et d’autres parties prenantes dans l’identification, l’évaluation et la gestion des problématiques liés à la nature par les organisations.

La TNFD recommande aux entreprises de prendre en compte les communautés locales impactées par leur chaîne de valeur dans le reporting des risques liés à la nature.

Le guide associé développe des conseils qui couvrent des aspects comme la préparation à l’engagement des parties prenantes, la conception et la mise en œuvre de ce dernier, et son incorporation dans les systèmes d’action et de rétroaction.

Comment se lancer ?

La trajectoire d’alignement sur la TNFD varie d’une organisation à l’autre, influencée par certains paramètres comme le niveau de maturité ou la complexité de la chaîne de valeur. Pour amorcer le processus, voici quelques exemples d’étapes clés :

  1. Sensibiliser, former et engager, à tous les niveaux, dans l’optique d’introduire les enjeux liés à la nature et ses liens avec votre activité. Cette première étape est essentielle pour approfondir la compréhension des principes fondamentaux de la nature, établir un argumentaire en faveur de la nature et obtenir l’adhésion du conseil d’administration et de la direction. > Nos experts peuvent vous aider à organiser des sessions de formation par le biais d’ateliers formels ou informels.
  2. Identifier les enjeux sectoriels et anticiper les évolutions réglementaires. Cette étape permet de vous positionner par rapport aux initiatives volontaires ou réglementaires suivies par votre branche d’activités. > EcoAct vous accompagne dans la réalisation d’études comparatives et vous propose des veilles réglementaires.
  3. Détailler votre chaîne de valeur. > EcoAct vous soutient dans la construction de la chaîne de valeur de vos activités.
  4. Analyser les impacts et les dépendances liés à la nature de votre entreprise, sur toute sa chaîne de valeur. Cette étape permet d’avoir un aperçu clair des activités les plus impactantes et les plus dépendantes de votre chaîne de valeur vis à vis des services écosystémiques.
  5. Examiner et intégrer les risques et opportunités qui résultent de l’analyse des impacts et dépendances. Cette étape consiste à détailler et à évaluer les risques et opportunités liés à la nature ce qui permet de les prendre en compte dans la stratégie globale de l’entreprise et de prioriser les actions pertinentes à mettre en place. > EcoAct vous aide à identifier et à évaluer les risques et opportunités liés à la nature de votre entreprise.
  6. Passer à l’action, fixer des objectifs et suivre les opérations mises en place pour réduire les risques et les impacts, protéger et restaurer les écosystèmes et la biodiversité. Cette étape permet de guider les actions conformément aux meilleures connaissances scientifiques disponibles en matière d’environnement et d’engager les entreprises dans une trajectoire conforme au cadre du SBTN (Éviter, réduire, restaurer, régénérer, transformer). > EcoAct vous accompagne dans la mise en place de plans d’actions et dans la définition d’objectifs SBTN validés par la SBTi.

SBTN, TNFD, CSRD : les équipes d’EcoAct spécialisées en biodiversité vous accompagnent pour comprendre ces cadres et mettre la nature au cœur de vos actions. Contactez-nous pour plus d’informations.

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