La France doit faire davantage d’efforts pour s’aligner sur les objectifs climatiques européens : la pressante recommandation du Haut Conseil pour le climat

Le 29 juin 2022, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a livré son rapport annuel à la Première ministre. Nouveau gouvernement, adoption en cours du paquet européen « Fit for 55 », prochaines feuilles de route ministérielles préparées par le Secrétariat général à la planification écologique. Quels sont les enjeux prioritaires de l’action climatique en France ...

Jordan Hairabedian

7 juil 2022 6 minutes de lecture

Le 29 juin 2022, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a livré son rapport annuel à la Première ministre. Nouveau gouvernement, adoption en cours du paquet européen « Fit for 55 », prochaines feuilles de route ministérielles préparées par le Secrétariat général à la planification écologique. Quels sont les enjeux prioritaires de l’action climatique en France en 2022 pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Jordan Hairabedian, consultant chercheur en décarbonation chez EcoAct, nous livre son analyse.

Comme établi par son mandat en tant qu’« organisme indépendant chargé de donner des avis et d’émettre des recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de GES de la France », le HCC analyse dans son rapport annuel les impacts du dérèglement climatique en France, le suivi de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et donne des recommandations aux décideurs.

Cette année, il questionne davantage le niveau d’ambition des engagements français dans un contexte européen proactif avec la hausse en cours des engagements de l’Union européenne (UE) pour permettre d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. La remise de ce rapport à la Première ministre s’inscrit cette année dans un nouveau contexte institutionnel : la coordination de l’action climatique est désormais positionnée sous sa responsabilité avec la création fin mai 2022 du Secrétariat général de la planification écologique.

La France moins ambitieuse que l’UE en matière de réduction d’émissions de GES

Au niveau national, il est désormais établi que tous les secteurs émissifs en carbone connaissent une baisse de leurs émissions, atteignant 418 MtéqCO2 en 2021. Une diminution structurelle est établie pour le bâtiment, l’industrie et l’énergie. Cependant, elle reste à confirmer pour le transport et l’agriculture. Les émissions de la France ont certes réaugmenté de +6,4 % entre 2020 et 2021, mais restent inférieures à celles de 2019 de 3,8 %.

Cela étant, le rapport met en évidence que, dans le cadre de la SNBC, le premier budget carbone de la France a été dépassé de 61 MtéqCO2, principalement à cause des émissions des secteurs du transport et du bâtiment. Les budgets carbone suivants ont été adoptés en 2020 par décret dans le cadre de la SNBC révisée (SNBC2) pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033 en vue d’atteindre un objectif de réduction des émissions territoriales de –40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990. Or, en juin 2020, la loi européenne sur le climat a fixé la neutralité climatique de l’UE pour 2050 avec un objectif intermédiaire de réduire les émissions de GES de –55 % d’ici à 2030.

La France doit faire davantage d’efforts pour s’aligner sur les objectifs climatiques européens : la pressante recommandation du Haut Conseil pour le climat

Un écart d’ambition climatique à corriger d’après le Haut conseil pour le climat

Le HCC estime que les nouveaux objectifs européens (révision du système européen d’échange de quotas d’émission — EU ETS —, révision du règlement sur la répartition de l’effort…) requièrent un rehaussement de l’ambition française. D’une part, l’objectif national de réduction des émissions devra passer à -50 % (contre -40 % jusqu’à la sortie du rapport) d’ici à 2030 par rapport à 1990. D’autre part, la France devra également considérer l’augmentation des puits de carbone en introduisant un objectif de réduction des émissions nettes de -54 %.

Concrètement, cela signifie que le rythme annuel de réduction d’émissions de GES doit plus que doubler. Il devra atteindre -4,7 % en moyenne sur la période 2022-2030, contre -3,2 % d’après la SNBC2. À titre comparatif, il n’était que de -1,9 % sur 2019-2021, période qui inclut la crise sanitaire liée au Covid 19 ayant impliqué une baisse significative — mais non pérenne — des émissions sur l’année 2020.

Le HCC considère qu’il est essentiel d’aligner dès cette année les objectifs français avec l’ambition européenne dans le contexte de la Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC) en cours d’élaboration. Elle constituera la feuille de route actualisée de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour assurer l’adaptation de la société aux impacts du changement climatique, en incluant la SNBC, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et le Plan national d’Adaptation au changement climatique (PNACC).

L’écart d’ambition à combler est significatif. Le HCC précise que sur les 25 orientations sectorielles de la SNBC (agriculture, bâtiments, utilisation des terres, transformation de l’énergie, industrie et transport), seules 6 sont jugées en adéquation avec le niveau requis pour ne pas dépasser les budgets carbone. Concernant l’adaptation, « les politiques souffrent d’un manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi pour mettre en œuvre rapidement les actions nécessaires ». Aujourd’hui, la France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques à venir.

En résumé, le rapport précise que « la future SFEC doit aller plus loin, en devenant un outil de pilotage opérationnel de l’action climatique de la France ».

Accompagner les entreprises

Le HCC adresse des recommandations pour rendre cohérente la SNBC2 avec les politiques sectorielles pour mieux accélérer les trajectoires de réduction des GES par secteur.

D’un point de vue transversal, plusieurs leviers d’actions clefs activables par le gouvernement sont identifiés pour aider les entreprises à participer au relèvement de l’ambition climatique de la France :

  • Mettre en œuvre une programmation de long terme des financements publics pour le climat pour assurer une visibilité nécessaire aux entreprises.
  • Conditionner tout soutien public significatif à l’établissement d’une feuille de route climat par les parties prenantes bénéficiaires, en respectant les principes méthodologiques publiés par le gouvernement.
  • Rendre les solutions bas carbone plus accessibles aux entreprises dans la perspective d’une hausse durable du prix du carbone sur le marché européen ou d’une relance éventuelle de la fiscalité carbone dans un esprit de justice sociale.
  • Soutenir le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin de renforcer la compétitivité des entreprises françaises et d’atteindre les objectifs climatiques de l’UE. L’objectif est également d’agir sur les émissions importées et de les réduire de 65 % à l’horizon 2050 par rapport à 2005.
  • Accompagner les entreprises à se conformer aux nouvelles obligations réglementaires : taxonomie européenne et directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) par exemple.

À la lumière des conclusions de ce quatrième rapport annuel du HCC, Matignon a d’ores et déjà annoncé que la France comptait relever son objectif climatique en s’alignant avec les exigences européennes. Des consultations étendues, de nouvelles feuilles de route ministérielles et des lancements de travaux législatifs sont attendus dès cet été.

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