Marché européen du carbone : rapport 2023 sur l’état de l’EU ETS

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Marché européen du carbone

La huitième édition du rapport sur l’état du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE, EU ETS), « State of the EU ETS», vient de paraître. Produit en collaboration avec l’ERCST (European Round on Climate and Sustainable Transition), BloombergNEF, le centre de recherche Wegener Center de l’Université de Graz en Autriche, et EcoAct, ce rapport annuel a pour objectif de fournir une contribution indépendante au débat politique sur le rôle et l’efficacité du marché européen du carbone.

Le rapport paraît à un moment clé pour l’EU ETS, puisque les grands volets de sa réforme viennent d’être adoptés par les institutions européennes. Notamment, l’objectif de réduction d’émissions du mécanisme a été rehaussé (-62 % d’ici à 2030 par rapport à 2005) et couvrira désormais le secteur du transport maritime ; un nouvel ETS sera créé pour couvrir les émissions des secteurs du transport routier et du bâtiment, et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF, CBAM) sera mis en place sur plusieurs produits pilotes.

Découvrez le rapport complet (uniquement en version anglaise), en cliquant ici.

Les messages clés du rapport 2023 sur l’état du marché européen du carbone

Évolutions réglementaires :

  • Les baisses d’émissions durant les 3 premières phases de l’EU ETS sont principalement dues à la décarbonation du secteur électrique. La réforme de l’EU ETS opère un changement de braquet en mettant l’accent sur la décarbonation de l’industrie.
  • Cela se traduit par la fin des quotas gratuits aux installations industrielles d’ici à 2034: le risque de fuite de carbone sera alors pris en charge par un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF ou CBAM).
  • Par ailleurs, le périmètre de l’EU ETS sera élargi au secteur maritime dès 2024, et un nouvel ETS (« EU ETS2 ») sera créé en 2027 pour couvrir les émissions liées au transport routier et au bâtiment.
  • Du fait de la fin progressive des quotas gratuits, l’EU ETS deviendra une source de revenus majeure, qui permettra d’abonder le Fond d’innovation, outil de promotion des technologies bas-carbone, ainsi que le Fonds social pour le Climat afin de financer des mesures liées à la précarité énergétique et à la mobilité.
  • Bien que cela ne soit pas encore sur la table de négociations, les acteurs s’accordent à dire que la réouverture de l’EU ETS aux crédits carbone internationaux, et notamment à ceux issus de projets de séquestration du carbone, est importante pour atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050.

Efficacité environnementale :

  • L’année 2022 a été marquée par la guerre en Ukraine et la crise énergétique. La disponibilité et le prix du gaz naturel ont été impactés, ce qui a engendré un retour en force du charbon pour assurer la production d’électricité, dont les prix se sont envolés.
  • La baisse des émissions de l’EU ETS a donc été de 1,2 % seulement par rapport à 2021, pour un total de 1 320 Mt de CO2 en 2022. L’augmentation des émissions du fait de l’utilisation accrue du charbon (+3,9 %) a été contrebalancée par la diminution des émissions industrielles (-5 %) provoquée par le ralentissement de la production.
  • Néanmoins, pour la première fois, la production éolienne et solaire a dépassé le gaz dans le mix électrique de l’UE, ce qui a contribué à atténuer les émissions.
  • L’objectif de réduction d’émissions de GES est rehaussé de -43 à -62 % d’ici à 2030 par rapport à 2005. Si les émissions poursuivent leur tendance, le plafond de l’EU ETS pourrait mordre d’ici à quelques années. Des efforts d’atténuation massifs devront donc se produire.

Efficacité socio-économique :

  • Nous analysons l’impact de différents facteurs sur les émissions du secteur électrique. Entre 2012 et 2021, la part accrue des énergies renouvelables a expliqué environ 80 % des réductions d’émission, le reste étant principalement dû à la substitution du charbon par le gaz. La baisse du nucléaire a contribué à ralentir la décarbonation du secteur.
  • Néanmoins, cette tendance s’est inversée entre 2020 et 2021 : les émissions du secteur électrique ont globalement augmenté du fait de la reprise post-Covid, et d’un mix électrique plus carboné que les années précédentes.
  • Dans l’industrie, l’intensité carbone des installations s’est fortement améliorée depuis 2020, notamment dans les secteurs du verre, du ciment, du papier et de l’acier.
  • Les installations industrielles ont historiquement reçu une large part de quotas gratuits au titre de la protection contre les fuites de carbone. Cette tendance s’est inversée entre la phase 3 et la phase 4, avec un besoin d’achat de quotas plus important pour les installations industrielles.
  • Notamment, les secteurs des produits pharmaceutiques, des équipements et des produits pétrochimiques ont connu un accroissement rapide de leur déficit de quotas.
  • L’utilisation des revenus de l’EU ETS est clé pour en limiter les impacts économiques et sociaux. En 2021, 2,4 milliards € ont été versés aux entreprises électro-intensives au titre de la compensation des coûts carbone répercutés dans les prix de l’électricité.
  • Les revenus sont assez peu redistribués vers les entreprises couvertes par l’EU ETS. En 2021, ils ont permis de financer le verdissement de la mobilité, l’efficacité énergétique, et des mesures d’allègement fiscal à destination des ménages. Par ailleurs, la Pologne et l’Allemagne concentrent 45 % des revenus des enchères.

Fonctionnement du marché européen du carbone :

  • En 2022, le volume total échangé a diminué de 26 % par rapport au niveau record de 2021 pour atteindre 7 milliards de quotas échangés. Ceci est dû à la guerre en Ukraine qui a redirigé les capitaux vers les actifs énergétiques.
  • Le nombre de participants aux enchères a également diminué, avec en moyenne 19 participants par enchère. Le nombre d’acteurs non régulés a peu augmenté. Les décisions d’achat-vente de ces acteurs s’alignent globalement sur les mouvements du prix du carbone.
  • La volatilité a fortement augmenté en 2022 pour s’établir à un niveau record de 53 %, indicateur d’un marché mouvementé du fait des évènements géopolitiques. Le prix du carbone est passé d’environ 50 €/téqCO2 en 2021 à plus de 80 €/téqCO2 en 2022.
  • Les projections d’analystes s’accordent sur une tendance haussière du prix du carbone à l’horizon 2030, avec des prix pouvant dépasser 130 €/téqCO2.

Compétitivité et fuites de carbone :

  • Les quotas gratuits et la compensation des coûts indirects sont les outils historiques pour limiter les fuites de carbone. À la suite de l’aboutissement des négociations, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) prendra progressivement le relai en taxant certains produits importés dans l’UE à hauteur de leur contenu carbone
  • Aujourd’hui, la grande majorité des installations du secteur manufacturier sont considérées comme exposées à un risque de fuite de carbone. La suppression des quotas gratuits aurait donc un impact économique important. À un prix du carbone de 120 €/téqCO2 en 2030, ce dernier pourrait s’élever à 8,5 milliards d’euros en 2030 pour le secteur manufacturier, un coût 4 fois plus élevé qu’en 2022.
  • Néanmoins, si les installations respectent le nouvel objectif (-62 % d’émissions par rapport à 2005 d’ici à 2030), les émissions industrielles pourraient demeurer temporairement équivalentes aux quotas gratuits distribués entre 2025 et 2028. Les représentants de l’industrie s’accordent à dire que cela nécessiterait des investissements colossaux dans la décarbonisation industrielle.
  • Si l’industrie va être davantage contrainte par le système dans les prochaines années, la production d’électricité demeure le plus gros poste d’émission de l’EU ETS. Le coût total du système pour les entreprises et les ménages dépend donc avant tout de la capacité du secteur à maintenir une trajectoire de décarbonation ambitieuse.

Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières :

  • La phase transitoire du mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone débutera en octobre 2023, avec une mise en œuvre à partir de 2026. Les prochains mois seront consacrés à sa mise en œuvre opérationnelle.
  • Par rapport à la situation actuelle avec quotas gratuits, les études récentes suggèrent que le CBAM pourrait détériorer la balance commerciale de l’UE à court terme, étant donné que la diminution prévue des importations ne compenserait pas la perte des exportations, en raison des coûts de production plus élevés dans l’UE.
  • Par conséquent, certains paramètres devront être examinés au cours des premières années d’existence du CBAM, tels que :
    • L’extension à d’autres secteurs et aux émissions de scope 2 afin de refléter la couverture de l’EU ETS ;
    • L’extension aux produits en aval pour éviter les fuites de carbone ;
    • Le traitement des exportateurs.
  • Toutefois, l’enquête de perception du marché montre que les acteurs sont plutôt favorables au CBAM pour adresser le risque de fuite de carbone. Il serait également un moyen d’engager les fournisseurs non européens dans l’action climatique.
  • Par ailleurs, l’Europe devra rivaliser avec d’autres modèles de politiques climatiques comme ceux des États-Unis ou de la Chine, qui reposent sur le subventionnement massif des réductions d’émissions plutôt que sur la taxation du carbone.
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