Fit for 55, EU-ETS et CBAM : les impacts pour les entreprises des réformes du prix du carbone dans l’Union européenne

En décembre dernier, les négociateurs de l’Union européenne ont trouvé un accord sur la réforme visant à aligner le système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS) sur le nouvel objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Les changements devraient être officiellement adoptés durant l’été 2023 et ...

Chimdi Obienu

3 Fév 2023 7 minutes de lecture

En décembre dernier, les négociateurs de l’Union européenne ont trouvé un accord sur la réforme visant à aligner le système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS) sur le nouvel objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Les changements devraient être officiellement adoptés durant l’été 2023 et auront de vastes répercussions sur les entreprises et les décideurs politiques de l’UE et au-delà.

Les points clés à retenir :

  • Le plafond des émissions du marché carbone européen (EU-ETS) va baisser plus rapidement que prévu, ce qui va entraîner une pression plus forte sur le prix des quotas
  • Le mécanisme d’allocation de quotas gratuits sera entièrement supprimé d’ici à 2034.
  • La plupart des compagnies de transport maritime seront incluses dans l’EU ETS à partir de 2024.
  • Un nouveau marché carbone (EU-ETS II) pour les secteurs du bâtiment et du transport routier sera mis en place à partir de 2026.
  • Un nouveau mécanisme de taxe carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism ou CBAM) sera mis en place à partir d’octobre 2023 afin de taxer les émissions liées à certains produits importés dans l’Union Européenne.

Ambition climatique renforcée du paquet climat européen Fit for 55

L’objectif principal de la feuille de route proposée par l’UE dans son paquet « Fit for 55 » est de réduire les émissions de 62 % dans les secteurs couverts par l’EU ETS, par rapport à l’objectif précédent de 43 %.

En conséquence, la quantité de quotas d’émissions annuels délivrés sera réduite plus rapidement qu’initialement prévu ; ce changement devrait contribuer à un resserrement du marché des quotas. Alors que les entreprises cherchent à répercuter les coûts de mise en conformité sur les consommateurs, les secteurs dépendant de l’achat de biens et de services à forte intensité énergétique tels que la logistique et l’industrie manufacturière, devraient ainsi surveiller attentivement l’évolution des prix.

En parallèle, et pour la première fois, le secteur du transport maritime sera réglementé par l’EU ETS dès 2024, date à partir de laquelle les entreprises devront payer pour les émissions de méthane, de CO2 et de NO2 liées aux trajets de la plupart des cargos. Les entreprises seront tenues d’acheter des quotas pour toutes les émissions liées aux trajets intra-UE, ainsi que pour 50 % des émissions liées aux trajets extra-UE qui commencent ou se terminent dans l’UE. Il s’agit là d’une avancée significative dans la politique climatique européenne. En revanche, les vols transfrontaliers (à destination ou en provenance de l’extérieur de l’UE et de l’Espace économique européen) ne sont pas couverts par le plafond de l’EU ETS.

À partir de 2027, un marché distinct – ETS II – fonctionnera pour les distributeurs de carburant utilisés dans les bâtiments (commerciaux et résidentiels) et le transport routier. Ce système distinct permettra de mieux contrôler le prix des quotas, et empêcher une hausse trop élevée des factures énergétiques des ménages et des entreprises les plus vulnérables. L’UE prévoit d’instaurer un mécanisme pour stabiliser le prix de la tonne de CO2 pour le bâtiment et le transport routier autour de 45 € (contre environ 80 € la tonne début 2023 dans le marché ETS I). Par ailleurs, selon le contexte énergétique, le lancement de l’EU ETS II pourrait être repoussé à 2028.

EU ETS Fit for 55
Figure 1 : Secteurs couverts par le prix du carbone de l’EU ETS. En gras, les nouveaux secteurs assujettis au marché carbone européen.

Une autre évolution importante est la fin des allocations gratuites. À l’heure actuelle, les secteurs de l’aviation et de l’industrie reçoivent la plupart de leurs quotas à titre gratuit afin d’éviter que les coûts liés aux émissions de CO2 ne poussent les entreprises et les acheteurs à quitter l’UE pour se tourner vers des marchés ayant des règlementations moins contraignantes (un phénomène plus connu sous le nom de « fuite de carbone »). Toutes ces allocations gratuites seront progressivement supprimées pour le secteur de l’aviation d’ici 2026 et pour l’industrie d’ici 2034, en parallèle de l’instauration de la taxe carbone aux frontières. Ainsi, pour la première fois depuis la création de l’EU ETS en 2005, de nombreuses entreprises commenceront à payer pour leurs émissions.

La mise en place du mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone (ou CBAM)

Les entreprises européennes important des produits de pays en-dehors de l’Union européenne doivent également surveiller de près les évolutions réglementaires destinées à mettre un prix sur les « émissions importées ». À partir de 2026, un mécanisme pionnier de taxe carbone aux frontières (« Carbon Border Adjustment Mechanism » ou « CBAM » en anglais) sera mis en place, en parallèle de la suppression du mécanisme des allocations gratuites sur le marché carbone européen qui visait à empêcher les fuites de carbone. Le CBAM fixera un prix aux émissions liées à l’importation de certains produits. Les premiers produits concernés seront les importations de fer et d’acier, de ciment, d’aluminium, d’engrais, d’électricité et d’hydrogène. Tous les pays en-dehors de l’Union européenne sont concernés, sauf les pays ayant un mécanisme de prix du carbone suffisamment élevé. Ainsi, le mécanisme vise à protéger l’industrie européenne tout en encourageant les autres pays à se décarboner également via la mise en place d’un prix au carbone. Le CBAM débutera dès octobre 2023 avec une première phase de transition, lors de laquelle les importateurs ne seront tenus qu’à une obligation de reporting. Les paiements commenceront en 2026.

Prochaines étapes pour le paquet Fit for 55

Avant que ces nouvelles règles entrent en vigueur, le Parlement et le Conseil européens doivent encore approuver formellement les accords. Après 18 mois de débats autour de la proposition initiale de la Commission sur le paquet « Fit for 55 », les dernières étapes devraient se dérouler sans heurts, et la nouvelle loi devrait être adoptée d’ici mi-2023.

EcoAct peut vous accompagner à anticiper ces évolutions

Notre outil de tarification du carbone permet aux entreprises d’analyser les risques financiers liés aux mécanismes de tarification du carbone. Basé sur des recherches poussées et des scénarios élaborés par nos experts du climat, l’outil modélise les coûts futurs de la tarification du carbone en fonction de l’ampleur et de la localisation vos activités à forte intensité énergétique. La mise en œuvre de l’outil de tarification du carbone peut montrer aux investisseurs et aux régulateurs que votre organisation adopte une approche proactive et solide pour évaluer ses risques liés à la transition climatique.

EcoAct est un membre actif de l’International Emissions Trading Association (IETA), et contribue chaque année au rapport annuel sur « L’état de l’EU ETS », qui sert de guide aux décideurs politiques et aux autres parties prenantes sur le fonctionnement du système.

EU Fit for 55 - EU ETS - EcoAct carbon pricing - CBAM
Figure 2 : Quelques aperçus de notre outil « EcoAct Carbon Pricing Tool »

Vous pourriez aussi être intéressé(e) par…

Voir tout