Vulnérabilité des écoles aux changements climatiques : quels besoins d’adaptation dans les territoires ?

Partie 2 : Comment adapter les écoles et se préparer aux conséquences du changement climatique ? La première partie de notre étude a permis de mesurer et de caractériser l’exposition des écoles maternelles françaises, c’est-à-dire de mesurer la probabilité qu’elles soient directement confrontées à un aléa climatique à partir de leur localisation géographique et de modèles climatiques ...

Marie Tuffier, Valentin Framont et Véronique Mariotti

13 SEP 2023 16 minutes de lecture

Partie 2 : Comment adapter les écoles et se préparer aux conséquences du changement climatique ?

La première partie de notre étude a permis de mesurer et de caractériser l’exposition des écoles maternelles françaises, c’est-à-dire de mesurer la probabilité qu’elles soient directement confrontées à un aléa climatique à partir de leur localisation géographique et de modèles climatiques issus de notre logiciel ECLR (EcoAct Climate Risk Platform). Cette analyse spatialisée a notamment permis d’avoir une estimation fine, par département, du nombre d’écoles exposées aux trois principaux aléas climatiques identifiés : les vagues de chaleur, les feux de forêt et l’érosion côtière.

La vulnérabilité de ces établissements, qui se caractérise par leur sensibilité ou propension à subir des dommages, dépendra du niveau d’anticipation et des capacités d’adaptation déployées en amont. Ainsi, après avoir précisé les disparités d’exposition des territoires aux différents aléas climatiques, nous proposons ici une réflexion sur les solutions d’adaptation permettant d’anticiper et de faire face aux trois principaux aléas identifiés.

Si certaines actions (notamment liées à la lutte contre les vagues de chaleur) peuvent être initiées à l’échelle des établissements scolaires, d’autres induisent une réflexion stratégique plus globale et à l’échelle du territoire, portée cette fois par les collectivités compétentes et concertées avec l’ensemble des acteurs concernés (notamment pour lutter contre les feux de forêt et l’érosion côtière).

Adapter les écoles françaises aux 3 aléas climatiques : les solutions existantes pour se préparer

 S’adapter aux vagues de chaleur

Certains établissements scolaires, vétustes et mal isolés, ne sont pas conçus ni équipés pour faire face à de fortes chaleurs. Des caractéristiques diverses liées aux bâtiments (propriétés thermiques et d’aération, nombre de mètres carrés par enfant, ancienneté du bâti, ou encore exposition différenciée selon les étages, présence de baies vitrées, etc.) et à l’urbanisme (circulation de l’air, accès à des îlots de fraîcheur et végétalisation) peuvent faire varier leur vulnérabilité, et la capacité des acteurs à protéger les enfants en cas de fortes chaleurs[1]. Une étude menée par des chercheurs de l’université de Harvard, citée dans le Rapport Paris à 50°C, souligne les effets de la chaleur sur les fonctions cognitives des jeunes adultes, en particulier dans les écoles[2] : enfants agités, étourdis voire malades, saignement de nez voire malaises…).

L’indispensable chantier de l’adaptation des bâtiments : un enjeu pour l’Etat et les collectivités

Les caractéristiques des bâtiments, comme la hauteur de plafond des salles, la forme (longiligne) ou son exposition (Nord-Sud en l’occurrence) jouent un rôle clé dans la température ressentie par les élèves et doivent intégrer le climat de demain dès leur conception[3]. Pour les bâtiments existants, la rénovation des écoles constitue un premier levier inévitable, en améliorant leur isolation et leur confort thermique (toiture blanche, ou encore installation de stores sur les surfaces vitrées). Aujourd’hui, alors que les écoles représentent environ 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux, seulement 10 % du parc des écoles publiques a fait l’objet d’une rénovation thermique. Afin d’intensifier les travaux de rénovation de ces bâtiments, le gouvernement a lancé le 9 mai 2023 le plan « Rénovation énergétique des écoles – tous mobilisés »[4], permettant un accompagnement financier aux collectivités qui mettront en œuvre ces solutions. Plus récemment, le 5 septembre, Emmanuel Macron a annoncé l’objectif de rénover 44 000 écoles d’ici 10 ans, et le déploiement de 500 millions d’euros dès 2024 pour y parvenir[5].

Vulnérabilité des écoles aux changements climatiques : quels besoins d’adaptation dans les territoires ?

Figure N°1 : Simulation du résultat de la rénovation énergétique d’un groupe scolaire à Grenoble (Groupement d’Ingénierie Alethia)[6] 

La végétalisation des surfaces verticales (murs) et horizontales (toitures, espaces extérieurs) peut aussi permettre de réduire sensiblement l’effet d’ilot de chaleur ressenti. Toutefois, végétaliser trop rapidement et en surface, sans tenir compte d’évolutions possibles d’approvisionnement en eau, notamment en période de sécheresse, risque s’apparenter à de la mal-adaptation : par exemple, les arbres pourraient mourir faute d’un arrosage suffisant[7]. Il est ainsi indispensable d’observer quelles essences et espèces résistent le mieux aux aléas climatiques futurs du territoire en question. Par ailleurs, pour un espace urbain n’offrant que peu de possibilités de végétalisation, une alternative peut être d’ombrager les espaces via des dispositifs de voiles d’ombrage, ou d’ombrières.

Favoriser la perméabilité des revêtements extérieurs et désimperméabiliser, via la débitumisation d’espaces minéralisés de la cour, contribuent à mieux préparer les équipements scolaires. À Paris, 25 cours dites « Oasis » [8] – espaces plus naturels, végétalisés, garantissant une meilleure gestion de l’eau de pluie et des points d’eau, et proposant des aménagements plus ludiques et adaptés aux besoins des enfants – sont livrées chaque année, et le nombre devrait progressivement augmenter dans les années à venir[9].

école maternelle
Figure N°2 : Cours Oasis de l’école maternelle Emeriau (15ème arrondissement de Paris), Crédits : Laurent Bourgogne, Ville de Paris

Des pistes d’adaptation organisationnelles, davantage à la main des gestionnaires d’écoles

D’autres solutions davantage « organisationnelles » pourraient également être envisagées afin d’améliorer les conditions d’accueil des enfants en cas d’épisodes de forte chaleur, comme le décalage des horaires, la mutualisation des salles ou des bâtiments ou l’augmentation du personnel d’encadrement afin de délocaliser les activités de maternelle (sieste, jeux) dans des zones fraîches proches de l’école (parc, jardin, forêt), tant qu’elle n’a pas mis en place la rénovation. La mise à disposition de moyens permettant aux familles de garder leurs enfants à domicile ou de trouver des solutions de garde peut aussi être une piste de solutions, tout en s’assurant que de telles mesures n’ait pas pour conséquence d’accroître les inégalités sociales entre les familles.

Aujourd’hui, les caractéristiques imaginées à l’époque de la construction des établissements scolaires ne sont plus adaptées aux évolutions climatiques présentes et futures. Pour le Sénat[10], en matière de bâti scolaire, la dynamique à impulser pour relever les défis repose sur les collectivités territoriales qui en ont la compétence, et nécessitera un accompagnement renforcé des agents territoriaux et des élus : sur les plans financier, technique et juridique. En complément de cette adaptation systémique, d’autres solutions peuvent être également imaginées par les directeurs et directrices d’écoles, afin de garantir l’accueil des élèves dans des bâtiments frais et abrités de la chaleur sur le long terme.

S’adapter aux feux de forêt

En France, la forêt couvre 31 % du territoire. À la fois puits de carbone et espace d’accueil de nombreuses espèces animales et végétales, les forêts sont également nécessaires au bien-être humain. Or, nous l’avons vu dans la première partie de cette étude, le territoire français sera exposé à un risque de feu de forêt croissant. La vulnérabilité des territoires aux risques d’incendie s’explique à la fois par une exposition accrue du fait des climats locaux, souvent chauds et secs, créant les conditions propices aux départs de feux (hausse de l’évapotranspiration des végétaux qui deviennent plus secs, sécheresse, et parasites tuant les arbres, créant ainsi du combustible), mais également à la composition et la gestion des forêts, renforçant parfois les conditions de propagation.

La gestion durable des forêts : un facteur d’adaptation nécessitant des choix stratégiques clairs

En ce qui concerne le risque de départ de feu, les solutions résident avant tout dans l’adaptation de la gestion des forêts. Afin de limiter l’exposition de l’ensemble des bâtiments d’un territoire à ce risque, les actions – qui sont notamment des actions de prévention – peuvent être prises par les collectivités compétentes (forêts communales). Le développement d’une gestion durable de la forêt – qui peut être définie comme un mode de sylviculture à tendance écologique qui fixe des critères, indicateurs et objectifs sociaux et environnementaux, en plus des objectifs économiques à la gestion forestière – apparaît incontournable.

L’une des mesures d’adaptation pour limiter les risques réside dans la diversification des essences, permettant notamment d’éviter la propagation de départs de feu, tout en garantissant la survie du milieu forestier en cas de maladie. Or, du fait du changement climatique, il est d’ores et déjà admis que certaines essences vont tendre à régresser (comme le chêne, le sapin ou encore le hêtre). À l’inverse, d’autres vont se généraliser, comme le pin maritime[11]. Dans ce contexte de modifications à venir de la répartition des essences sur le territoire, il est nécessaire d’engager dès aujourd’hui une réflexion quant à la pertinence de planter certaines essences et espèces suivant l’exposition actuelle et future du territoire à différents aléas climatiques.

Forêt 2020 vs 2080
Figure N°3 : Évolution du visage de la forêt française, dans un scénario de réchauffement moyen de 2,7°C

Une autre solution pour limiter le risque de feux de forêt peut résider dans le développement d’une gestion des forêts garantissant davantage l’ouverture des milieux : un milieu dit « ouvert » est un espace semi-naturel dont la surface occupée par les arbres est inférieure à 25 %. La notion de « forêt mosaïque » mise en avant par l’Office national des Forêts (ONF), où alternent des milieux non arborés et arborés, illustre cette nécessité de varier les modes de sylvicultures afin de rendre la forêt plus résiliente en cas d’aléa tel que les feux de forêt.

L’adaptation via l’anticipation et la planification de la gestion de crise

Au-delà de l’aménagement des forêts, des départements historiquement exposés aux risques d’incendie, tel que la Gironde, ont déjà identifié les pistes d’actions organisationnelles nécessaires à l’adaptation de nos territoires, notamment en matière de gestion de crise : hausse des moyens alloués à la gestion des forêts et des incendies, formation accrue des pompiers, sensibilisation du public pour éviter des départs de feux d’origine humaine… Par ailleurs, si les solutions évoquées relèvent majoritairement de la compétence des collectivités territoriales, d’autres actions peuvent être imaginées par les gestionnaires d’établissements scolaires. Par exemple, pour les écoles exposées au risque de feux de forêts, il serait possible de profiter des créneaux d’exercices d’évacuation incendie afin de sensibiliser les élèves aux risques et aux enjeux de conservation des forêts.

La préservation des écoles face à cet aléa relève ainsi principalement de l’action des administrateurs et administratrices du territoire : les actions d’adaptation nécessitant avant tout une réflexion globale sur la gestion de la forêt et une concertation forte entre les acteurs du territoire.

 S’adapter à l’érosion côtière

Phénomène naturel, l’érosion est induite par une multitude de facteurs : des facteurs globaux comme la montée des océans, et les phénomènes de rééquilibrage isostatique, ainsi que des facteurs locaux qui déséquilibrent le bilan sédimentaire (conditions hydrodynamiques, courants marins, etc.). L’érosion peut être non seulement aggravée par les effets du changement climatique (élévation du niveau de la mer, hausse de la fréquence d’évènements climatiques violents comme les tempêtes), mais aussi favorisée par plusieurs facteurs anthropiques : artificialisation et imperméabilisation des sols, sur-piétinement, disparition de la végétation participant à la fixation des sols… Cette érosion se manifeste par le recul du trait de côte, avec des impacts sur les logements mais aussi sur les infrastructures publiques, comme les voies de transport.

Les solutions en place pour adapter les territoires au phénomène : observer, prévenir, préparer

Nous l’avons vu, de multiples écoles françaises sont exposées à un risque fort ou extrême d’érosion côtière (entre -50 et -100m) à l’horizon 2050. Cet aléa est actuellement géré par les communes et intercommunalités compétentes, qui tentent de diminuer la vulnérabilité du littoral à l’érosion. Pour cela, elles disposent de différents moyens pour gérer le risque, reposant sur l’observation, la mesure et le suivi du phénomène à l’échelle du territoire, et sur la mise en place de différentes solutions d’adaptation. Régionales ou locales, les stratégies de gestion de la bande côtière sont des documents de planification qui suivent 5 grands principes :

  • Prévoir le risque, améliorer la connaissance et développer la culture du risque ;
  • Prévenir le risque ;
  • Gérer de façon optimale les situations existantes ;
  • Préparer et gérer les crises ;
  • Faciliter la mise en œuvre et la cohérence des actions de gestion.

Tout en tenant compte du contexte local spécifique, les techniques d’accompagnement des processus naturels et de « lutte active souple » contre l’érosion sont à privilégier afin d’éviter toute mal-adaptation. Par exemple, la végétalisation des dunes, la pose de ganivelles, ou encore les reprofilages des plages sont autant de pistes d’actions déjà mises en œuvre dans les collectivités les plus exposées à cet aléa, notamment à Soulac-sur-Mer, Lacanau, ou encore sur le bassin d’Arcachon.

Des pistes de réflexion innovantes pour garantir un aménagement cohérent avec le niveau de risque

La réalisation d’études de relocalisation du front de mer est également nécessaire, afin de garantir une planification urbaine pertinente sur le long terme. À titre d’exemple, à Lacanau, la Communauté de communes Médoc Atlantique (CCMA) a lancé un programme d’actions permettant entre autres à la commune de disposer d’un règlement d’urbanisme inédit sur tout le périmètre de vulnérabilité, promouvant des opérations « test » d’aménagement. Le concept d’« urbanisme réversible » est appliqué pour toute construction nouvelle, sous condition d’être temporaire, précaire et réversible, et ne devant pas concourir à augmenter les capacités d’accueil.

D’autres territoires développent des projets d’adaptation aux évolutions du trait de côte, comme le réaménagement des plages de l’île d’Oléron (en repensant l’accueil à long terme des plages, et en optant pour le mode de gestion de repli stratégique par anticipation). La réalisation d’études ADS (aménagement durable des stations) vise à créer un nouveau projet de territoire, garantissant un aménagement cohérent de la station au vu de ses enjeux futurs. Les projets de recomposition spatiale et de renaturation sont des issues possible des études ADS.

Figure n°5 : Pistes étudiées pour l’avenir de Lacanau, à horizon 2050-2100 (2018)
Figure n°5 : Pistes étudiées pour l’avenir de Lacanau, à horizon 2050-2100 (2018)[13]

Les leviers peuvent donc être nombreux pour s’adapter aux conséquences du changement climatique, à condition de disposer d’une vision claire de l’exposition et de la vulnérabilité des territoires, d’inscrire l’adaptation dans chaque choix stratégique et d’engager les moyens nécessaires.

L’adaptation s’avère être une problématique systémique : la préservation de l’intégrité des écoles et du confort de ses occupants passe ainsi par des prises de décision parfois situées en dehors du périmètre des gestionnaires d’établissements. Les autorités locales ont ainsi un rôle incontournable à jouer afin d’assurer la coordination et la communication entre les différents périmètres de responsabilité sur le territoire.

Pour garantir son appropriation, la politique d’adaptation au changement climatique d’un territoire doit être concertée et portée politiquement :

  • La formation et la sensibilisation des élus et des agents des collectivités constitue une première étape nécessaire pour prendre conscience des enjeux et engager une démarche systémique ;
  • Un diagnostic de vulnérabilité du territoire, à partir d’outils dédiés comme l’outil ECLR, permet ensuite de mesurer l’exposition du territoire aux aléas présents et futurs en vue d’identifier les risques climatiques prioritaires à adresser ;
  • Réaliser une évaluation climatique des budgets de la collectivité sous l’angle de l’adaptation, via la méthodologie développée par I4CE par exemple, peut permettre, en complément, de mesurer la prise en compte de l’adaptation dans les décisions budgétaires et d’identifier des axes d’action ;
  • La concertation des parties prenantes est ensuite indispensable pour définir une stratégie d’adaptation ambitieuse et identifier des actions adaptatives. En effet, si certaines actions relèvent d’adaptation dite « incrémentale »[14] c’est-à-dire visant à maintenir l’essence et l’intégrité d’un système (ex : adaptation technique des bâtiments, etc.) et pouvant être menée à court terme, une réflexion plus large doit systématiquement être menée quant à l’adaptation « transformationnelle », transformant en profondeur nos modes d’organisation tout en limitant nos impacts.

 Notre accompagnement

Pour en savoir plus sur l’accompagnement d’EcoAct en matière d’atténuation et d’adaptation des territoires, consultez notre page dédiée.

 

Références

[1] https://cdn.paris.fr/paris/2023/04/21/paris_a_50_c-le_rapport-Jc4H.pdf

[2] Joshua Goodman, Michael Hurwitz, Jisung Park, Jonathan Smith. “Heat and Learning”. Harvard University, 2018.

[3] Guide des actions adaptatives au changement climatique. OID, 2023.

[4] https://www.lagazettedescommunes.com/866990/un-plan-national-de-renovation-des-ecoles-sans-vrai-financement/?abo=1

[5] https://www.actu-environnement.com/ae/news/emmanuel-macron-renovation-ecoles-42476.php4

[6] https://www.alethia.fr/projets/reconstruction-de-lecole-maternelle-pottieres-ville-grand-copy/

[7] Rapport « Paris à 50°C »

[8] https://www.paris.fr/pages/les-cours-oasis-7389

[9] https://cdn.paris.fr/paris/2022/06/10/b6091623aaceb5b5677a3076a307f974.pdf

[10] Rapport de la Mission d’information « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique », juin 2023

[11] https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2023/06/11/la-foret-francaise-sous-le-feu-du-rechauffement_6177166_3244.html

[12] Idem

[13] https://www.lacanau.fr/wp-content/uploads/2019/08/Plaquette-Erosion2018.pdf

[14] GIEC (2022). Concepts, approaches, and examples of Transformational adaptation, Based on the Key Findings of the AR6 Report on Impacts, Adaptation and Vulnerability. Source+

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