Comment valoriser l’action climatique de la France pour atteindre la neutralité carbone ? Combien et dans quoi investir pour réduire nos émissions de carbone et atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 ? Telles sont les questions auxquelles le rapport « Quinet », publié et remis au Premier ministre ce lundi 18 février 2019, répond.
La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC2) a été mise à jour en 2018 pour définir un objectif de neutralité carbone de la France à l’horizon 2050. Dans son prolongement, le rapport de la commission présidée par Alain Quinet, réalisé avec l’appui de France Stratégie, propose une valorisation de l’action pour le climat s’appuyant sur la « valeur tutélaire du carbone » et une trajectoire pluriannuelle permettant d’atteindre cet objectif.
En tant que membre de la commission d’experts ayant produit ce rapport, EcoAct l’accueille très favorablement et livre sa synthèse des conclusions du rapport.
La « valeur tutélaire du carbone » est une valeur que détermine l’État pour éclairer ses choix de politiques publiques et d’investissements en faveur du climat. Cette valeur exprime en termes monétaires la valeur des efforts publics et privés de décarbonation permettant de converger vers un objectif de neutralité en 2050.
La valeur tutélaire ne doit pas être confondue avec le montant d’une taxe carbone ou d’un prix de marché du carbone. Il s’agit d’une une valeur de référence qui guide l’action publique en permettant d’évaluer les projets et les politiques publiques (coût de la tonne de CO2e évitée) et de calibrer les instruments de signaux de prix (taxes, subventions à l’investissement, normes, etc.).
1. L’action pour le climat reste insuffisante et doit être amplifiée pour atteindre la neutralité carbone. Ainsi, la valeur proposée de l’action pour le climat est revue à la hausse : contre 100 € proposé il y a dix ans, la commission préconise une valeur de 250 €/tonne de CO2e en 2030 et en hausse à l’horizon 2050 dans une fourchette comprise entre 600 et 900 € avec une valeur moyenne de 775 €. Cette valeur tutélaire du carbone doit être comparée au coût d’abattement socioéconomique, c’est-à-dire le coût (achat et usage) d’une action engagée pour abattre une tonne de CO2e supplémentaire.
La valeur de l’action pour le climat en France pour atteindre la neutralité carbone en 2050
Source : Rapport Quinet, 2019.
2. La coopération internationale permettrait de réduire les coûts économiques – mais aussi d’atteindre plus rapidement l’objectif. En effet, comme le révélait déjà le rapport du GIEC sur l’objectif 1.5°C publié en octobre 2018, la coopération internationale permet d’accélérer la production et la diffusion des technologies bas-carbone et d’en réduire le coût économique. Ainsi, atteindre l’objectif de neutralité carbone serait réalisable jusqu’en 2030 en France par des changements de comportement et le déploiement de technologiques existantes. Au-delà, la coopération internationale permettrait d’envisager des coûts de réductions plus faibles en fin de période – et donc une valeur de l’action pour le climat plus basse en fin de période (450 € au lieu de 775 €, voir l’aire bleue du graphique ci-dessous).
3. Le besoin d’investissement public et privé est important. Au total, les réductions d’émissions de GES nécessiteront des investissements annuels supplémentaires à l’horizon 2040 de l’ordre d’environ 60 milliards d’euros par an. Ces investissements portent sur de grands projets, mais aussi le cumul de petits projets (rénovation thermique des bâtiments, conversion de flottes de véhicules thermiques en véhicules décarbonés, bornes de recharge électrique, etc.). L’investissement public sera important mais son effet levier sur le financement privé sera décisif. Les acteurs privés de la finance ont un rôle majeur à jouer.
4. Pour organiser cette transition bas-carbone vers la neutralité carbone, l’évaluation socio-économique doit être renforcée à tous les niveaux de l’action publique mais aussi privée : Pour atteindre l’objectif climatique de la manière la plus efficace possible, les calculs socioéconomiques de coût et de rentabilité doivent être normalisés et développées au niveau de l’Etat mais aussi des collectivités locales, des entreprises et des projets d’investissement. Enfin, la transition bas-carbone est énergétique, technologique mais aussi sociale et professionnelle : des mesures d’accompagnement économique et social sont nécessaires.
Rapport Quinet, « La valeur de l’action pour le Climat en France », février 2019
https://www.strategie.gouv.fr/publications/de-laction-climat