Le 14 avril 2023, l’ESMA (Autorité européenne des marchés financiers) est venue réaffirmer l’objectif de transparence du règlement SFDR, laissant aux acteurs financiers la charge de développer leurs propres méthodologies de classification des produits, sans entériner une définition stricte du sustainable investment.
Cette position semble mettre en défaut l’avis de l’AMF du 10 février 2023, qui préconisait de modifier la définition du sustainable investment pour introduire comme élément contraignant, et non plus comme une option, un pourcentage d’alignement taxonomique.
Le règlement SFDR définit trois types de produits financiers, déléguant aux acteurs des marchés financiers la charge de développer leur propre méthodologie de classification. Si le règlement dresse plus précisément les objectifs sociaux et/ou environnementaux admis pour une stratégie article 9, les formulations restent larges, laissant demeurer des zones d’ombres et un besoin de clarifications pour construire les stratégies d’investissement et leur déploiement opérationnel.
Classifications de fonds SFDR (Source : EcoAct, 2023)
Le dernier trimestre 2022 a été marqué par une forte vague de déclassification des fonds article 9 en fonds article 8. Une étude menée par Morningstar en janvier 2023[1] a recensé 307 rétrogradés de septembre à décembre 2022, représentant 175 milliards d’euros d’actifs.
Ces reclassifications sont intervenues à la suite d’une position de l’ESMA en juin 2021[2] venant préciser que les fonds article 9 ne pouvaient investir dans des sustainable investment, à l’exception des liquidités et des actifs utilisés à des fins de couverture.
Cette interprétation a contraint les fonds qui avaient effectué un arbitrage moins ambitieux dans leur allocation d’actifs à rétrograder ou à réviser leur prospectus pour se conformer à cette position. Selon l’étude de Morningstar, deux tiers des fonds article 9 (63 %) prévoient une exposition de plus de 70 % de sustainable investment, 6,3 % visent une exposition comprise entre 90 % et 100 %, et seulement 36 fonds de l’échantillon visent une allocation de 100 % de sustainable investment.
Le 10 février 2023, l’AMF a dressé un bilan contrasté de l’application effective du règlement SFDR et regrette une alimentation de l’écoblanchiment. La grande marge d’interprétation laissée par le législateur européen a conduit au développement de cadres de classification divergents et peu robustes.
Pour harmoniser en pratique les définitions des produits articles 8 et 9, l’AMF recommande la définition et l’application de critères minimaux environnementaux à satisfaire, différenciés et faisant l’objet d’une supervision nationale.
L’AMF préconise de modifier la définition du sustainable investment pour introduire comme élément contraignant, et non plus comme une option, un pourcentage d’alignement taxonomique. Cela permettrait d’assurer qu’une partie des produits article 9 soit réservée à des activités répondant à des critères techniques et communs.
L’AMF prévoit d’augmenter ce % au fur et à mesure de la progression de l’alignement des acteurs, qui repose sur deux variables :
Aujourd’hui, les fonds article 8, avec une proportion de sustainable investment et les fonds article 9 peuvent prévoir, dans l’allocation d’actifs définie dans la documentation précontractuelle, qu’une proportion du sustainable investment soit alignée avec la Taxonomie européenne.
Cette « sanctuarisation » dans le prospectus peut s’avérer contraignante, dans la mesure où les informations sur l’alignement des acteurs ne sont pas encore disponibles (premier reporting alignement en 2023) et que s’entame une phase d’appropriation et de clarification des modalités de calcul des indicateurs taxonomiques.
Dans ce contexte, l’ESMA[3] est venue préciser que la proportion de sustainable investment aligné à la Taxonomie doit s’entendre comme des « investissements attendus ». Lorsque l’alignement taxonomique des investissements n’est pas disponible à partir des informations publiques des sociétés détenues, l’utilisation d’informations équivalentes provenant des sociétés détenues ou de fournisseurs tiers est autorisée.
Malgré cette tolérance, les acteurs financiers restent frileux à inscrire l’alignement taxonomique dans le prospectus des fonds. Une étude réalisée par Morningstar en janvier 2023[4] indique que 85 % des fonds article 8, et 70 % des fonds article 9 ne s’engagent sur aucun alignement taxonomique dans la documentation précontractuelle. Pour les quelques fonds qui s’y engagent, les seuils restent faibles, autour de 10-15 %.
Dans l’attente de visibilité sur l’alignement des acteurs, il serait pertinent de préparer la prise en compte croissante des critères taxonomiques (tout juste réaffirmée par l’AMF) en les mobilisant au stade des due diligence, comme un outil d’aide à la décision, avec des critères indicatifs mais non contraignants. Cela permettrait de préparer une éventuelle modification du prospectus, le cas échéant, ainsi que le reporting de l’article 29 de la loi Energie Climat qui exige, pour les entités assujetties dont l’encours ou le total au bilan dépasse 500 M€, de communiquer la green share et la brown share des encours.
Toutefois, l’écho que pourrait avoir la recommandation de l’AMF semble remise en cause par les réponses apportées par l’ESMA le 14 avril 2023 qui réaffirme l’objectif de transparence du règlement SFDR : « La définition du sustainable investment énoncée à l’article 2, point 17), SFDR ne prescrit aucune approche spécifique pour déterminer la contribution d’un investissement à des objectifs environnementaux ou sociaux ». L’ESMA laisse aux acteurs financiers la charge de développer leurs propres méthodologies de classification des produits, sans entériner une définition stricte du sustainable investment. La position de l’AMF, en date 10 février 2023 qui recommande d’intégrer dans la définition de sustainable investment des critères minimaux environnementaux semble mise en défaut.
Il reviendra aux acteurs financiers de se saisir volontairement des cadres scientifiques et réglementaires (Taxonomie Européenne) les plus aboutis pour définir un sustainable investment robuste et ambitieux.
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[1] Morningstar, SFDR Article 8 and Article 9 Funds: Q4 2022 in Review, 26 January 2023, Direct. Data as of Jan. 13, 2023
[2] Question related to Regulation (EU) 2019/2088 of the European Parliament and of the Council of 27 November 2019 on sustainability‐related disclosures in the financial services sector (Sustainable Finance Disclosure Regulation 2019/2088)
[3] JC 2022 62, 17 November 2022, Questions and answers (Q&A) on the SFDR Delegated Regulation (Commission Delegated Regulation (EU) 2022/1288)
[4] Morningstar, SFDR Article 8 and Article 9 Funds: Q4 2022 in Review, 26 January 2023, Direct. Data as of Jan. 13, 2023. Based on 3,296 Article 8 funds and 430 Article 9 funds that report the field,
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