En réponse à la nécessité d’une transition vers une économie à faible émission de carbone (et dans la perspective d’émissions nettes nulles), de plus en plus d’institutions financières étudient activement les moyens de décarboner leurs portefeuilles d’investissement. Les recommandations de la TCFD, Task Force sur la transparence financière sur le climat, engagent à mieux prendre en compte les risques et les opportunités du changement climatique pour un modèle financier mondial plus durable. En conséquence, les principaux investisseurs et gestionnaires d’actifs expriment auprès des sociétés dans lesquelles ils investissent le besoin d’un meilleur niveau de transparence en matière d’impact et de préparation au changement climatique.
Jusqu’à présent, l’attention s’est principalement portée sur l’évaluation des risques physiques et de transition liés au climat pesant sur les portefeuilles d’investissement. Mais au-delà des risques, et dans l’optique d’un transfert des investissements vers des entreprises plus durables, les entreprises capables de démontrer une plus grande performance en matière de développement durable auront alors un avantage concurrentiel. Les «émissions évitées» en sont un exemple.
Le concept d’émissions évitées permet aux entreprises de quantifier les avantages climatiques attendus de leurs produits et services sur l’ensemble de leur durée de vie utile. Cela leur permet de faire valoir auprès de leurs clients et / ou fournisseurs le potentiel de réduction sur l’ensemble de la chaîne de valeur et d’aider ces derniers à gérer au mieux leur empreinte environnementale tout en encourageant le déploiement de technologies et solutions innovantes.
Travailler sur les chaînes d’approvisionnement représente souvent un défi pour les entreprises (compte tenu par exemple de données incomplètes) et « l’innovation » est la motivation souvent mise en avant pour inspirer l’action. Mais qu’est-ce que cela signifie en pratique ? Si une entreprise envisage de développer des produits et des services plus sobres en carbone, l’évaluation des émissions évitées peut aider à en quantifier la valeur et la faisabilité. S’il existe déjà des produits et des services à faible intensité carbone dans le portefeuille des entreprises, une évaluation des émissions évitées permet de revendiquer une contribution climatique sur une base fiable et quantifiée.
Pour évaluer les émissions évitées, les entreprises doivent s’appuyer sur une analyse comparative des émissions associées respectivement à un scénario conventionnel (‘business as usual’) et à un scénario impliquant l’utilisation de produits et services plus responsables. Cela implique un calcul des émissions basé sur des hypothèses raisonnables telles que :
Des progrès sont réalisés par certaines entreprises. EPE, association Française des Entreprises pour l’Environnement, a mis au point un guide qui permet une meilleure évaluation, comparabilité et transparence. Cependant, comme les hypothèses et les approches pour une évaluation solide et fiable dépendent du secteur, et également des spécificités des entreprises, celles-ci auront probablement besoin d’un accompagnement spécialisé.
Par exemple, le secteur de la chimie s’est rassemblé à l’initiative de l’International Council of Chemical Associations et du World Business Council for Sustainable Development pour l’élaboration d’un tel guide sectoriel en 2013. D’autres guides sectoriels pourraient être élaborés en vue de développer une harmonisation par secteur et de favoriser la comparabilité.
Les bonnes pratiques exigent également de la prudence lors des déclarations relatives aux « émissions évitées », car les réductions d’émissions dérivées de produits et services verts vendus aux clients ne doivent pas être comptabilisées par les fournisseurs dans l’évaluation de leur empreinte et la réalisation de leur propre objectif de neutralité carbone. Les émissions évitées peuvent, en revanche, être utilisées comme preuve de la contribution des fournisseurs pour une économie bas carbone. En outre, des compromis environnementaux surviennent souvent lors de l’évaluation d’une nouvelle technologie innovante et ceux-ci doivent être pris en compte dans la mesure du possible.
Le concept d’émissions évitées s’applique à de nombreux secteurs et segments de marché lorsqu’une technologie ou un service va au-delà d’un niveau de performance conventionnel et délivre des bénéfices pour le climat.
Le fabricant de produits chimiques BASF a par exemple évalué ses émissions évitées en comparant l’utilisation d’un produit isolant pour la rénovation thermique d’une maison individuelle existante avec la moyenne du marché des maisons individuelles en Allemagne. Les émissions évitées déclarées s’élèvent à 141 tonnes d’équivalent CO2e par maison.
Les émetteurs d’obligations vertes s’intéressent de plus en plus au concept d’émissions évitées, car il contribue à résoudre le débat en cours sur la définition des obligations ‘vertes’. EDF évoque par exemple les émissions évitées grâce aux centrales à énergies renouvelables financées par des obligations vertes. Les obligations vertes émises par EDF en 2013 et 2015 ont financé 15 projets d’énergie renouvelable en évitant un total de 2,9 millions de tonnes de CO2 par an.
Le concept d’émissions évitées est important car il constitue l’un des outils permettant d’évaluer le potentiel de réduction de l’empreinte carbone tout au long de la chaîne de valeur et d’adopter une stratégie en connaissance de cause. Les entreprises pionnières ont d’ores et déjà intégré l’intérêt de déployer une telle stratégie, et ce malgré les difficultés rencontrées lors d’un tel engagement.
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