Le secteur de l’assurance en manque d’assurance face aux conséquences du changement climatique ?

Les inondations de janvier 2024 dans les Hauts-de-France ont remis un coup de projecteur sur les conséquences déjà largement tangibles du dérèglement climatique en France. Actuellement estimées à plus de 600 millions d’euros[1], le coût des dégâts matériels causés par les inondations pourraient encore s’alourdir dans les prochaines semaines.

Pierre Keller, Max Popp, Juliette Karrer et Victoria Naipal

5 Mar 2024 10 minutes de lecture
Le secteur de l’assurance en manque d’assurance face aux conséquences du changement climatique ?

Les inondations de janvier 2024 dans les Hauts-de-France ont remis un coup de projecteur sur les conséquences déjà largement tangibles du dérèglement climatique en France. Actuellement estimées à plus de 600 millions d’euros[1], le coût des dégâts matériels causés par les inondations pourraient encore s’alourdir dans les prochaines semaines.

Depuis les années 80, le coût cumulé des catastrophes naturelles en France s’établit à près de 50 milliards d’euros[2], soit l’équivalent du besoin d’investissement public annuel supplémentaire nécessaire à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone de la France.  

Fort de ce contexte, le présent article vise à :

  1. Introduire les grands enjeux climatiques auxquels fait face le secteur de l’assurance,
  2. Synthétiser les principales initiatives lancées par le secteur,
  3. Mettre en avant les solutions proposées par EcoAct pour faire face aux enjeux climatiques.

Comment le changement climatique va-t-il impacter les assureurs ?

Les conséquences du changement climatique sur le secteur de l’assurance sont multiples. L’augmentation en fréquence et en intensité des événements climatiques aura (et a déjà) un impact sur l’ensemble des produits assuranciels, décomposables en 2 catégories : 

  1. Les assurances de dommages qui couvrent les risques liés aux biens matériels ou immatériels, ainsi qu’aux responsabilités civiles ou professionnelles ;
  2. Les assurances de personnes qui couvrent les risques liés à la vie, à la santé, à la dépendance ou au décès d’une personne physique.

Les assurances de dommages

Concernant les assurances de dommage, les projections les plus pessimistes estiment une augmentation de la sinistralité moyenne de 62 % en 2050 par rapport à 2023 due aux aléas climatiques, voire de 85 % si les enjeux des assurés (évolution des biens assurés) sont pris en compte. Les principaux risques identifiés sont dus à la sécheresse (+ 186 % soit + 1,35 milliards d’euros par an en moyenne), à l’inondation (+ 53 % soit + 518 millions d’euros par an en moyenne) et à la submersion marine (+ 197 % soit + 134 millions d’euros par an en moyenne)[3].

Les assurances de personnes

Les enjeux du changement climatique pour les assurances de personnes n’ont pas encore été étudiés de manière aussi systématique que ceux pour les assurances de dommages. Toutefois, de nombreuses études démontrent et projettent une hausse de la morbidité et de la mortalité dues à l’augmentation de la chaleur[4] ; [5]. A ce facteur direct viennent s’ajouter des effets indirects comme la potentielle propagation de maladie vectorielle telle la dengue[6] ou l’amplification d’effets de pollution de l’air.

Par ailleurs, la chaleur n’est pas l’unique aléa climatique ayant des effets néfastes sur la santé. Par exemple, l’augmentation en fréquence et en intensité d’aléas climatiques comme les inondations, les glissements de terrain ou encore les forts vents, contribuent à la détérioration des infrastructures et augmentent fortement les risques d’accidents. Sur l’année 2023, le recensement des différentes catastrophes naturelles[7] fait état de plus de 20 000 victimes et de millions de déplacés…

Chaînes d’impacts

Les impacts d’événements climatiques ne sont pas seulement directs, mais peuvent se matérialiser par une chaîne d’impact. Par exemple, des vagues de chaleur intenses sont associées à une dégradation de la santé, notamment des personnes âgées entraînant des passages aux urgences et une augmentation de la mortalité. Ces impacts sur la santé entraînent non seulement des conséquences directes sur les assurances vie, décès, santé et retraite, mais peuvent également impacter les assurances de défaut de paiement de prêts des personnes décédées. En parallèle, la chaleur est aussi associée à une augmentation des malaises au travail et impacte donc des assurances du travail. Enfin, les vagues de chaleur peuvent également détériorer les infrastructures, augmentant le risque de défauts et d’accidents.

Le secteur de l’assurance en manque d’assurance face aux conséquences du changement climatique ?

Que font les assureurs pour s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique ?

Le constat

Le secteur de l’assurance semble avoir pris conscience de sa vulnérabilité face aux conséquences du dérèglement climatique. Pour la seconde année consécutive, il est identifié par la profession comme le 2ème risque émergent majeur[8], tandis que les « événements naturels exceptionnels » intègrent le top 5.

Le secteur de l’assurance en manque d’assurance face aux conséquences du changement climatique ?

Source : 230123__france-assureurs_cartographie-2022-risques-emergents_2.pdf

Les initiatives volontaires

Au-delà de ces constats, des actions ont également été mises en place. Depuis 2015, et le discours fondateur de Mike Carney, envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique, « Breaking the tragedy of the horizon »[9], plusieurs initiatives sectorielles ont été lancées. En France par exemple, les 8 principaux assureurs ont créé en 2021 « l’Initiative Ambition Climat[10] », affichant l’ambition de « faire progresser la prise en compte du réchauffement climatiquedans la gestion d’actifs financiers ». Aux Etats-Unis et au Canada, les acteurs de la profession et de la recherche se sont associés pour développer l’indice actuariel[11] :« un outil pédagogique conçu pour aider à informer les actuaires, les décideurs publics et le grand public au sujet des tendances climatiques et de certaines des conséquences potentielles des changements climatiques sur les États-Unis et le Canada ».

En parallèle, à l’échelle internationale des initiatives privées et publiques d’ampleur, telle que la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) ou encore le Network for Greening the Financial System (NGFS), cherchent également à contribuer à l’intégration des enjeux climatiques dans l’activité des assureurs.

Les initiatives des régulateurs et des superviseurs

Concernant les régulateurs, ils sont de plus en plus conscients des risques systémiques que fait peser le changement climatique sur la stabilité financière et s’emparent progressivement du sujet. En France, l’ACPR a par exemple lancé en 2020 un premier exercice de stress tests climatiques suivi d’un second renforcé en 2023[12]. Ces derniers visent à évaluer le niveau de vulnérabilité aux risques climatiques des établissements d’assurances, au travers de l’application de différents chocs, basés sur des scénarios climatiques physiques et de transition.

En parallèle, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a publié l’an dernier de nouvelles lignes directrices qui prévoient l’intégration des risques climatiques dans l’ORSA[13] (Pilier 2 : Evaluation interne des risques et de la solvabilité) et exigent notamment des assurances que ces dernières :

  • Evaluent la matérialité des risques climatiques physiques et de transition sur l’ensemble de leurs activités et selon différents horizons de temps, pour identifier les risques les plus critiques ;
  • Conduisent des analyses par scénario pour évaluer les impacts des risques les plus matériels sur leur modèle d’affaires.

Ces différentes actions sont encourageantes, et la dynamique d’appropriation des risques climatiques par le secteur est enclenchée. Cependant, le niveau de maturité reste globalement insuffisant, tandis que les exigences réglementaires sont encore loin d’être toutes respectées. Le dernier rapport de l’ACPR sur la loi Énergie Climat intitulé « Les assureurs doivent poursuivre leurs progrès »[14] le confirme.[15]

Comment EcoAct peut accompagner les assureurs à s’adapter ?

Des méthodologies fondées sur les cadres règlementaires

Comme nous avons pu le voir dans le présent article, les risques physiques dus au dérèglement climatique peuvent venir impacter les assureurs de nombreuses manières, tandis qu’un aléa climatique peut impacter simultanément différents produits d’assurances.

EcoAct peut accompagner les assureurs dans ce contexte, pour saisir la complexité des impacts, pour garantir que les conséquences indirectes ne soient pas oubliées et pour identifier l’ensemble des produits impactés, ainsi que les équipes concernées. Pour ce faire, EcoAct a développé des méthodologies internes, alignées avec les cadres réglementaires, et s’appuie sur plus de 20 consultants experts formés aux risques climatiques (dont 5 climatologues), ainsi que sur sa plateforme d’analyse des risques climatiques (ECLR)[16].

Des analyses quantitatives poussées

Pour aller plus loin, EcoAct propose des analyses quantitatives des impacts directs et indirects à partir de données d’observations et de simulations du climat, qui complètent les données des assurances, de la littérature scientifique et de rapports publiques. L’approche proposée est alignée avec le pilier 2 de l’ORSA et se décline en 3 étapes de co-construction auprès des clients :

  1. Définitions des scénarios prospectifs climatiques et pour d’autres facteurs pertinents (i.e. : vulnérabilité de la population à l’aléa, évolution des prix, évolution de la population, etc.) ;
  2. Application des scénarios aux modèles d’impact physique ;
  3. Traduction du risque physique en impact financier.

 Une approche en co-construction

Pour assurer des services adaptés aux spécificités de ses clients, EcoAct privilégie le co-développement méthodologique. EcoAct a déjà accompagné plusieurs assureurs de cette manière dans la quantification financière des impacts futurs de vagues de chaleur dans différents scénarios et de dommages futurs suites aux inondations fluviales.

De plus, pour les assureurs souhaitant internaliser des compétences dans l’interprétation de données climatiques, dans l’acquisition de ce type de données et dans leur traitement, EcoAct propose des formations sur mesure assurées par ses climatologues. Idéalement, ces formations accompagnent une analyse quantitative de façon que les compétences acquises puissent être appliquées directement.


[1] Le Monde, le 26 janvier 2024 : Inondations dans les Hauts-de-France : le coût des dégâts revu à la hausse à 640 millions d’euros

[2] CCR (2023) : LES CATASTROPHES NATURELLES EN FRANCE BILAN 1982-2022

[3] CCR (2023) :  Etude sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050)

[4] Gasparrini et al., Lancet 2015; 386 : 369–75

[5] Adélaïde et al., The European Journal of Health Economics (2022) 23 : 119–131

[6] Rocklöv and Dubrow, Nature Immunology, 2020, 21 : 479–483

[7] ONU, Les catastrophes naturelles qui ont frappé le monde en 2023

[8] france-assureurs-cartographie-prospective-2024.pdf (franceassureurs.fr)

[9] https://www.bankofengland.co.uk/speech/2015/breaking-the-tragedy-of-the-horizon-climate-change-and-financial-stability

[10] Initiative Ambition Climat : prendre en compte le réchauffement climatique dans la gestion d’actifs financiers – France Assureurs

[11] Au sujet de l’Indice actuariel climatique – Actuaries Climate Index

[12] L’ACPR lance son second exercice de stress-test climatique pour les assurances (eco-act.com)

[13] Application guidance on climate change materiality assessments and climate change scenarios in ORSA – European Union (europa.eu)

[14] Loi Énergie Climat : les assureurs doivent poursuivre leurs progrès | ACPR (banque-france.fr)

[15] « Dans le cadre de l’analyse des risques physiques et de transition, 65 % des organismes ont recours à plusieurs scénarios, dont au moins un scénario à 1,5°C ou 2°C (concerne 76 % desdits organismes) et un scénario de transition tendanciel ou désordonné (concerne 37% desdits organismes). Lorsque ces scénarios sont publics, plus de 40 % des organismes citent explicitement leur nom (notamment, GIEC et NGFS). En revanche, lorsque les scénarios ne sont pas publics, seuls 14 % des rapports mentionnent une description de leurs principales caractéristiques. De même, 96 % des organismes qui emploient des scénarios propres ne justifient aucunement de leur emploi et seulement 19 % expliquent la manière dont les scénarios utilisés sont adaptés aux capacités de modélisations pour la gestion de leurs risques financiers. »

[16] Plateforme web d’analyse des risques climat | EcoAct (eco-act.com)

Vous pourriez aussi être intéressé(e) par…

Voir tout