Loi Climat et résilience : le casse-tête franco-français

La loi Climat et résilience, définitivement adoptée par le Parlement le 20 juillet dernier, est loin de faire l’unanimité. Pour nous chez EcoAct, le texte ne va pas assez loin, il faut imposer un cadre global sur la neutralité carbone pour toutes les entreprises. La publication du plan de lutte inédit contre le réchauffement climatique ...

Magdalena Jouenne-Mazurek

3 août 2021 5 minutes de lecture

La loi Climat et résilience, définitivement adoptée par le Parlement le 20 juillet dernier, est loin de faire l’unanimité. Pour nous chez EcoAct, le texte ne va pas assez loin, il faut imposer un cadre global sur la neutralité carbone pour toutes les entreprises.

La publication du plan de lutte inédit contre le réchauffement climatique de la Commission européenne « Fit for 55 » appelle à plus d’ambition quant à la transformation massive de l’économie nationale vers le modèle zéro émission nette. Il vise une baisse de 55 % des émissions d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et la neutralité en 2050.

Or, deux semaines après l’adoption définitive de la loi Climat et résilience par le Parlement, l’opposition continue de critiquer un texte qui s’inscrit dans une « spirale d’inaction ». Après une saisine du Conseil constitutionnel par un groupe de députés, une décision finale doit être rendue dans le mois. Un mois de plus pour faire entendre que les mesures ne sont pas à la hauteur.

Redoubler ses efforts

Le rapport annuel du Haut conseil pour le climat a déjà recommandé au gouvernement de redoubler d’efforts pour espérer atteindre ses engagements climatiques en 2030. Un avis suivi par le Conseil d’État qui intime d’adopter de nouvelles mesures en matière de lutte contre le réchauffement climatique avant le 31 mars 2022.

Cette situation apparaît aujourd’hui clairement en total décalage avec les ambitions européennes, à l’heure où les ravages des bouleversements climatiques se font ressentir : l’atteinte de cette neutralité ne deviendra réalité qu’avec un engagement politique international profond et la mise en œuvre locale de solutions permettant de réduire rapidement ses émissions.

Ceci ne pouvant se concrétiser qu’au travers de forts investissements des pays développés vers les pays en développement, comme le rappelle une récente étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) confirmant que les pays développés devraient multiplier par sept les financements qui y sont fléchés, ces pays représentant en effet aujourd’hui 90 % de la croissance des émissions. Et ceci, surtout, ne pouvant se faire sans les entreprises.

Compensation carbone, enjeu de solidarité climatique

Des cadres nationaux et internationaux permettent aux entreprises de formaliser leur trajectoire bas carbone, compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C et viser ainsi la sobriété. Toutefois, les entreprises doivent également participer à l’effort collectif et, surtout, elles le peuvent : les mécanismes de compensation carbone certifiés contribuent au flux d’investissement nécessaire qu’évoque l’AIE, en garantissant une performance environnementale et sociale en contrepartie de l’investissement, ainsi que le principe de solidarité climatique.

Le Carbon disclosure project (CDP), organisme international indépendant de référence sur le sujet climat, milite également en ce sens, en rappelant que la réduction de ses propres émissions, alignée sur des données scientifiques, doit être faite en parallèle au soutien des programmes de compensation.

Un cadre plus global est nécessaire, afin que toutes les entreprises engagées dans la réduction fondée sur des données scientifiques et la compensation volontaire puissent y inscrire leur action et revendiquer leurs progressions. Or, à l’occasion de la préparation de loi française, de nombreux débats ont porté sur l’usage même de certains termes comme ceux de « neutralité carbone », de « zéro émission nette » ou de « contribution ».

Rappelons que lors des premières étapes du projet de loi, l’idée (contreproductive, soulignons-le) était d’interdire l’usage du terme « neutralité carbone » pour une organisation, avant d’être amendée pour l’autoriser sous réserve de s’appuyer sur des «certifications fondées sur des normes et standards reconnus aux niveaux français, européen et international ». Clarifiant sa position, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a même reprécisé que valoriser son engagement vers la neutralité est possible pour l’entreprise, sans pour autant réclamer la neutralité carbone.

Revendiquer son ambition

La Commission mixte paritaire a finalement rectifié le tir et le texte adopté précise des conditions à réunir pour pouvoir revendiquer la neutralité carbone dans une publicité. Celles-ci comprennent le bilan carbone intégrant les émissions directes et indirectes, une trajectoire de réduction d’émissions décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés et la compensation carbone, dont les modalités seront spécifiées par un décret.

Ce qui nous apparaît aujourd’hui indispensable, après autant de débats sur ce qui ne devrait même plus en faire, c’est de stimuler la motivation des organisations, plutôt que de l’entraver. Il s’agit donc de commencer par leur donner la possibilité de valoriser leurs actions en faveur de la lutte contre les bouleversements climatiques sur le long terme, en s’appuyant sur des définitions et des terminologies claires. Le tout sans contestation quant à leur action, mais en évitant toute dérive. Et c’est à présent au niveau européen et international que le sujet pourra prendre et déployer toute l’ambition qu’il mérite.

 

Tribune parue dans les Echos le 3 août 2021 par le Directeur associé Europe du Sud d’EcoAct

 

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