Entre phénomènes climatiques extrêmes, records de chaleur et mobilisation de la jeunesse, l’année 2019 a marqué un tournant dans la lutte en faveur du climat. A l’origine d’une « vague verte » lors des élections européennes de 2019, l’enjeu climatique s’est ainsi imposé comme un sujet incontournable en France lors de la campagne des élections municipales et communautaires de mars et de juin 2020. Les verts ont su confirmer la dynamique des européennes et poursuivre leur poussée lors de ce scrutin consécutif avec de nombreuses nouvelles victoires au second tour, malgré une abstention historique pour cause de pandémie.
Le défi qui se présente aux villes et aux métropoles pour l’année 2020 est désormais de transformer cette prise de conscience en actions ambitieuses. Les métropoles françaises, en particulier, ont un rôle décisif à jouer pour limiter un réchauffement climatique qui pourrait atteindre + 7 °C en 2100[1] et pour adapter l’environnement urbain à ses conséquences.
Les villes et métropoles sont des acteurs incontournables pour atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé par la Stratégie Nationale Bas-Carbone de la France[2], en lien avec l’accord de Paris. Concentrant 80 % de la population et une part significative des activités économiques du pays, les villes et métropoles sont en effet responsables de 67 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle nationale.[3]
A elles seules, les 10 principales métropoles françaises représentent 16 % des émissions de GES nationales, pour 20 % de la population[4]. Dans le secteur du bâtiment, ces métropoles vont même jusqu’à représenter 33 % des émissions de GES. Elles apportent ainsi une contribution nettement supérieure à celles des autres territoires, dans le secteur où la France a accumulé le plus de retard (+ 16 %) par rapport à son premier budget carbone national.[5]
Les principaux secteurs d’activité à l’origine des émissions de GES varient grandement d’une métropole à l’autre, notamment en raison des spécificités des tissus industriels et tertiaires locaux. La place prépondérante des émissions de GES liées aux bâtiments et aux transports, qui représentent entre 89 % et 90 % des émissions territoriales hors industrie, se distingue néanmoins comme un enjeu partagé par l’ensemble des métropoles françaises.
Au-delà des émissions directement générées sur le territoire métropolitain et de celles liées à la consommation d’électricité, les métropoles sont responsables des émissions induites par leurs activités en dehors de leur territoire. Ces émissions, liées par exemple à l’alimentation des habitants, ne sont généralement pas comptabilisées par les métropoles dans les inventaires « gaz à effet de serre » alors qu’elles représentent en moyenne 50 % de leurs émissions globales.
Le budget carbone correspond au volume maximal de gaz à effet de serre que nous pouvons encore émettre pour atteindre une concentration maximale dans l’atmosphère sur une période donnée, sans risquer de dépasser un niveau trop élevé de hausse de la température à l’échelle de notre planète, selon une certaine probabilité.
La réduction drastique de leurs émissions de GES représente un enjeu de taille pour ces métropoles, dont l’empreinte carbone n’est pas soutenable au regard de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C voire 1,5 °C. Au rythme actuel, l’intégralité de leur « budget carbone 2 °C » aura en effet été consommée d’ici à 2029. Pour les métropoles de Marseille Aix-Provence et du Grand Paris, ce seuil pourrait même être atteint dès 2021 et 2025, respectivement.
Réalisée en 2018 par EcoAct[6] et WWF France, cette estimation du volume d’émissions à ne pas excéder d’ici à 2100 donne une mesure du défi climatique des villes et des métropoles françaises. Pensé comme un outil au service des politiques climatiques territoriales, ce budget carbone constitue également un point de repère qui engage la responsabilité des métropoles.
La mise en œuvre de politiques d’atténuation ambitieuses joue un rôle complémentaire avec l’adaptation nécessaire des métropoles aux effets du changement climatique. Les territoires urbains sont en effet impactés de manière grandissante par la hausse des températures, qui renforcent les effets d’îlots de chaleur, et les événements climatiques extrêmes qui menacent l’intégrité des infrastructures et la sécurité des populations. Pour faire face à l’augmentation de leur exposition aux risques, EcoAct appuie un nombre grandissant de villes et de territoires dans la caractérisation de leurs risques climatiques et la construction de la résilience urbaine.
Pour répondre à l’urgence climatique, de plus en plus de villes et métropoles s’engagent à diminuer leurs émissions de GES à travers des trajectoires de réduction plus ambitieuses. Le dynamisme des initiatives locales s’exprime notamment par le développement de réseaux de coopération décentralisée sur les sujets climatiques, tels que le C40 Cities ou le Global Covenant of Mayors. Le partage de bonnes pratiques entre territoires urbains soutient et encourage ainsi les villes et métropoles à devenir des leaders climatiques afin de soutenir l’action des États, ou de palier à leur manque d’ambition.
Ces engagements en faveur de la neutralité carbone s’inscrivent dans le cadre des récentes révisions des documents de planification territoriale en matière climatique. Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et métropolitains (PCAEM) – exigence réglementaire de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV)[7] – adoptés au cours des dernières années visent à traduire à l’échelle urbaine le rehaussement de l’ambition nationale en matière de climat. A cette occasion, l’ensemble des métropoles ont revu à la hausse leurs ambitions, aussi bien en matière de réduction des émissions de GES, d’atteinte de la neutralité carbone dès 2050 que d’adaptation aux conséquences du changement climatique.
Pour respecter l’accord de Paris, il est cependant urgent d’accélérer la transition des territoires vers des économies bas-carbone. Les trajectoires de réduction des émissions fixées dans les documents de planification s’avèrent pour l’instant insuffisantes pour respecter le budget carbone des métropoles. Sur la base de l’étude « Le Défi climatique des villes », EcoAct estime qu’elles devront doubler, voire tripler, l’ambition de leurs objectifs déjà fixés à l’horizon de 2030.
Quels qu’en soient les résultats, force est de constater que les enjeux climatiques se sont imposés parmi les sujets incontournables des élections municipales et communautaires en France. Cette place centrale retranscrit la prise de conscience grandissante au sujet du climat, qui s’est installé au premier rang des préoccupations des Français[8]. On peut également y voir une reconnaissance de la pertinence d’investir l’échelon métropolitain pour faire face à l’urgence climatique. À charge des métropoles, désormais, de mettre en place en tant que « chefs d’orchestre » de la transition des trajectoires territoriales résilientes et bas-carbone à la hauteur des espoirs qui sont placées en elles.
[1] Plateforme Climeri-France qui unit notamment les forces du CEA, du CNRS et de Météo-France. Conclusions des travaux publiées le 17 septembre 2019 qui aggravent les précédentes projections du GIEC.
[2] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
[3] D’après l’étude « Le Défi Climatique des Villes », juillet 2018. WWF France / EcoAct.
[4] Il s’agit des métropoles du Grand Paris, de Marseille-Aix-Provence, de Lyon, de Bordeaux, de Toulouse, de Nantes Métropoles, de Nice Côte d’Azur de Rouen Normandie, et la métropole Européenne de Lille et l’Eurométropole de Strasbourg.
[5] D’après le Rapport Annuel Neutralité Carbone 2019 du Haut Conseil pour le climat.
[6] https://eco-act.com/fr/
[7] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000022476854&dateTexte=&categorieLien=cid
EcoAct a publié ce manifeste pour guider les élus locaux à s’engager dans une dynamique climatique ambitieuse pour leur ville, ses habitant.e.s et pour leurs administrations.