Label bas-carbone : une opportunité pour accélérer les projets carbone en France

La France a mis en place un cadre méthodologique national innovant : le Label bas-carbone, pour valoriser et financer les projets carbone contribuant à l’atteinte de la neutralité carbone. 5 ans après sa mise en place, nous vous proposons de faire un bilan. 

Julia Richy

3 avr 2025 6 minutes de lecture

La France, engagée sur la trajectoire de la neutralité carbone à l’horizon 2050, a mis en place un cadre méthodologique national innovant : le Label bas-carbone, pour valoriser et financer les projets carbone contribuant à l’atteinte de cet objectif ambitieux.  Après un peu plus de 5 ans, nous vous proposons de faire un bilan de ce dispositif. 

Qu’est-ce que le label bas-carbone ? 

Premier cadre de certification carbone adopté par la France, il permet de soutenir des projets d’atténuation du changement climatique, en leurs ouvrant des perspectives de financement de la part de collectivités locales, d’entreprises et des financeurs qui agissent de manière volontaire pour le climat. Ce label, dont le décret et l’arrêté ont été publiés en novembre 20181, a été lancé officiellement le 23 avril 2019 par le Ministère de la Transition écologique et ses partenaires.

Les méthodologies

Trois premières méthodologies forestières ont été adoptées en avril 2019, suivies de près par des méthodologies agricoles.  Aujourd’hui, de nombreux secteurs sont couverts par les méthodes du Label.  

Voici un tour d’horizon des méthodes validées :  

Label bas-carbone : une opportunité pour accélérer les projets carbone en France

Une opportunité pour différents secteurs 

La forêt française occupe près de 26 millions d’hectares, soit 31 % du territoire métropolitain2. Avec près de 87 millions de tonnes équivalent CO2 séquestrées par an3, elle représente un puits de carbone essentiel qu’il est important de préserver et renforcer.

Pour assurer la pérennité de la filière et atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), il est primordial de favoriser un renouvellement et une gestion durable des massifs français en adaptant les essences de nos forêts aux évolutions des conditions climatiques et aux nouvelles opportunités de valorisation des produits bois. 

Le secteur agricole est quant à lui bien particulier, étant à la fois émissif (émissions des élevages, cultures et engins) mais aussi un puits de carbone (séquestration dans les sols et grâce aux cultures). Il a représenté en 2023 plus de 75 millions de tonnes de CO2 émises en France4 : c’est un enjeu de décarbonation crucial. Les objectifs visés par la SNBC pour ce secteur planifient une réduction de -18 % d’émissions en 2030 par rapport à 20155

Pour atteindre ces ambitions, les agriculteurs et agricultrices ont besoin d’être accompagnés, financièrement et par des formations, à l’aide de mécanismes fiables.  

Quelles perspectives d’application ?

Le Label bas-carbone et ses méthodologies viennent apporter un outil de financement innovant au service de différentes filières.   

Un décret du 28 novembre 2018 définit des conditions principales pour les projets6

  • Le Label bas-carbone ne reconnaît que des réductions d’émissions effectuées sur le territoire français (Les DROM sont éligibles pour les méthodes boisement et reboisement, depuis la sortie des Versions 3 des méthodes, en mars 2025) ;
  • Les réductions d’émissions doivent être évaluées suivant une méthode approuvée par le ministre chargé de l’environnement ;
  • Le préfet de région (et DREAL) doit instruire les demandes de labellisation d’un projet, pour la vérification du projet et pour la reconnaissance des réductions d’émissions au profit du financeur.  
  • Les projets doivent respecter le principe d’additionnalité, suivant lequel les réductions d’émissions ne peuvent être reconnues que si elles n’auraient pas pu avoir lieu sans l’appui du Label ;
  • Les réductions d’émissions ne sont (pour l’instant) pas cessibles sur un second marché après la reconnaissance au profit du financeur initial du projet. 

Les actualité du Label bas-carbone

La sortie des versions 3

Récemment, le 20 février 2025, les versions 3 des méthodes boisement et reboisement ont été validées et rendues publiques. Largement attendue, ces méthodes viennent apporter des réponses à de nombreuses questions posées depuis la création du Label. Parmi les principales modifications, nous pouvons trouver :  

  • L’ouverture des deux méthodes aux DROM ;
  • L’obligation de diversification des essences ;
    • < 4 ha : au moins deux essences et essence majoritaire max. 90 % de la surface 
    • Entre 4 et 25 ha : au moins deux essences et essence majoritaire max. 70 % de la surface  
    • > 25 ha : au moins trois essences et essence majoritaire max. 70 % de la surface 
  • La hausse des baselines : augmentation des scénarios de colonisation naturelle (induisant une baisse des crédits générés) ;
  • L’encadrement strict des tables de production des essences, pour éviter le choix de tables avantageuses ;
  • L’obligation de préserver les éléments de biodiversité existants sur les projets de boisement (arbres, haies, bordures, mares…) ;
  • L’interdiction des récoltes de rémanents et des récoltes de souches sur les projets de reboisement ;
  • Le contrôle strict des coupes rases : interdiction de prélever toute la biomasse, coupe possible uniquement sur l’essence concernée, si touchée à plus de 40 %.

Ces encadrements vont permettre de monter des projets plus robustes, mais vont aussi signifier une hausse de prix significative.  

La potentielle cessibilité

Lors d’une annonce faite par la ministre Mme Pannier Runacher le 17 février dernier, les unités de réduction permises par le Label bas-carbone pourraient devenir cessibles dans un avenir proche.  

Cela signifie concrètement qu’après qu’un financeur ait été reconnu par le registre du ministère, il pourrait revendre son crédit à un second financeur.  

Cette possibilité a été avancée en réponse à de nombreuses questions sur la place du Label face aux standards internationaux, sur la prise en compte des crédits en tant qu’actifs aux bilans des entreprises, et sur l’acceptation du Label pour la CSRD ou encore le mécanisme CORSIA. 

Toutefois, cette cessibilité envisagée soulève en parallèle de nombreuses inquiétudes. Comment palier l’aspect spéculatif qui s’infusera manifestement dans les transactions ? Comment contrôler ces achats et reventes ? Comment rendre un marché transparent sans altérer sa stabilité ?  

Une consultation publique sera disponible dans les prochaines semaines, pour permettre à toutes les parties prenantes de s’exprimer sur le sujet.

Les premiers projets audités !   

Début mars 2025, les projets pilotes montés par le Centre national de la Propriété forestière (CNPF) en 2020 ont été audités7. Aujourd’hui, ce sont 3 projets qui sont validés, et qui voient leurs réductions d’émissions confirmées.  

De nombreux projets devront être audités à leur tour courant 2025, une étape charnière pour le Label. Ces audits, performés par un tiers indépendant, permettront de rendre compte de la robustesse du standard, et d’analyser les premiers projets à avoir vu le jour ! 

 


  1. https://eco-act.com/fr/2018/12/label-bas-carbone-un-nouvel-outil-au-service-du-climat/ ↩︎
  2. Source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc ↩︎
  3. Source: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20La%20sequestration%20de%20carbone%20par%20les%20ecosysteme.pdf (p 27) ↩︎
  4. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/fr/14-emissions-de-ges-liees-a ↩︎
  5. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf ↩︎
  6. https://label-bas-carbone.ecologie.gouv.fr/actualit%C3%A9s/la-consultation-du-public-sur-la-revision-du-decret-et-de-larrete-du-label-bas-carbone ↩︎
  7. https://label-bas-carbone.ecologie.gouv.fr/actualit%C3%A9s/les-premieres-re-verifiees-du-label-bas-carbone ↩︎