La France, engagée sur la trajectoire de la neutralité carbone à l’horizon 2050, met en place un cadre méthodologique national innovant : le label bas-carbone, pour valoriser et financer les projets forestiers contribuant à l’atteinte de cet objectif ambitieux. A l’occasion de la conférence de son lancement officiel, nous vous proposons de passer au crible ce nouveau label français.
Qu’est-ce que le label bas-carbone ?
Le premier cadre de certification carbone adopté par la France, il permet de récompenser des projets d’atténuation du changement climatique, en leurs ouvrant des perspectives de financement de la part de collectivités locales, d’entreprises et des financeurs qui agissent de manière volontaire pour le climat. Ce label, dont le décret et l’arrêté ont été publiés en novembre 2018, a été lancé officiellement ce 23 avril 2019 par le Ministère de la Transition écologique et ses partenaires en présence de François de Rugy, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, et de Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire.
Premières méthodologies
Trois premières méthodologies ont été adoptées en avril sous ce label après consultation du groupe de travail des parties prenantes. Elles concernent le secteur forestier et ciblent des projets de boisement, reboisement et balivage. Elles ont été développées par le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) avec l’appui d’I4CE (Institute for Climate Economics), et inspirées d’une étude pilote menée dans le Massif Central, à laquelle EcoAct avait participé en 2015.
Opportunité pour le secteur forestier français
La forêt française occupe aujourd’hui près de 26 millions d’hectares, soit 31 % du territoire métropolitain[1]. Avec près de 87 millions de tonnes équivalent CO2 séquestrées par an[2], elle représente un puits de carbone essentiel qu’il est important de préserver et renforcer. En effet, pour atteindre l’objectif de neutralité carbone de la France, les puits carbone liés à l’utilisation des terres, leur changement, et la forêt (UTCF) devront multiplier par deux leur capacité de séquestration d’ici 2050. Or ce bilan net de séquestration en forêt masque une hétérogénéité de situations. De nombreuses pressions pèsent sur la forêt française : évolution de la demande sur les marchés du bois, artificialisation, tempêtes, incendies, attaques d’agents pathogènes, sécheresse, etc. Pour assurer la pérennité de la filière et atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone, il est primordial de favoriser un renouvellement et une gestion durable des massifs français en adaptant les essences de nos forêts aux évolutions des conditions climatiques et aux nouvelles opportunités de valorisation des produits bois (notamment dans les secteurs construction, énergie).
Quelles perspectives d’application ?
Le label bas-carbone et ses méthodologies forestières viennent apporter un outil de financement innovant au service de la filière en permettant de faire reconnaître la contribution d’un projet au renforcement du puits carbone forestier. Pour que son projet soit certifié, le porteur de projet doit obligatoirement démontrer à l’Autorité (DGEC), via une analyse économique, que celui-ci ne pourrait pas voir le jour sans l’appui de la finance carbone (bilan fait des aides et recettes issues de la vente de bois). Dans le langage de la compensation carbone, il s’agit de démonter l’additionalité du projet.
Quels sont les projets éligibles au label bas-carbone ?
Trois grands types de projets forestiers à potentiel de séquestration carbone sont concernés :
Ces projets pourront être portés par toute personne, qu’elle soit de droit public ou privé, et dans toutes les régions de France. Ils devront être menés sur une période minimale de 30 ans.
Pour être éligibles, les porteurs de projets devront s’engager à fournir des documents de gestion durable agréés par les Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) et seront fortement incités à faire certifier la gestion durable de leurs parcelles dans le cadre des démarches PEFC ou FSC.
Bénéfices écologiques, sociaux, sociétaux et économiques
Les réductions d’émissions générées par les porteurs de projet, une fois vérifiées et certifiées par l’autorité, pourront être transférées aux financeurs qui souhaitent contribuer de manière volontaire à la transition écologique. Chaque unité de réduction, représentant 1 tonne de CO2 équivalent (1 tCO2éq) sera associée à un prix négocié de gré à gré entre le porteur de projet et le financeur.
Les méthodologies permettent de valoriser l’effet bénéfique de l’usage de produits bois en substitution des matériaux fortement carbonés, tels l’acier, le béton ou les énergies fossiles. Au-delà du seul critère carbone, la contribution positive des projets à d’autres enjeux de durabilité des écosystèmes forestiers sera évaluée et valorisée.
Pour aller plus loin
Le label bas-carbone sera le centre d’intérêt de la troisième session de la Carbon Neutral Academy qui vous donne rendez-vous le 6/06/2019 à l’Hôtel de l’Industrie. En amont, nous vous proposerons une note de décryptage des premières méthodologies adoptées dans le cadre du label et des opportunités qu’elles peuvent présenter pour les acteurs de la filière et les organisations qui souhaitent soutenir ou agir de manière volontaire en faveur du climat sur le territoire national.
[1] Source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
[2] source: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20La%20sequestration%20de%20carbone%20par%20les%20ecosysteme.pdf (p 27)