Evaluation environnementale des budgets : Retour d’expérience de trois collectivités accompagnées par EcoAct

Initiée par au moins une centaine de collectivités territoriales[1], l’évaluation environnementale des budgets (EEB) ou « budget vert » devrait se généraliser avec l’obligation inscrite au sein de la loi de finances 2024. Plus qu’un exercice technique de reporting, elle constitue une porte d’entrée pour mener une démarche globale de transformation des collectivités et aligner les finances ...

Valentin Framont et Marie Tuffier

22 Mar 2024 10 minutes de lecture

Initiée par au moins une centaine de collectivités territoriales[1], l’évaluation environnementale des budgets (EEB) ou « budget vert » devrait se généraliser avec l’obligation inscrite au sein de la loi de finances 2024. Plus qu’un exercice technique de reporting, elle constitue une porte d’entrée pour mener une démarche globale de transformation des collectivités et aligner les finances publiques sur les objectifs environnementaux.

Depuis 2020, EcoAct accompagne les collectivités françaises dans des démarches de budget vert. Notre cabinet est intervenu auprès de collectivités diverses : communes, agglomérations ou encore Départements. A travers le retour d’expérience de trois d’entre elles – Seine Saint-Denis, Saumur Val-de-Loire et Essonne – nous revenons sur les objectifs et les concrétisations d’un tel exercice.

Evaluation environnementale des budgets : Retour d’expérience de trois collectivités accompagnées par EcoAct

Ce témoignage s’inscrit ainsi dans la continuité du Webinaire organisé en juillet 2023 avec l’I4CE sur la mise en œuvre et les usages de l’EEB pour les collectivités.

L’EEB : un exercice désormais obligatoire pour certaines collectivités françaises

La Loi de Finance 2024 a instauré l’obligation pour les collectivités de plus de 3 500 habitants de publier une annexe à leur compte administratif ou financier 2024 sur l’impact du budget pour la transition écologique c’est-à-dire au printemps 2025[2]. L’exercice devra être réalisé sur les dépenses d’investissement, les dépenses de fonctionnement étant facultatives, et au regard de l’impact positif ou négatif sur tout ou partie des 6 objectifs de la taxonomie[3] européenne, à savoir l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, l’eau, la pollution, l’économie circulaire et la biodiversité.

Cette obligation s’inscrit dans la même démarche que celle menée par l’Etat depuis 2019 visant à suivre la progression des financements en faveur de la transition, et de s’assurer que les dépenses sont cohérentes avec les objectifs environnementaux nationaux et internationaux[4].

Les principaux objectifs visés par les collectivités réalisant un budget vert

Au-delà du souhait d’anticiper la réglementation, les collectivités que nous accompagnons estiment que l’EEB représente une opportunité, à la fois en termes de prise de conscience des enjeux par les parties prenantes (services, élus, etc.), et d’aide à la décision en matière de politiques environnementales.

Le Département de l’Essonne a en effet souhaité que « tous les ateliers de travail sur le budget vert commencent par une prise de conscience des enjeux climatiques et un apport théorique sur l’état des connaissances scientifiques. » Cette étape de conscientisation et de présentation des enjeux s’avère clé pour garantir l’appropriation de la démarche par l’ensemble des acteurs de la collectivité. Pour l’agglomération de Saumur, l’EEB « permet une prise de conscience politique, et l’optimisation de la communication interne et externe sur les préoccupations environnementales à travers le budget communautaire ».

L’objectif clé de l’exercice est de faire de l’EEB une démarche d’analyse partagée et mutualisée au sein de la collectivité, un vecteur de dialogue entre les agents et les élus impliqués et finalement un outil d’aide à la décision, pour orienter la collectivité dans les choix structurants auxquels elle est confrontée. Ainsi, le Département de la Seine Saint Denis avait pour objectif d’aboutir à la prise « […] en compte du budget vert dans le processus budgétaire » de la collectivité. L’agglomération de Saumur souhaitait aussi utiliser les résultats de l’analyse afin de « faciliter le pilotage budgétaire et l’évaluation de sa cohérence avec son ambition environnementale ». Les résultats de l’évaluation permettent en effet d’« analyser les marges de manœuvre » dont la collectivité dispose, et « réorienter les dépenses » si besoin (Agglomération de Saumur). Finalement, la réitération de l’exercice permet de « suivre l’évolution d’exercice en exercice », et d’observer les grandes tendances et les résultats des éventuelles réorientations.

Evaluation environnementale des budgets : Retour d’expérience de trois collectivités accompagnées par EcoAct

L’accompagnement d’EcoAct pour la réalisation du budget vert

Afin d’atteindre ces différents objectifs, notre accompagnement réside tout d’abord dans la sensibilisation et la formation des services aux enjeux de transition et à la méthodologie d’évaluation utilisée. Reposant sur des bases scientifiques reconnues, la méthodologie proposée parl’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) est à ce jour la méthodologie de référence pour les évaluations atténuation et adaptation. Le Département de l’Essonne souligne en effet que « la méthode I4CE n’est pas nécessairement facile d’accès », notamment lors du premier exercice, et qu’« un accompagnement fort dans la montée en compétence des agents est nécessaire ».

Notre équipe s’attache par ailleurs à garantir la mise en œuvre globale de la démarche et l’adhésion des services à l’exercice en travaillant en étroite collaboration avec les directions des finances et de l’environnement et en cherchant systématiquement à lier l’approche méthodologique avec les enjeux environnementaux du territoire ou le plan de transition de la collectivité. Le déploiement d’un outil d’évaluation dédié, idéalement connecté au logiciel budgétaire et comptable, permet également de faciliter la collaboration et le suivi  dans le temps. Celui-ci doit être au service et à la main de la collectivité, aucun outil d’analyse automatique ne pouvant remplacer le dialogue entre les services de la collectivité.

Pour éviter tout greenwashing et faire de l’EEB un outil d’information, de transparence et d’amélioration de l’impact environnementale des politiques publiques, le respect des délais pour s’inscrire dans le débat budgétaire et la qualité des classifications réalisées sur la base de fondements scientifiques sont deux éléments clefs.

La Communauté d’Agglomération de Saumur souhaitait ainsi « bénéficier d’une expertise extérieure pour la mise en œuvre d’un budget climat et surtout sur l’analyse des données recensées ». L’étape d’interprétation et d’analyse des résultats est en effet clé, puisqu’elle permet de dégager les grandes tendances du budget, et d’identifier des pistes d’actions pour la collectivité. Lors de cette dernière étape, une attention particulière est portée à la mise en valeur des résultats, afin que les élus et l’ensemble des parties prenantes puissent les assimiler et se les approprier.

Evaluation environnementale des budgets : Retour d’expérience de trois collectivités accompagnées par EcoAct

Des effets concrets observés par les collectivités

Pour le Département de l’Essonne, « le budget vert a été complètement intégré à la démarche budgétaire, depuis la lettre de cadrage jusqu’aux arbitrages politiques ». La Communauté d’Agglomération Saumur Val de Loire partage ce constat : « Ce budget vert est un outil d’aide à la décision. Les élus sont moteurs dans cette démarche. Chaque projet conséquent sera désormais examiné sous le prisme des émissions de gaz à effet de serre ».

A l’issue d’un 1er exercice d’EEB, les 3 collectivités interrogées ont toutes reconnu quelques difficultés à classifier certaines dépenses en fonction de leurs contours, tout en découvrant les domaines d’action sur lesquels prioriser la réflexion. Les dépenses « à approfondir » constituent alors un champ d’évaluation à renforcer lors d’un 2e exercice, un sujet de discussion avec les partenaires pour les dépenses des structures satellites voire un motif de complément méthodologique construire, comme sur les dépenses sociales pour intégrer des dimensions de transition juste.

Parmi les facteurs de succès indispensables, nos collectivités clientes ont retenu :

  • « L’implication des directions »
  • « Un portage politique fort »
  • « Un réel pilotage par la direction générale »
  • « Un travail conduit en transversalité par la direction de la transition écologique et la direction des finances, en associant l’ensemble des services de la collectivité »
  • « Un outillage et des procédures claires pour embarquer les acteurs dans la durée »

La démarche est très souvent progressive en commençant dans un premier temps par une évaluation sous l’angle de l’atténuation du changement climatique avant d’explorer les autres objectifs environnementaux (adaptation, biodiversité, etc.). Cette progressivité favorise l’appropriation des méthodologies par les agents et assure un déploiement phasé et en douceur de la démarche qui pourrait être perçue sinon comme trop complexe car protéiforme.

Ainsi, après avoir étudié le BP 2024 au regard du volet atténuation, la Communauté d’agglomération Saumur Val de Loire « souhaite aller plus loin en s’engageant dès le prochain budget dans une nouvelle analyse au regard du volet adaptation afin de tendre vers un budget vert. »

Ce qu’il faut retenir

Evaluation environnementale des budgets : Retour d’expérience de trois collectivités accompagnées par EcoAct

L’évaluation environnementale du budget constitue pour les collectivités une nouvelle grille d’analyse pour mieux piloter leurs politiques publiques, en ligne avec les objectifs environnementaux globaux. Cet outil s’avère complémentaire des autres outils de la transition écologique, et notamment du BEGES règlementaire : là où l’évaluation des émissions permet de cibler les postes les plus émetteurs, l’évaluation du budget complète l’analyse sous l’angle financier. Elle permet également de « mettre des euros en face des téqCO2 » pour s’assurer que les plans de transition sont financés à hauteur des enjeux. Pouvant être soutenue par différents organismes tels que l’ADEME ou encore la Banque des Territoires, la réalisation d’un budget vert est également valorisée par exemple dans le cadre du label Territoire Engagé pour la Transition Ecologique – Climat Air Energie.

Comme le souligne le Département de la Seine Saint Denis, l’EEB constitue par ailleurs un outil précieux « pour appuyer des dossiers de demandes de financement » auprès de différents organismes. Une appréciation partagée par le Département de l’Essonne qui évoque par exemple l’accès au Fonds vert du Ministère de la Transition Ecologique. D’autres collectivités utilisent également le budget vert pour identifier des dépenses éligibles à des obligations vertes ou accéder à de la finance verte, un levier à considérer au regard des besoins supplémentaires de doubler les investissements en faveur du climat. L’article 192 de la loi de finances sur la « dette verte » poursuit également cet objectif.  

Si un décret et un arrêté doivent encore définir les modalités d’application de cette nouvelle obligation réglementaire, les collectivités déjà engagées pourront capitaliser sur l’avance prise et renforcer cette démarche de transparence et de transformation des collectivités par l’évaluation des dépenses.

Pour plus d’informations sur l’accompagnement d’EcoAct pour les collectivités, vous pouvez consulter notre page dédiée, ou contacter nos experts.


[1] « Budgétisation verte : retours d’expérience des collectivités », I4CE, 2023, https://www.i4ce.org/publication/budgetisation-verte-retours-dexperience-des-collectivites/

[2] Article 191 loi de finances initiale 2024

[3] https://eco-act.com/fr/finance-durable/taxonomie-verte-europeenne/

[4] L’institut de recherche I4CE estimait qu’en 2022, environ 50 milliards d’euros d’investissement publics n’intégraient pas bien l’adaptation au changement climatique : https://www.i4ce.org/au-moins-50-mds-e-an-dinvestissements-a-adapter-au-changement-climatique/