Le biochar : une solution de séquestration du carbone à la portée des communautés rurales ?
Le biochar a été identifié par le GIEC (AR 6, WGIII, SPM, footnote 70)[1] comme une des solutions au service de la lutte contre le dérèglement climatique du fait de son potentiel de séquestration du carbone à long terme et de ses multiples co-bénéfices. En effet, la production du biochar est une technique par laquelle ...
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Le biochar a été identifié par le GIEC (AR 6, WGIII, SPM, footnote 70)[1] comme une des solutions au service de la lutte contre le dérèglement climatique du fait de son potentiel de séquestration du carbone à long terme et de ses multiples co-bénéfices. En effet, la production du biochar est une technique par laquelle le carbone de certaines biomasses est transformé en carbone stable pouvant être séquestré dans le sol. En plus de ce rôle de séquestration carbone de long terme, le biochar est également profitable à la performance des sols : il améliore la rétention et la diffusion de l’eau et des nutriments.
C’est dans ce contexte que le Verified Carbon Standard (VCS), organisme de certification international de la finance carbone, vient de publier une méthodologie de certification encadrant la comptabilité carbone et l’ensemble des règles d’éligibilité de projets valorisant le biochar. EcoAct a mis en œuvre un projet pilote grandeur nature, dès les premiers instants de développement de cette méthodologie suivant les conditions définies par le VCS[2], et dont l’objectif sera de bénéficier aux communautés rurales d’Afrique de l’Est.
Concrètement, le biochar, ça ressemble à quoi ?
Le biochar est un amendement du sol, très résistant à la décomposition, issu de la pyrolyse ou de la gazéification de biomasses. Concrètement, les déchets (fumiers, résidus agricoles ou forestiers), après leur passage dans des fours à haute température dans un environnement limité en oxygène, sont convertis en matériau solide, poreux, riche et stable en carbone. Cette stabilité peut varier de quelques décennies à plusieurs siècles[3],[4].
Lorsqu’il est appliqué au sol, le biochar a ainsi la capacité non seulement de stocker du carbone, mais aussi de retenir les nutriments et l’eau grâce à sa structure physique poreuse[5]. Il contribue ainsi à restaurer la fertilité des sols et limiter le ruissellement de l’eau.
Figure 1 Diagramme des étapes de production du biochar. Le biochar est généralement produit par pyrolyse, un processus qui consiste à chauffer de la biomasse renouvelable à très haute température dans un environnement où l’oxygène est limité. En absence de pyrolyse, la biomasse serait soit brûlée à l’air libre soit laissée à la décomposition, entrainant des émissions de GES, beaucoup plus importantes que celles ayant lieu lors de la production de biochar. De plus, le biochar est une forme stable du carbone qui peut ainsi être stockée dans le sol et contribuer à sa fertilité.
La manifestation la plus emblématique du biochar se trouverait dans la « terra preta » (« terre noire » en Portugais), parcelles de terre particulièrement fertiles, à côté de terres très dégradées, au cœur de l’Amazonie. En effet, l’exploration des sols de « terra preta » a révélé qu’il y a plus de 2 000 ans les indiens d’Amazonie pratiquaient l’enfouissement de carbone stable dans le sol, sous forme de mélange de poteries cassées avec d’autres matières organiques diverses, maintenant le fort potentiel de fertilité de ces parcelles jusqu’à aujourd’hui[6]. Cette technique apparaît particulièrement appropriée aux conditions pédoclimatiques dégradées de certaines communautés rurales dans plusieurs pays en développement.
Un engouement porteur d’innovation pour le développement du biochar
Une méthodologie reconnaissant les effets séquestrant du biochar est désormais validée par le VCS depuis le 12 août 2022. De nombreux acteurs avaient déjà mis en œuvre des projets expérimentaux dans l’attente de pouvoir appliquer cette méthodologie qui a intégré des ajustements suite aux diverses consultations et commentaires publics de la version de lancement du processus de certification.
Cette validation s’appuie sur de nombreuses études scientifiques ainsi que sur des rapports publiés par le GIEC qui confirment le fort potentiel du biochar pour la séquestration de carbone. Pour le GIEC, le biochar est une solution à fort impact face à la crise climatique.
EcoAct n’est pas en reste dans cette phase d’expérimentation et cherche les ajustements et innovations nécessaires afin que cette méthodologie puisse être appliquée spécifiquement par les communautés rurales de pays en développement.
Les communautés rurales, premier fournisseur de matières premières nécessaires à la production du biochar
Le choix des matières se fait en référence à leur situation de transformation courante sur un territoire donné, qui doit être soit la combustion (autre que pour la production d’énergie), soit la décomposition lente. En effet, la transformation de la biomasse par la pyrolyse dans les conditions idéales émet peu de GES en comparaison de ces situations de référence. Aussi, la biomasse éligible à la production de biochar en contexte rural concerne essentiellement des déchets agricoles et sylvicoles, habituellement brûlés à l’air libre ou laissés à l’abandon car sans autre voie de valorisation.
Grâce à leur activité de production agricole, les communautés rurales ont vocation à générer ce type de déchets ou de matières, en grande quantité, comme des balles de riz, des coques ou encore des pulpes de fruit. De plus, ces communautés ou groupes d’agriculteurs ont l’habitude de gérer des flux importants de matières et d’en optimiser les volumes. L’enjeu consiste donc à valoriser d’importantes quantités de ces déchets en limitant les émissions de GES et en augmentant leur part de carbone stable.
Avec son partenaire kenyan, Akili, EcoAct a sélectionné des matières répondant aux critères de la méthodologie VCS, ainsi qu’au contexte de disponibilité en matières premières agricoles des fermiers kenyans (images 1 et 2).
En recherche d’une pyrolyse adaptée aux communautés rurales
La méthodologie VCS distingue deux types de pyrolyse, dites « high technology » et « low technology ». Celles-ci se différencient par la possibilité pour la « high technology », de mieux maîtriser la chaleur, la captation des gaz émis et la mesure de la température. Cette meilleure maîtrise s’accompagne généralement d’une meilleure valorisation des co-produits de la pyrolyse et globalement par une meilleure efficience dans la réduction des émissions de GES. A défaut de mesures en continue et d’une valorisation de la chaleur, la « low technology » atteint des rendements comparables en termes de production de carbone stable. Aussi, le premier enjeu pour la « low technology » se trouve donc dans la possibilité de limiter les gaz émis lors de la pyrolyse, avec des moyens à la portée des communautés rurales. En effet, une attention particulière doit être portée au type de technologie qui permettent d’exploiter les processus de convection naturelle pour créer une zone de combustion au-dessus de la zone de pyrolyse dans le but de limiter les émissions de méthane et de suie sans quoi le bénéfice environnemental du biochar serait compromis. Le second enjeu consiste dans le fait que cette « low technology » soit accessible en coût et en opérationnalité, pour ces mêmes communautés rurales, présentes dans des régions aux terres dégradées.
Ainsi, nos experts travaillent avec notre partenaire Akili sur la conception locale de fours « low technology » afin de trouver la technologie la plus adaptée à la région et vérifier son opérationnalité.
Avec son partenaire Akili, EcoAct Holdings Ltd mène donc actuellement une expérimentation, visant à répondre au double défi d’une production de biochar à une échelle significative pour la séquestration du carbone et d’une production au bénéfice des communautés rurales. Afin de garantir la qualité du biochar produit, un partenariat est également établi avec une université locale – Kenyatta University – qui sera responsable d’une série d’analyses en laboratoire. Dans le cadre de l’expérience, divers tests seront menés avec les communautés rurales afin d’identifier le meilleur ratio de biochar complété par du compost à appliquer aux sols pour les cultures à cycle court (ex. choux, tomates) et à cycle long (ex. le café).
Découvrez également notre vidéo sur le projet en partenariat avec Akili Holdings Ltd !
[3] Christophe Naisse. Potentiel de séquestration de carbone des biochars et hydrochars, et impact après plusieurs siècles sur le fonctionnement du sol. Sciences de la Terre. Université Pierre et Marie Curie – Paris VI, 2014. Français. ⟨NNT : 2014PA066518⟩. ⟨tel-01130038⟩
[4] Fang, Y., B. Singh, B.P. Singh, and E. Krull, 2014: Biochar carbon stability in four contrasting soils. European Journal of Soil Science, 65(1), 60–71, doi:10.1111/ejss.12094
[5] Brown, R. (2009) Biochar production technology. In: Biochar for environmental management: Science and technology. (eds Lehmann, J. and Joseph, S.). Earthscan, London, pp 127-146. https://doi.org/10.4324/9780203762264
[6] Bruno Glaser, Jago Jonathan Birk, State of the scientific knowledge on properties and genesis of Anthropogenic Dark Earths in Central Amazonia (terra preta de Índio), Geochimica et Cosmochimica Acta, Volume 82, 2012, Pages 39-51, ISSN 0016-7037, https://doi.org/10.1016/j.gca.2010.11.029.(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001670371100144X)
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