« Les prix se stabilisent autour de 100 € la tonne de carbone actuellement. La tendance haussière est la conséquence de plusieurs événements : la réforme du marché du carbone, l’accélération des objectifs de décarbonation des secteurs couverts par l’ ETS Système d’échange de quotas d’émissions de CO , l’augmentation de la rareté desquotas carbone. Les prix du marché sont à la hausse car les acteurs anticipent que “les permis à polluer” vont être moins disponibles », déclare Anouk Faure, responsable de recherche dans le domaine des marchés du carbone chez EcoAct Cabinet de conseil international spécialisé dans la lutte contre le changement climatique. Il accompagne les entreprises et les territoires dans la réduction de leur impact environnemental. Le prix du carbone européen a atteint 101,25 €/t (contrat à terme annuel, c’est-à-dire le prix fixé le jour même pour une livraison en décembre 2023) le 21/02/2023 sur la place de marché EEX European Energy Exchange, dépassant pour la première fois les 100 €/t. EcoAct estime que le prix pourrait être de 140 €/t d’ici 2030.

Anouk Faure répond aux questions de News Tank.
Comment expliquer le record du prix du carbone européen le 21/02/2023 ?
Le prix du carbone européen augmente depuis 2018 et se stabilise autour de 100 € la tonne actuellement. Cela s’inscrit dans une tendance haussière, conséquence de plusieurs événements : la réforme du marché du carbone du l’ UE, l’accélération des objectifs de décarbonation des secteurs couverts par l’ETS (-60 %d’émissions de GES d’ici 2030 par rapport à 2005), l’augmentation de la rareté des quotas carbone. Les prix du marché sont à la hausse car les acteurs anticipent que « les permis à polluer » vont être moins disponibles.
Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?
EcoAct participe chaque année à la publication d’un rapport sur l’état du marché du carbone. Les projections des analystes estiment que le prix devrait se situer autour de 140 €/t en 2030. Toutefois, rien n’est certain. Les prix peuvent changer en fonction, notamment, des futures mesures de décarbonation, de la croissance économique, de la sortie du charbon pour de nombreux États membres, de l’autorisation ou non par l’UE de l’achat de crédits carbone internationaux. Le plafond des émissions carbone en Europe ne fera pas tomber à lui seul le carbone à zéro, donc il faut trouver une solution pour que l’industrie continue de fonctionner malgré
le mécanisme des quotas. C’est pourquoi l’UE envisage de permettre l’achat de crédits carbone internationaux. Cela donnerait en plus un peu de visibilité aux industriels. Pourapporter de la visibilité sur les prix et éviter leur volatilité, les États membres discutent
actuellement de la mise en place de CfD pour le carbone. L’idée serait, pour l’UE, de compenser la différence entre le prix du marché carbone et le prix plancher, c’est-à-dire le prix estimé comme nécessaire pour accélérer la décarbonation des entreprises.

Parmi les facteurs influençant le prix du carbone, vous citez la réforme du marché.
Quelle orientation prend-elle et où en est-on de son processus ?
La réforme doit permettre de s’aligner avec l’ambition net zéro d’ici 2050 de l’UE, mais également d’inclure de nouveaux secteurs, notamment le maritime, dans le marché carbone, d’instaurer un nouveau marché pour le transport routier et le bâtiment, et de
mettre en place le MACF, dont le but est d’éviter les fuites de carbone à cause du différentiel entre l’UE et le reste du monde.
Sur ces points, un accord préliminaire a été trouvé en trilogue en décembre 2022. Cet accord doit être confirmé par un vote au Parlement européen en séance plénière d’ici juin 2023. D’ici là, il reste quelques détails techniques à régler.Évolution du prix moyen du quota carbone dans l’UE depuis 2014