Secteur financier, performances et risques climatiques : vers une première consolidation des méthodes

La récente publication de septembre 2020, « Études de cas sur l’analyse des risques environnementaux » (« Case studies of environmental risk analysis »)[i] du réseau pour le verdissement du système financier NGFS (Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System), passe en revue les méthodes d’analyse des risques liés à l’environnement ...

Pôle d'expertise finance durable

12 oct 2020 8 minutes de lecture

La récente publication de septembre 2020, « Études de cas sur l’analyse des risques environnementaux » (« Case studies of environmental risk analysis »)[i] du réseau pour le verdissement du système financier NGFS (Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System), passe en revue les méthodes d’analyse des risques liés à l’environnement et au climat. Ces méthodes peuvent être utilisées par un large éventail d’institutions financières, notamment les banques, les gestionnaires d’actifs et les compagnies d’assurance.  Plus précisément, cette publication dresse un panorama de 36 méthodes et met en évidence un développement accéléré des pratiques visant à évaluer les risques et la performance climatique des portefeuilles.

Une boîte à outils de « première génération » très hétérogène

L’accord de Paris, les recommandations de la TCFD, le plan d’action sur la finance durable de l’UE, les obligations de reporting, ainsi que le lancement de plusieurs initiatives créent une forte demande pour une évaluation, une gestion et une communication efficaces des informations relatives à la performance climatique des portefeuilles. Les annonces récentes de plusieurs banques centrales concernant leurs tests de résistance au climat (stress-tests) renforcent davantage cette demande et accélèrent un processus d’innovation continu. L’exercice réalisé en 2019 par la Banque d’Angleterre et Prudential Regulation Authority (PRA) sur l’assurance et celui en cours de l’ACPR pour les établissements bancaires et d’assurance français en sont des exemples emblématiques.

Ainsi, le foisonnement de recommandations, de lignes directrices et de réglementations apparues au cours des cinq dernières années constitue un terreau fertile pour le développement de données, de méthodes et d’outils d’évaluation de la performance climatique.

Actuellement, la boîte à outils d’évaluation liée au climat des portefeuilles compte

  • Plus de 36 méthodologies d’évaluation des performances et des risques climatiques (NFGS, septembre 2020)[ii],
  • Environ 150 bases de données pour l’évaluation des effets sur le climat (PRI, août 2020 a[iii]), 
  • Plus de 200 articles académiques influant le marché (PRI, août 2020 b[iv]),
  • Environ 30 cadres et dispositifs de mesure et de reporting liés au climat (EcoAct, septembre 2020[v]),
  • Au moins 16 méthodologies d’alignement et de mesure de la température (ILB, juillet 2020[vi]),
  • Une base de scénarios climatiques (de transition et physiques) sélectionnés par le NGFS (accès libre : https://www.ngfs.net/node/294092).

L’ensemble de ces connaissances et ressources constitue ainsi une boite à outil de « première génération » qui donne au secteur financier les moyens d’évaluer les implications du changement climatique sur ses activités.

Un cadre méthodologique consensuel : quelques défis

Cette boîte à outil de « première génération » de connaissances représente une grande avancée, car le secteur financier gagne ainsi une meilleure compréhension des implications des enjeux climatiques pour les investissements.

Cependant, son amélioration implique un nombre de défis à relever. Citons notamment le besoin de développer une approche consensuelle capable de rendre les analyses plus crédibles, et d’une boîte à outils résolument alignée sur les besoins futurs requis par le plan d’action européen pour la finance durable.

Par exemple, au-delà de la disponibilité, du coût et de la cohérence des données à mobiliser, la publication du NFGS met l’accent sur les défis méthodologiques et ceux liés à l’interprétation des résultats (NGFS, 2020), au regard des faiblesses constatées au niveau :

  • Des standards et normes, ce qui entrave l’utilisation et les flux des données ;
  • De la transparence des données et des méthodes utilisées, se traduisant par un manque de confiance parmi les utilisateurs ;
  • Des capacités internes sous-développées pour analyser et interpréter les données de manière à faciliter la prise de décision.

Par conséquent, les pratiques actuelles ne permettent pas encore une comparaison nécessaire des méthodes et de leurs résultats. Au contraire, leurs résultats doivent actuellement faire l’objet d’une vérification supplémentaire pour s’assurer de leur cohérence avec la réglementation et leur alignement avec les recommandations scientifiques.

Pour renforcer cette boîte à outils, les défis à relever sont nombreux et concernent plus spécifiquement les actions suivantes :

  • Améliorer la comparabilité des résultats évalués et la transparence des méthodes
  • Renforcer la pertinence des indicateurs pour optimiser la prise de décision et l’élaboration des politiques
  • Harmoniser les terminologies et les indicateurs
  • Expliciter le lien entre les actifs financiers et l’impact ou le risque physique induit
  • Permettre une comparaison entre les différents actifs cotés et non cotés
  • Permettre une meilleure couverture des classes d’actifs et l’applicabilité aux portefeuilles multi-actifs 
  • Renforcer la capacité d’établir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et vers zéro émission nette fondés sur la science climatique (SBT)

Si cette boîte à outils permet d’effectuer des premières analyses, elle nécessite néanmoins un développement futur, afin de permettre aux acteurs financiers de s’engager dans des actions climatiques plus ambitieuses, telles que la définition d’un objectif de réduction des émissions de GES aligné sur la science et validé par la SBTi. Dans cet objectif, la boîte à outils devra offrir la possibilité de planifier les étapes, de suivre les progrès et, in fine, d’assurer la réalisation d’objectifs. 

 Vers une approche méthodologique harmonisée et alignée sur les objectifs scientifiques

Les récents développements de la réglementation européenne et de l’initiative Science-Based Targets pour les institutions financières (SBT-FI) attestent d’un dynamisme favorable à l’évolution des « métriques » et des « méthodes ». Cela favorise l’établissement des produits et services financiers alignés sur l’objectif climatique et capables d’orienter les stratégies d’entreprises et les flux financiers de manière efficace et efficiente.

  • L’initiative SBT à l’attention des institutions financières vise à faciliter la définition des objectifs scientifiques de réduction des émissions de GES au niveau des portefeuilles et des classes d’actifs financiers. 
  • La règlementation européenne (Regulation EU 2019/2089 Paris-aligned and Climate Transition Benchmarks) relative aux indices de référence pour la transition climatique et l’alignement sur l’accord de Paris introduit des critères pour la création d’indices thématiques et pour la gestion d’actifs, ainsi que pour la structuration de produits et de fonds. 
  • La taxonomie verte de l’UE (Regulation EU 2020/852 Taxonomy) aide à classer les actifs et à intégrer des considérations environnementales dans un processus de décision d’investissement.

Mais, les pratiques actuelles ne sont pas encore suffisamment adaptées au besoin de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES pour les actifs financiers, ni au développement d’instruments, de produits et de services pleinement adaptés au climat. Ainsi, il faut aller plus loin afin d’être en mesure de proposer au marché financier des solutions comme des fonds dédiés et des obligations alignées sur le climat. La prochaine étape consistera donc à consolider les connaissances faisant autorité, ce qui requiert une approche consensuelle et harmonisée.

Par conséquent, la conception d’une approche consensuelle et harmonisée et ses indicateurs clés de performance climatiques devra tenir compte de six composantes fondamentales : 

  • Son alignement sur les cadres de reporting obligatoires et volontaires ;
  • Son application à des portefeuilles diversifiés dans différents secteurs, zones géographiques et classes d’actifs ;
  • L’intégration de scénarios de changement climatique et de scénarios de transition ;
  • Son fondement sur les données scientifiques (SBT) et prospectives ;
  • L’attribution intelligente des impacts financiers et climatiques ;
  • Son opérationnalité pour un large éventail d’utilisateurs.

Source : EcoAct

ClimFIT

Tous ces défis sont au cœur de la réflexion d’EcoAct dans la conception de ClimFIT, son outil méthodologique pour évaluer l’impact des investissements sur le climat. Pour en savoir plus, découvrez une description complète de l’outil au chapitre 33 de la publication du NGFS sur les études de cas[vii].


[i] NGFS, septembre 2020. Occasional Paper. Case studies of environmental risks analysis methodologies (Etudes de cas sur les méthodologies d’analyse des risques environnementaux) lien

[ii] Idem

[iii] PRI, août 2020a. Lien vers l’examen des données ESG universitaires lien

[iv] PRI, août 2020b, Lien vers l’examen des documents universitaires lien

[v] EcoAct, septembre 2020, Guide sur les cadres et dispositifs de reporting développement durable, focus climat/énergie lien

[vi] Institut Louis Bachelier (ILB) et autres (2020). The Alignment Cookbook – A Technical Review of Methodologies Assessing a Portfolio’s Alignment with Low-carbon Trajectories or Temperature Goal (Une revue technique des méthodologies d’évaluation de l’alignement d’un portefeuille sur des trajectoires bas-carbone ou des objectifs de température) lien

[vii] NGFS, septembre 2020. Occasional Paper. Case studies of environmental risks analysis methodologies (Etudes de cas sur les méthodologies d’analyse des risques environnementaux) lien

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