Étude de cas du secteur finance : Banque des territoires
Dans le cadre des engagements climatiques de la Caisse des Dépôts, la Banque des Territoires, en collaboration avec EcoAct, a réalisé en 2024 une étude détaillée de l’empreinte carbone de ses activités de financement et d’investissement sur l’année 2023. Pour mener à bien cette étude, un ensemble de méthodologies reproductibles et d’outils sur-mesure ont été développés. Cette empreinte carbone de portefeuilles a été construite selon les derniers standards et recommandations de marché.
Engagée pour la transition écologique, la Banque des territoires a souhaité adopter une approche carbone globale en évaluant le bilan détaillé des émissions qu’elle finance. Le périmètre étudié couvre l’ensemble des directions métiers de la Banque des Territoires (Direction des Prêts, Direction de l’Investissement, Direction des Clientèles Bancaires) et l’intégralité des émissions (Scope 1, 2, 3) engendrées par les projets et/ou par les clients (entreprises, collectivités, bailleurs sociaux etc.) bénéficiant d’un financement de la Banque des Territoires. On parle « d’émissions financées ».
Zoom méthodologique : A quoi correspondent les émissions financées ?
Les émissions financées sont des émissions indirectes liées aux activités de financement des institutions financières, qu’elles soient en dette ou en investissement direct. Par exemple, une banque qui accorde un prêt à un bailleur social pour une opération de construction de logements sociaux contribue indirectement aux émissions de GES liées à cette construction, à hauteur de sa part de financement dans l’opération.
La quantification de ces émissions financées est essentielle pour les institutions financières, elle permet :
– D’identifier les actifs les plus intensifs en matière de carbone,
– De mettre en évidence les risques et les opportunités liés au climat,
– D’aligner les portefeuilles sur les objectifs de zéro émission nette.
Différents cadres méthodologiques en vigueur tels que PCAF (Partnership for Carbon Accounting Financials) et le GHG (GreenHouse Gas) Protocol permettent de structurer ce concept. Les principales étapes de traitement figurent ci-dessous. Après avoir mesuré les émissions générées par les projets et actifs détenus par la Banque des Territoires, celles-ci sont attribuées proportionnellement à la quotepart de détention. Cet aspect est particulièrement crucial pour la Banque des Territoires, qui se place toujours en co-financeur des projets.
Étant donné la pluralité des projets et des acteurs financés, la mesure des émissions financées a soulevé plusieurs défis :
Au service de l'intérêt général, la Banque des Territoires propose des solutions de financement et d'accompagnement aux collectivités locales, aux entreprises publiques locales, aux organismes de logement social, aux professions juridiques et aux entreprises. Son ambition est de lutter contre les inégalités sociales et les fractures territoriales en accompagnant la transformation écologique.
En tant qu’acteur majeur de la transformation durable du pays, la Banque des Territoires se doit d’être outillée selon les meilleurs standards pour piloter son activité. L’accompagnement d’EcoAct a permis de construire un outil robuste de mesure d’empreinte GES de nos différents portefeuilles de financements, ce qui constitue la base d’une trajectoire net zéro à horizon 2050.
L’exercice de comptabilité carbone a nécessité une rigueur organisationnelle et un développement méthodologique important. Une approche de matérialité a permis de concentrer les efforts d’approfondissement méthodologique. Il a également fallu faire coïncider les travaux avec les pratiques de mesure d’émissions de GES des autres entités du Groupe Caisse des Dépôts. Ces objectifs se résument en 3 axes principaux :
La Banque des territoires dispose désormais d’une meilleure compréhension de son empreinte carbone, servant de socle pour une stratégie climat à plus long terme. Cependant, certaines étapes essentielles sont nécessaires pour assurer la durabilité de l’étude menée :
1 – Capitaliser sur les travaux pour formaliser des engagements de décarbonation adaptés aux directions métiers et à leurs problématiques opérationnelles. S’inscrivant dans un objectif de décarbonation à horizon 2050, ces engagements s’en verront renforcés par une méthodologie fiable et comparable. Cette approche permet de renforcer la pilotabilité et la crédibilité d’actions de réduction engagées.
2 – Améliorer en continu l’exercice, aussi bien au niveau de la méthodologie que du processus de collecte de données. Des recommandations techniques ont été fournies pour renforcer la qualité de l’étude lors de sa mise à jour. Par exemple, un score de qualité de donnée a été mesuré pour chaque Direction métier (Cf. tableau ci-dessous), permettant de concentrer les efforts pour les prochains exercices de reporting.
3 – Communiquer de manière régulière et transparente sur l’évolution du bilan des émissions financées. L’avancement des travaux est un point clé à partager aussi bien en interne qu’en externe, afin de faire vivre la stratégie de décarbonation des portefeuilles de la Banque des Territoires. Cet exercice a vocation à être reproduit et amélioré et servir de socle à la réflexion sur une stratégie d’alignement et l’établissement d’un plan d’action robuste.
Options disponibles pour estimer les émissions | Description de l’approche de mesure des émissions | Qualité de données |
Option 1 : Émissions réelles du bâtiment |
Les émissions de GES du bâtiment ont déjà été estimées selon des normes certifiées et vérifiées par un tiers. | Score 1 |
Des données primaires sur la consommation énergétique réelle des bâtiments sont disponibles. Les émissions sont calculées en utilisant la consommation d’énergie réelle du bâtiment et les facteurs d’émission spécifiques à la source d’énergie. | Score 2 | |
Option 2 : Estimation basée sur la surface |
L’estimation de l’intensité énergétique ou des GES du bâtiment est disponible. Les émissions sont estimées en fonction de l’intensité physique, des facteurs d’émission moyens et de la surface. | Score 3 |
La réglementation thermique est disponible, et le bâtiment a reçu des certificats ou des labels. Les émissions sont estimées en fonction de l’intensité physique moyenne, des facteurs d’émission moyens et de la surface. | Score 3 | |
Option 3 : Emissions basées sur des données statistiques |
La surface est disponible. Les émissions sont estimées en fonction de la consommation énergétique estimée des bâtiments par surface de plancher, sur la base du type de bâtiment et de données statistiques spécifiques à l’emplacement. | Score 4 |
La surface n’est pas disponible. Les émissions sont estimées en fonction de la consommation d’énergie par bâtiment, sur la base du type de bâtiment, des données statistiques spécifiques au lieu et du nombre de bâtiments. | Score 5 |
Tableau : Grille de qualité de données pour les actifs immobiliers (source : EcoAct)
Malgré le fait que la Banque des territoires génère des émissions à travers ses activités de financement de projets, elle permet également d’éviter certaines émissions (à travers le financement de projets d’énergies renouvelables, ou les rénovations de bâtiments par exemple), on parle « d’émissions évitées ». Selon l’ADEME1, les émissions évitées par une organisation concernent « les réductions d’émissions réalisées par ses activités, produits et/ou services, lorsque ces réductions se réalisent en dehors de son périmètre d’activité ». Il est donc crucial de bien distinguer les émissions évitées des émissions financées, car ces deux concepts jouent des rôles différents dans la comptabilité carbone et la stratégie climat d’organisations.
Cette étude approfondie a permis à chaque équipe métier de s’emparer des méthodologies de mesure de GES pour unifier l’approche carbone à l’échelle de la Banque des territoires. Elle a également permis de se comparer à d’autres acteurs bancaires et d’autres banques de développement. Il en ressort que les activités de financement de la Banque des territoires sont relativement moins émissives que celles des institutions comparables (en intensité, c’est-à-dire corrigé de l’effet taille du portefeuille). En conclusion, un bilan des émissions financées détaillé est indispensable pour fixer des objectifs de réduction pertinents et définir un plan d’action de décarbonation robuste.
[1] ADEME, Fiche technique émissions évitées, 2020