Secteur de l’aviation : mise au point du programme CORSIA

Le secteur aérien n’est pas encore inscrit dans une trajectoire d’émissions de CO2 compatible avec un objectif mondial de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à son niveau préindustriel. Le secteur de l’aviation est sous pression Il représente à minima 2,4 % des émissions de CO2 mondiales[1], et est fortement critiqué du ...

Magdalena Jouenne-Mazurek

3 avr 2020 4 minutes de lecture

Le secteur aérien n’est pas encore inscrit dans une trajectoire d’émissions de CO2 compatible avec un objectif mondial de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à son niveau préindustriel.

Le secteur de l’aviation est sous pression

Il représente à minima 2,4 % des émissions de CO2 mondiales[1], et est fortement critiqué du fait de la forte croissance de ses émissions de gaz à effet de serre.

Le mouvement « flygskam », littéralement « la honte de prendre l’avion » initié en Suède, a accéléré la prise de conscience de l’impact environnemental du transport aérien et son retentissement témoigne des attentes grandissantes de la société. Par son boycott du transport aérien, ce mouvement presse l’aviation de prendre des objectifs climatiques plus ambitieux et concrets pour réduire son impact.

Depuis peu, le secteur vit également une crise sans précédent avec l’arrêt brutal de son activité dans le contexte de la crise sanitaire du COVID-19, dont l’impact est encore incertain, mais aura sans aucun doute des conséquences sur sa transition bas-carbone.

Réglementation internationale : le programme CORSIA

L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a toutefois pris les devants en ratifiant en 2016 le programme Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA), visant à compenser la part des émissions de CO2 des vols internationaux excédant leur niveau de 2019 et de 2020. Signé par 191 pays, CORSIA est un mécanisme basé sur le marché obligeant les compagnies aériennes à acheter des crédits générés par des projets bas carbone internationaux éligibles. Pour rappel, un crédit carbone équivaut à une tonne d’équivalent CO2 évitée.

Le dispositif CORSIA rentrera en vigueur pour une période pilote volontaire dès janvier 2021 et deviendra ensuite obligatoire pour toutes les compagnies aériennes à travers le monde en 2027.

Concrètement, quels crédits de compensation carbone seront admissibles par CORSIA ?

Le Conseil de l’OACI vient de décider quels types de crédits de compensation carbone pourront être utilisés par les compagnies aériennes dans le cadre de CORSIA pour la phase pilote de 2021-2023.

En vertu des nouvelles règles, les compagnies aériennes devront acheter des crédits carbones de plusieurs programmes approuvés, notamment l’American Carbon Registry, le Gold Standard et le Verified Carbon Standard Program pour toutes leurs émissions excédant le niveau de 2019 et de 2020.

Cette évolution était très attendue par l’ensemble d’acteurs (compagnies aériennes, porteurs de projets, ONG, etc.) et va dans le bon sens avec des restrictions de l’offre de projets compatibles avec CORSIA.

Derniers sujets à considérer pour une mise en œuvre de CORSIA efficace

Cependant, plusieurs interrogations restent à traiter pour rendre CORSIA opérationnel et efficace dès 2021 :

•          Articuler le dispositif CORSIA au système européen de quotas d’émissions de CO2, EU ETS,

•          Éviter le risque de fuites de carbone dans les projets forestiers,

•          Maîtriser le risque du double compte des émissions de CO2.

D’autres questionnements légitimes ont rapidement émergé quant à l’utilisation de certains projets issus de dispositifs comme le mécanisme de développement propre (MDP) et seront sans doute encore amenés à évoluer à l’avenir.

Vers une action massive pour réinventer et décarboner le secteur à long terme 

Dans le secteur de l’aviation, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle, l’introduction de biocarburants durables et l’écopilotage permettent de réduire ses émissions de CO2. La compensation carbone réalisée dans le cadre du programme CORSIA permettra au secteur de maintenir ses émissions de CO2 au niveau de 2020.

Pour aller au-delà d’une croissance « neutre » en carbone, des progrès en termes de biocarburants durables et d’avions alternatifs seront nécessaires pour une réelle transformation requise par l’ambition zéro émission nette à l’horizon 2050.

Le défi est de taille

L’objectif de zéro émission nette implique notamment que le secteur s’engage pour contribuer à la trajectoire mondiale de réduction d’émissions de GES d’au moins 7,6 % par an jusqu’en 2030 pour y parvenir.

Prioriser le besoin de réduction d’émissions directes du secteur, tout en maintenant le soutien massif à des projets durables, le tout en intégrant le choc majeur de la crise sanitaire actuelle, est un immense défi pour l’aérien.

Pour en savoir plus sur le programme CORSIA, découvrez notre nouvelle fiche explicative.


[1] Source : IATA 2018, chiffre qui ne prend pas en compte l’effet du forçage radiatif ni des trainées de condensation

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