Tribune : la compensation carbone est fondamentale

La compensation carbone n’est pas du greenwashing : elle est fondamentale à l’atteinte de la neutralité carbone En 2018, le GIEC tire la sonnette d’alarme : nous devons limiter la hausse des températures mondiales à 1,5°C avant la fin du siècle en atteignant la neutralité carbone mondiale dès 2050. En France, la neutralité carbone, dorénavant inscrite dans ...

Co-fondateur, EcoAct

9 déc 2019 6 minutes de lecture

La compensation carbone n’est pas du greenwashing : elle est fondamentale à l’atteinte de la neutralité carbone

En 2018, le GIEC tire la sonnette d’alarme : nous devons limiter la hausse des températures mondiales à 1,5°C avant la fin du siècle en atteignant la neutralité carbone mondiale dès 2050. En France, la neutralité carbone, dorénavant inscrite dans la loi, doit devenir réalité à l’horizon 2050. Alors que ce compte à rebours s’accélère, il faut se rendre à l’évidence : la neutralité n’est pas atteignable sans recours à l’ensemble des solutions dont la compensation carbone fait partie.

Ce mécanisme, complémentaire aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) directes réalisées selon une trajectoire de décarbonation profonde, bénéficie d’un retour d’expérience et d’amélioration continue depuis maintenant plus de dix ans. Selon Gold Standard, la valeur cumulée des transactions sur le marché de la compensation carbone volontaire s’élèverait à environ 4,6 milliards de dollars et 329 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone ont été évitées par des projets de compensation carbone volontaire sur la période 2005-2016.

Au-delà du climat, les bénéfices de ces projets en lien avec les objectifs de développement durable sont majeurs, notamment pour les pays en développement. En effet, un rapport publié par Imperial College London et ICROA (International Carbon Reduction & Offset Alliance), a chiffré à 664 dollars la valeur de ces bénéfices sociaux, économiques et environnementaux pour chaque tonne de CO2 retirée sur une analyse de 60 projets.

Ces résultats peuvent sembler anecdotiques au vu de l’effort à mener sur les émissions de GES mondiales mais ils sont en passe de changer d’échelle : le nombre d’engagements volontaires des entreprises et des villes augmente chaque jour, la finalisation des règles du mécanisme international de compensation carbone établi par l’accord de Paris est attendue à la COP25, et de multiples initiatives réglementaires et volontaires de compensation carbone émergent à travers le monde (Canada, Californie, Colombie, France, Corée du Sud, etc.). Cette nouvelle dynamique bénéfique pour le climat devrait permettre une meilleure compréhension de ce mécanisme pour favoriser son usage dans la transition vers cet objectif de neutralité carbone.

La compensation carbone volontaire : c’est quoi ?

La compensation carbone consiste à financer des projets de réductions ou de séquestrations d’émissions de GES pour un montant équivalent aux émissions résiduelles d’une organisation, entreprise ou territoire. Ce financement s’effectue en acquérant des réductions d’émissions, appelées aussi crédits carbone. Un crédit carbone correspond à une tonne de CO2 évitée.

Plusieurs types de projets peuvent être développés selon l’intérêt des financeurs : des projets forestiers (plantations d’arbres, protection des forêts soumises à un fort risque de déforestation, etc.) ; de production d’énergies renouvelables ou encore d’amélioration d’efficacité énergétique, etc.

Tout projet de compensation carbone doit répondre aux conditions obligatoires suivantes :

  • Être « additionnel » : il n’aurait pas pu voir le jour sans ce financement
  • Pouvoir mesurer la quantité de CO2 réduite ou séquestrée
  • Réaliser la vérification et un audit par un tiers indépendant
  • Garantir l’unicité des crédits carbones qu’il délivre (un crédit = une tonne de CO2 évitée).

Il s’agit donc de projets dont les effets sur les réductions d’émissions sont vérifiables et quantifiables. Le respect de ces conditions garantit l’efficacité de la compensation carbone volontaire.

Pourquoi a-t-elle aussi mauvaise réputation ?

La complexité et la méconnaissance de ce mécanisme de compensation carbone sont à l’origine de nombreuses réticences et de confusions. Ces mécanismes font l’objet de critiques que les professionnels du marché volontaire prennent en compte pour améliorer leurs pratiques. L’objectif est de rendre ces mécanismes pleinement efficaces pour contribuer à la neutralité carbone.

Mal comprise, la compensation carbone peut être assimilée à une substitution d’une réduction drastique de ses émissions. Au contraire, il a été démontré que les organisations engagées dans la compensation carbone sont aussi celles qui réduisent le plus leurs émissions de CO2. La compensation carbone est désormais une étape complémentaire de la réduction des émissions de GES qui constitue le pilier central d’une stratégie de neutralité carbone.

Le manque d’informations est aussi une critique sur laquelle travaille l’ensemble des opérateurs du secteur. Pour pallier ce problème, les standards publient l’ensemble des documents qui justifient l’enregistrement et la vérification de chaque crédit carbone.

Enfin, des critiques portent sur le risque de l’utilisation multiple de la même réduction d’émissions de GES entre organisations appelé « double-comptage ». Les standards ont développé des registres pour assurer la traçabilité du crédit depuis sa génération jusqu’à son annulation dès lors qu’une organisation l’a « consommé » pour déclarer sa compensation carbone.

Comment garantir et prouver l’efficacité d’un projet de compensation carbone ?

Il est indispensable de vérifier que les projets de compensation carbone financés sont validés et vérifiés par des standards internationaux reconnus. Il ne suffit pas de planter un arbre pour compenser. Pour assurer l’intégrité environnementale de la compensation carbone, des labels de référence définissent les exigences relatives à la qualité des crédits carbone générés : le Gold Standard, créé par WWF en 2006, ou encore le Verified Carbon Standard (VCS), géré par VERRA, une organisation à but non lucratif. Ces labels encadrent la comptabilisation, le suivi et la vérification du projet. Ils révisent et améliorent régulièrement leurs méthodologies et procédures de vérification.

Il s’agit aussi de choisir un organisme pour la conception et la réalisation des projets qui soit certifié pour le maximum de fiabilité et de transparence. En se rapprochant par exemple de l’ICROA, une association qui rassemble des acteurs engagés dans la réduction des émissions et la compensation carbone à l’échelle internationale, et qui propose une charte de bonnes pratiques définissant les exigences minimales que tous ces acteurs qui fournissent des services de neutralité carbone doivent respecter. Les sociétés qui y adhèrent sont annuellement auditées par un organisme indépendant pour confirmer le respect de cette charte.

Le dernier « Emissions Gap Report » du Programme des Nations Unies pour l’Environnement nous alerte qu’à mesure que le temps passe, les efforts à accomplir pour limiter l’ampleur de la crise climatique s’avèrent toujours plus importants, au risque de devenir insurmontables. Les mécanismes de compensation carbone constituent une solution de transition indispensable pour contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone de nos territoires dans les meilleurs délais. Se priver de ce dispositif de coopération entre les pays et les acteurs économiques retarderait de plusieurs décennies nos chances d’y parvenir.

Retrouvez cette tribune de Gérald Maradan, Directeur général et co-fondateur d’EcoAct, dans La Tribune. Diffusez-la si vous êtes d’accord que nous n’avons plus de temps à perdre pour mettre en œuvre toutes les solutions disponibles pour vaincre la crise climatique.

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