Business model durable : Comment transformer son modèle d’affaires pour respecter les limites planétaires ?

Intensification des événements climatiques extrêmes, renforcement des exigences réglementaires et des attentes des investisseurs, fuites des talents, pression de la société civile… le business-as-usual n’est plus envisageable pour les entreprises. Des termes émergent pour englober une vision complète de l’action nécessaire pour reconnecter l’entreprise aux écosystèmes naturels desquels elle dépend – « redirection écologique », ...

Anouk Faure, Arnaud Boulbes, Clément Chevalier et Alexis Flot

6 oct 2023 8 minutes de lecture

Intensification des événements climatiques extrêmes, renforcement des exigences réglementaires et des attentes des investisseurs, fuites des talents, pression de la société civile… le business-as-usual n’est plus envisageable pour les entreprises. Des termes émergent pour englober une vision complète de l’action nécessaire pour reconnecter l’entreprise aux écosystèmes naturels desquels elle dépend – « redirection écologique », « transition systémique », « transformation écologique », « business model durable » … Derrière eux, la notion de transformation durable des modèles d’affaires.

Les enjeux de la transformation des modèles d’affaires

A l’heure où la température globale s’élève à 1,1 °C au-dessus des moyennes préindustrielles, où le dérèglement climatique a déjà des conséquences économiques matérielles, et où la perte de biodiversité est massive, force est de constater que le modèle de production linéaire consistant à « extraire, fabriquer, consommer, jeter » atteint ses limites. Ce modèle se heurte au fait qu’il considère la nature comme une ressource gratuite et renouvelable à l’infini. Pourtant, nos économies sont profondément dépendantes de la santé des écosystèmes. Plus de la moitié du PIB mondial, soit 44 000 milliards de dollars de valeur économique créée, dépendrait en effet des services écosystémiques de manière modérée ou élevée (WEF/Herweijer et al., 2020).

En 2009, le concept des limites planétaires a vu le jour pour définir les seuils au niveau desquels la capacité des écosystèmes à se régénérer est compromise. Neuf limites planétaires ont ainsi été définies, dont six ont déjà été dépassées (signe de l’urgence à agir !).

limites planétaires
Les neuf limites planétaires

Le changement climatique n’est qu’une manifestation parmi huit autres de la surexploitation des ressources naturelles par l’espèce humaine, notamment par le biais de l’entreprise. Aussi, au-delà d’un climat stable, nos sociétés dépendent tout autant de la biodiversité, de la qualité des sols ou encore des ressources en eau.

Du fait des progrès scientifiques importants dans la modélisation des impacts et de la montée en puissance des réglementations, la réduction des gaz à effet de serre focalise les débats et l’action environnementale. Pourtant, l’action dans ce domaine se limite en grande partie à une approche incrémentale : dans une étude publiée en février 2023, Carbon Watch estime ces efforts à une réduction des émissions de l’ordre de 10 à 20 %. Or, les réductions nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro émission nette sont de l’ordre de -50 % d’ici à 2030 et -95 % en 2050.

Il est donc essentiel pour les organisations d’adopter une approche systémique pour revoir leurs modèles d’affaires en prenant en compte l’ensemble des les limites planétaires. En parallèle, elles peuvent augmenter leur résilience en adoptant une stratégie d’adaptation face aux conséquences du changement climatique et à l’érosion des ressources naturelles et de la biodiversité.

Vers des business models respectueux des limites planétaires

A l’heure actuelle, les ambitions environnementales demeurent une variable d’ajustement dans la prise de décision stratégique et opérationnelle. Renverser cette logique revient à choisir aujourd’hui de construire des modèles d’affaires respectueux des limites planétaires afin de pérenniser la création de la valeur lorsque ces limites s’imposent d’elles-mêmes.

Au même titre qu’elle cherche à créer un équilibre financier positif, l’entreprise durable s’appuie sur la recherche scientifique pour se fixer des seuils d’impact à ne pas dépasser – budget carbone, niveau d’exploitation des ressources, etc. – pour limiter sa pression sur les écosystèmes et augmenter sa résilience au risque.

Cette transformation peut se matérialiser par des actions concrètes telles que :

  • Le tournant stratégique, opéré par la société Nexans, de “fabricant de câbles à pure player de l’électrification” qui démontre qu’une démarche de sobriété peut rimer avec performance économique,
  • La transformation de la marque automobile Seat qui a annoncé l’arrêt de la commercialisation de voiture pour devenir un fournisseur de solutions de mobilités durables.

Un modèle d’affaires peut ainsi être défini comme durable dès lors que la proposition de valeur d’une organisation et sa structure sous-jacente sont :

  • Respectueuses des limites planétaires et/ou régénèrent l’environnement ;
  • Résilientes face aux bouleversements climatiques et environnementaux ;
  • Viables économiquement.

En résumé, un modèle d’affaires durable intègre dans son processus de création de valeur les contraintes physiques et biologiques de la nature !

Le business model durable : la voie vers l’entreprise régénérative

A l’échelle nationale et mondiale, de nombreuses initiatives voient le jour pour accélérer cette transformation et standardiser la feuille de route des entreprises pour passer du business-as-usual à un modèle durable.

C’est le cas notamment de la Convention des entreprises pour le climat (CEC) qui a vu le jour en 2021 pour réunir 150 entreprises autour d’une triple ambition : « activer l’intelligence collective et s’équiper pour la redirection écologique de son organisation ; inspirer son secteur et sa région ; embarquer le monde politique et institutionnel dans un exercice de co-construction ». Son rapport final définit plusieurs degrés de maturité dans la transformation des modèles d’affaires, ainsi que les étapes pour y parvenir.

degré de maturité entreprise régénérative
Les degrés de maturité des entreprises inspirés des travaux de la CEC

L’évolution vers le durable est une première étape, les entreprises peuvent ensuite renforcer leur engagement et tendre vers l’entreprise régénérative. Bien que n’ayant pas encore de définition officielle (une norme de l’AFNOR est en cours), on peut caractériser l’entreprise régénérative par la réalisation d’impacts positifs nets sur les écosystèmes et la société. Parmi les pistes à explorer sur le thème de l’environnement, on peut par exemple citer la séquestration de carbone, la régénération des écosystèmes ou la revégétalisation des espaces artificialisés.

Pour mieux comprendre ces concepts,  des auteurs et ouvrages font référence tels que le livre « L’entreprise contributive : concilier mondes des affaires et limites planétaires » de Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili et le papier « Qu’est-ce qu’une entreprise régénérative ? » du cabinet recherche-action Lumia (Sempels et Thuillier, 2022).

En tant que cabinet de conseil accompagnant les entreprises dans leur démarche de transformation, EcoAct fait partie de la promotion 2023 de la CEC, qui va permettre de standardiser une feuille de route pour parvenir à opérationnaliser ces nouveaux modèles d’affaires.

Cadres volontaires et réglementaires : les initiatives se structurent pour concilier limites planétaires et modèle d’affaires

Les entreprises ont aujourd’hui l’opportunité de se réinventer : réinventer leurs modèles d’affaires et réinventer leur raison d’être dans l’optique de devenir régénératives.

Ces dernières années, de nombreuses initiatives volontaires se sont structurées en ce sens, comme par exemple :

Côté réglementaire, les lignes bougent aussi ! Au niveau européen notamment, la CSRD va progressivement renforcer les exigences de reporting non-financier de 50 000 entreprises sur les volets environnementaux, sociaux et de gouvernance à partir de 2024. Dans ce cadre, les entreprises seront amenées à intégrer les limites planétaires au cœur de leur stratégie (biodiversité, eau, pollution, économie circulaire…).

Au cœur des avancées dans le reporting extra-financier : le concept de « double matérialité ». Il inclut l’analyse de l’impact d’une entreprise sur la société et la nature, mais également l’impact de ces derniers sur l’entreprise.

L’enjeu autour de la standardisation des normes extra-financières se retrouvent également au niveau international. Bien que prônant encore la matérialité simple (ou matérialité financière uniquement), la « double matérialité » fait son chemin aussi auprès de l’ISSB (International Sustainability Standards Board) et une directive claire est attendue d’ici juin 2023 pour donner une trajectoire mondiale à tout le secteur privé.

Pour prendre de l’avance sur la réglementation et accélérer notre transition environnementale mondiale, ce sont les organisations pionnières de la transition qui ont l’opportunité d’écrire le récit de ce changement.

Chez EcoAct, nous travaillons main dans la main avec nos experts, la CEC et nos clients pour proposer un accompagnement de bout en bout autour de leur transformation et de l’intégration des limites planétaires au sein de leur stratégie. Nouveaux business models, plan de transition, modèles opérationnels : contactez-nous pour discuter ensemble de vos défis à venir !

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