Plusieurs fois annoncé et plusieurs fois reporté, la version finale du troisième plan national d’adaptation au changement climatique a finalement été publié le 10 mars dernier. Initialement prévue pour fin 2023, et alors que la France continue de subir les conséquences du dérèglement climatique, la publication de ce document s’est faite attendre, faute de gouvernement stabilisé à l’été 2024, laissant planer le doute sur son maintien.
DEFINITION : L’adaptation est définie comme : « une démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. » Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques »1. En d’autres termes, l’adaptation d’un système au changement climatique vise à renforcer sa capacité à y faire face, ce « système » pouvant être un organisme vivant, un bâtiment, une entreprise, une collectivité voire un pays et dans le cas du PNACC, de la France. L’adaptation peut être incrémentale si elle vise à conserver l’essence et l’intégrité d’un système ou transformationnelle si elle modifie les fondamentaux d’un système en réponse au climat ou à ses conséquences. |
Ce troisième plan national visait à se distinguer des deux précédents (2011 et 2018), en proposant une intégration systématique de l’adaptation dans la prise de décision, avec deux objectifs principaux :
Un plan national d’adaptation peut fournir un tel cadre s’il est assorti de quelques conditions de succès : moyens humains et financiers suffisants, garanties de mise en œuvre, vision transformatrice et pas uniquement incrémentale, portage politique, etc. Force est pourtant de constater une revue à la baisse de l’ambition du plan entre la version initiale et celle mise en consultation : augmentation moindre du fond Barnier pour prévenir les risques de retrait-gonflement des argiles (RGA) liés aux épisodes de sécheresse, suppression du lancement de 50 sites précurseurs de l’adaptation, de l’engagement de rénover 40 000 écoles d’ici à 2034, suppression de la création d’un comité national d’adaptation pour faciliter la gouvernance…
Cet article vise ainsi à analyser le contenu du PNACC mis en consultation et à en identifier les impacts pour les acteurs publics et privés.
Que ce soit pour les acteurs publics ou privés, plusieurs points sont à garder en tête.
On retrouve ces principaux axes à travers différents pans du PNACC. Tout d’abord, l’intégration de l’adaptation dans les politiques publiques de manière plus systémique fait l’objet de plusieurs mesures, plus ou moins normatives, et concerne diverses prérogatives de l’action publique :
Les collectivités se verront également mettre à disposition les dernières connaissances, données et informations climatiques, en cohérence avec la TRACC et avec un accent mis sur les impacts (par exemple, le développement en 2026 par Météo France d’un « portail national des impacts »). Ce renforcement de la connaissance passe également par des actions de sensibilisation des élus, ou de formation des plus de cinq millions d’agents de l’Etat. Pour évaluer les progrès de l’adaptation des territoires, un socle d’une vingtaine d’indicateurs sera également établi et l’Etat prévoit de mettre en place un Label national pour les groupes régionaux d’experts sur le climat (GREC).
La grande nouveauté de cette année porte également sur la création d’un guichet unique, la « Mission Adaptation », qui permettra aux collectivités n’ayant pas l’ingénierie suffisante, d’être accompagnées techniquement dans leur démarche d’adaptation, que ce soit pour identifier leurs vulnérabilités mais aussi l’opérateur le plus pertinent pour répondre à leurs besoins. Officiellement lancée le 19 novembre, ce sont déjà une centaine de collectivités qui bénéficieront de la Mission Adaptation.
Des financements fléchés sont prévus au sein de différents dispositifs comme le Fonds Vert, le Fond Barnier, le développement de critères liés à l’adaptation dans les CPER, dans la revue des CRTE, etc. Toutefois, le financement de ces mesures reste insuffisant et peu détaillé, alors que des travaux d’experts ont permis de donner de premiers ordres de grandeur sur les coûts de l’adaptation (entre 1 et 2,5 Md€ pour adapter les constructions neuves, 1,5 Md€ par an pour l’agriculture et de plusieurs centaines à quelques milliards d’euros par an pour adapter les réseaux routiers et ferroviaires)3.
Les acteurs privés font également l’objet d’une part significative des mesures du Plan national d’adaptation, qui entend les inciter à mieux prendre en compte les impacts du changement climatique dans leurs activités.
Pour certains secteurs, l’adaptation devra être généralisée à travers des dispositifs nouveaux ou existants : diagnostics de vulnérabilités, plans d’adaptation, intégration de la TRACC dans les référentiels et procédures, etc. Une des mesures phares de la version initiale du PNACC 3 était l’obligation progressive de réaliser des plans d’adaptation au changement climatique pour les grandes entreprises en charge des infrastructures et services de transport et d’énergie dès 2025 et les « Opérateurs d’Importance Vitale » (OIV)4 en 2026. Si l’obligation se maintient pour les grandes entreprises des secteurs de l’énergie et des transports, cette dernière version conditionne l’élaboration d’un plan d’adaptation pour les OIV aux modalités de transposition dans le droit français de la directive européenne 2022/2557 sur la résilience des entités critiques mentionnant la nécessité de « [prendre] des mesures » la prévention des incidents, tenant compte du changement climatique.
D’autres acteurs économiques opérant dans certains secteurs faisant l’objet de mesures dans le PNACC sont également incités à identifier leurs vulnérabilités et rédiger un plan d’adaptation : la filière agricole et l’agroalimentaire, la pêche et l’aquaculture, la filière bois, le secteur du tourisme littoral, montagnard, ou encore culturel. La mesure 2 prévoit également de faire évoluer le système d’assurance et de prévention des risques et de renforcer la transparence sur l’évolution des pratiques5.
Des guides et outils génériques et sectoriels seront élaborés pour renforcer l’information des acteurs économiques et accompagner leurs démarches d’adaptation. Dans un premier temps un outil générique sera déployé pour faciliter la mise en œuvre d’actions d’adaptation, puis des outils sectoriels seront élaborés, le plus souvent à l’échelle des filières. Les guides sectoriels pourront contenir des sections relatives à l’analyse des risques et opportunités, la définition de plans d’adaptation, l’aide au reporting CSRD, la méthode ACT Adaptation, les Solutions d’adaptation fondées sur la nature (SAfN). L’ensemble de ces outils reconnus seront rassemblés dans un catalogue sur deux plateformes existantes : la « Mission Transition Ecologique » et le « Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique ».
Les financements, dispositifs et aides publiques intègreront désormais l’adaptation : lancement d’une évaluation des aides publiques, conditionnement de la prise en charge des effets du changement climatique sur les entreprises à la prise d’engagement complémentaire, facilité de financement pour les entreprises qui intègrent ces enjeux, par exemple via des actions de réduction des vulnérabilités, à travers les prêts verts garantis par l’Etat pour l’adaptation, etc. Certains secteurs économiques sont ouvertement cités comme celui du tourisme (stations de montagne) qui ne pourra plus bénéficier de soutien public à partir de 2025 sans plan d’adaptation intégrant la TRACC.
La généralisation et la standardisation des méthodes d’évaluation des actions mises en œuvre par les entreprises fait également l’objet d’une mesure du PNACC. Pour l’évaluation environnementale des projets, qui s’applique aux domaines de l’aménagement ou pour les SAFN par exemple, la TRACC s’imposera comme cadre de référence dans le volet « adaptation au changement climatique » et un guide méthodologique accompagnera les porteurs de projets dans ce processus. Dès 2026, le gouvernement publiera tous les deux ans un bilan d’application de normes européennes de reporting extra-financier, en particulier la CSRD et la Taxonomie.
« Susciter un débat profond sur les grands choix qui sont devant nous : que souhaitons-nous collectivement protéger, abandonner, changer pour nous adapter ? », insuffler un « réflexe adaptation », « construire une stratégique publique systémique » et « éviter la mal-adaptation » : les propos introductifs de ce troisième plan témoignent d’une prise de conscience de certains des enjeux clefs de l’adaptation.
Risques, acteurs, activités, horizons de temps : il n’y a pas d’entrée unique pour élaborer un plan d’adaptation comme en témoigne ce document qui, bien qu’organisé en cinq axes, reste protéiforme. Les mesures s’attachent ainsi à proposer différentes typologies d’actions, pour différents aléas et risques, pour différents types d’acteurs, et à différents horizons. Ce plan vient ainsi proposer à la fois des dispositifs nouveaux, mais également des actions pour repenser nos systèmes et activités existantes, en tentant d’intégrer aux réflexions un « réflexe adaptation » (identifié comme un facteur clé de succès par les experts de l’adaptation)6.
Plus d’un tiers des mesures mentionne la trajectoire d’adaptation au changement climatique permettant ainsi d’harmoniser et de garantir une certaine robustesse dans l’élaboration des diverses actions d’adaptation à l’échelle nationale. Ce qui est également considéré comme un facteur clé pour la cohérence de la planification de l’adaptation à l’échelle nationale. L’introduction de cette notion de trajectoire peut également permettre le séquençage des actions et stratégies à différents horizons de temps, niveaux de réchauffement et de risque. En effet, les mesures d’adaptation ne doivent pas être figées, pour pouvoir être ajustées au cours du temps et au grès de l’évolution du réchauffement climatique et de ses impacts.
L’analyse de ce plan soulève toutefois plusieurs enjeux concernant aussi bien la temporalité que la capacité de transformation et d’opérationnalisation des mesures proposées sans compter le sous-financement des actions proposées :
Finalement, le PNACC 3 fournit un cadre et fixe une trajectoire commune, mais les faibles moyens et les actions majoritairement incitatives ne semblent pas à la hauteur des enjeux. Malgré les insuffisances de ce plan, les entreprises comme les collectivités vont devoir intégrer les enjeux d’adaptation pour répondre à un cadre réglementaire qui se structure et être plus résilients face aux risques, et pertes associées, qui n’attendent pas que le contexte politique soit favorable pour apparaître.
Si vous souhaitez un accompagnement pour adapter votre organisation ou votre territoire au changement climatique, n’hésitez pas à nous contacter.
L’adaptation au changement climatique est clé pour garantir la continuité opérationnelle, s’aligner sur les exigences réglementaires et éviter les coûts financiers liés aux risques climatiques (inondations, sécheresse, feux de forêts…). Il n’existe pas d’approche universelle pour s’adapter, toutefois il existe de nombreuses approches permettant de minimiser les risques tout en contribuant à votre stratégie climatique globale.
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