Repenser la valeur des projets de contribution carbone volontaire avec Philips, entreprise engagée 

Philips intègre la contribution carbone volontaire comme un complément stratégique à ses efforts de décarbonation globaux. En avril 2024, Alexandros Theodoropoulos, Directeur Sustainability chez Philips, s’est rendu sur le terrain pour voir trois projets soutenus par Philips en Afrique .

Isabel Fernandez de la Fuente

12 déc 2024 15 minutes de lecture

Philips, reconnue comme la première entreprise de technologie sanitaire dont l’entièreté des objectifs de réduction des émissions de sa chaîne de valeur a été validée par le SBTi, intègre la contribution carbone volontaire comme un complément stratégique à ses efforts de décarbonation globaux

En avril 2024, Alexandros Theodoropoulos, Directeur Sustainability chez Philips, s’est rendu sur le terrain pour voir trois projets soutenus par Philips en Afrique : un projet d’accès à l’eau potable en Ouganda, un projet de reforestation au Kenya, et un projet de foyers de cuisson améliorés, au Kenya également. Accompagné par des experts de l’équipe Solutions fondées sur la Nature et la Technologie d’EcoAct et par des partenaires locaux, Alexandros a exploré les projets montrant le mélange efficace entre l’impact climatique, la conservation de l’environnement, et le soutien aux communautés locales. 

L’Afrique, en dépit de sa faible contribution aux émissions mondiales, subit de plein fouet les impacts du changement climatique, auxquels s’ajoutent des défis socioéconomiques. Les projets soutenus par Philips et EcoAct démontrent comment la contribution carbone peut engendrer des bénéfices concrets, alignés aux Objectifs de développement durable (ODD), offrant des solutions pratiques aux problèmes locaux et mondiaux les plus urgents.  

En Ouganda, le projet Borehole Uganda améliore la santé et la résilience des communautés en fournissant un accès à l’eau propre via l’installation et la réparation de puits équipés de pompe manuelle dans les régions les plus arides du pays. Non seulement le projet allège le fardeau quotidien des femmes et des enfants qui prennent du temps à aller chercher de l’eau, mais il entrave aussi la déforestation et réduit les émissions de gaz à effet de serre en diminuant le besoin en bois combustible.  

Au Kenya, le projet Kitalu s’appuie sur le programme TIST pour combattre la dégradation des terres grâce à la reforestation et aux méthodes d’agriculture durables. En plantant des arbres, les agriculteurs locaux consolident le sol et améliorent la rétention d’eau, tout en bénéficiant économiquement de la vente de crédits carbone.  

De la même manière, les deux projets de foyers de cuisson améliorés, Hifadhi I & II, transforment les pratiques domestiques en matière d’utilisation de l’énergie, en distribuant des fourneaux plus efficaces. Les fourneaux améliorés permettent de réduire la consommation de bois d’environ 60 %, ce qui entraine donc une diminution des émissions de CO2. Les effets se ressentent également sur la santé des utilisateurs, puisqu’il y a moins de fumée et donc une meilleure qualité de l’air à l’intérieur. Ce type de projet permet également de créer de nombreux emplois locaux

À la suite de ces visites terrains, Alexandros nous a partagé son retour d’expérience, notamment sur les impacts immédiats et transformateurs de ces projets sur les communautés locales, ce qui reflète la manière dont ces expériences donnent forme à l’approche de Philips en termes d’action climatique et de RSE.  

Repenser la valeur des projets de contribution carbone volontaire avec Philips, entreprise engagée 
Visite terrain, avril 2024 © EcoAct.

Étant donné le rôle important joué par ces projets pour soutenir les communautés locales tout en contribuant à la protection de l’environnement, cela amène naturellement à se questionner plus largement sur les objectifs stratégiques de Philips. Comment les projets de contribution carbone volontaire rentrent-ils dans la stratégie globale zéro émission nette de Philips ? 

Philips a commencé son trajet vers la durabilité tôt, en s’alignant avec l’Accord de Paris dès sa signature en 2015. Nous étions parmi les premières entreprises à établir des objectifs sur les émissions des Scopes 1 et 2, et, en dépit des indications limitées qui étaient disponibles à cette période, nous avons ensuite étendu nos efforts pour inclure les émissions du Scope 3, qui incluent les voyages d’affaires et la logistique.  Au fil du temps, nous avons analysé et mesuré notre empreinte carbone opérationnelle, qui couvre tous les aspects du transport et de la distribution. Cette évaluation minutieuse est essentielle car elle couvre le spectre complet de l’impact opérationnel de Philips. En reconnaissant le temps qui allait être requis pour atteindre une réduction des émissions de 90 %, essentielle pour atteindre nos objectifs de zéro émission nette, il était clair que se concentrer uniquement sur la réduction n’était pas suffisant.   Pour répondre à cet objectif, nous avons commencé à investir dans des projets de compensation carbone volontaire pour s’occuper des émissions résiduelles opérationnelles de Philips. Notre collaboration avec EcoAct, un partenaire de confiance dans le développement des stratégies de contribution carbone ainsi que dans les solutions fondées sur la nature, nous a aidé à développer un portefeuille qui va au-delà de l’atteinte de l’ODD 13 (Lutte contre le changement climatique). Notre objectif est d’assurer que notre contribution va plus loin que l’impact climatique et améliore la vie des habitants des communautés où ces projets sont implémentés. 

C’est très intéressant de voir comment ces décisions stratégiques sont fortement connectées avec les objectifs élargis de Philips en termes de durabilité. Ce qui m’amène à une autre question liée à votre focus sur l’Afrique : pourquoi Philips s’est majoritairement engagée sur ce continent ? Quel est le lien entre la stratégie de Philips et les projets qu’EcoAct a développé en Afrique ? 

L’accessibilité et le contrôle qualité sont les raisons principales de notre concentration sur le continent africain, surtout au vu de la forte implication d’EcoAct dans la région. Initialement, c’était l’endroit qui nécessitait le plus d’efforts de notre part, même si je comprends qu’EcoAct s’est étendu depuis à davantage de régions dans le monde. Par exemple, les fourneaux améliorés, qui n’auraient pas semblé aussi pertinents en Amérique, sont incroyablement bénéfiques ici. Les puits étaient également essentiels pour garantir l’accès à une eau propre dans les régions arides d’Afrique. Bien que le concept de ces puits puisse être appliqué à d’autres zones de sécheresses dans le monde, le besoin était particulièrement intense ici au départ.  Il y a ensuite eu le projet Kitalu, qui sort du lot non seulement pour l’impact qu’il a fourni sur le plan du carbone, mais aussi car il s’agit d’un projet remarquable en termes de partage de connaissance et d’amélioration du bien-être des communautés. C’est un exemple fantastique illustrant la manière dont on peut impacter des vies au-delà des simples bénéfices environnementaux. 

Je ne peux qu’imaginer la curiosité avant de planifier ces visites. Pourriez-vous partager les aspects des projets que vous avez trouvé les plus intéressants ? Peut-être qu’il y avait des éléments dont vous aviez déjà conscience mais que vous avez trouvé particulièrement surprenants et qui vous ont marqué ? 

Je crois qu’il s’agit de l’impact extrêmement positif qu’a eu le financement de ces projets sur les communautés locales, en créant des améliorations du niveau de vie durables sur le long terme. Prenez l’exemple des puits : assurer un accès à une eau potable, sans avoir besoin de la bouillir ou de la désinfecter – ce qui n’était pas toujours bien fait – fait toute la différence au quotidien. 

Avant l’implantation de ces puits, les habitants devaient marcher pendant des heures pour puiser de l’eau des sources contaminées, avant de passer encore plus de temps à la traiter. Ce processus entier pouvait prendre jusqu’à 4 heures avant même qu’ils puissent commencer à cuisiner ou à faire d’autres activités domestiques, sans parler d’aller au travail ou de s’occuper des enfants. 

Maintenant, grâce aux puits, il suffit de pomper une douzaine de fois pour remplir un jerrycan, un gain de temps inestimable. Un aspect qui m’a vraiment frappé, et dont nous n’avions pas complétement conscience au début, était les risques associés à la collecte de l’eau pour les femmes. En effet, les femmes marchaient souvent de longues distances seules ou avec leurs enfants, et étaient donc vulnérables au harcèlement et aux menaces pendant ces trajets. Ce n’est pas quelque chose qui m’est venu à l’esprit au départ, mais le constater m’a fait comprendre les défis basiques, mais essentiels, auxquels ces communautés font face, des défis qui sont exacerbés par les inégalités dans le monde et souvent négligés par ceux qui vivent dans des régions plus privilégiées. 

Ces aperçus nous ont enracinés dans la réalité, nous montrant l’impact profond que de telles solutions en apparence simple peuvent avoir sur la vie quotidienne. Il ne s’agit pas simplement de fournir de l’eau ou des fourneaux, mais d’améliorer intrinsèquement la sécurité, la santé et le bien-être de ces communautés. Être témoin de tels changements m’a vraiment ouvert les yeux et a renforcé l’importance de nos efforts continus dans ces projets. 

C’est vraiment impactant de voir comment ces projets redessinent des activités du quotidien que nous prenons souvent pour acquises. À partir de vos conversations avec les communautés locales, quelles étaient leurs principales demandes pour la suite de ces projets ?  Ont-elles formulé des besoins spécifiques ou des suggestions qui ont particulièrement fait écho ? 

Le fort intérêt des personnes sur le terrain pour la subvention apporté par les projets de compensation carbone a été un thème récurrent. Cette subvention assure la pérennité, l’extension et le renouvellement de ces projets, en créant de nouvelles opportunités d’emploi. Cela inclut non seulement les équipes de management, comme ceux à qui nous avons rendu visite, mais aussi les artisans locaux.  

Nous avons interagi dans chaque village avec des artisans qui sont des professionnels rigoureux, responsables de la maintenance et de la réparation des fourneaux et issus des communautés mêmes. Ils reçoivent un salaire équitable, tout en améliorant la vie de leur propre communauté. Leur dévouement est remarquable, et sans le projet, ils auraient dû trouver un autre emploi. Ils sont incroyablement compétents et engagés dans leur travail. 

Ce qui m’a impressionné, c’est le mécanisme de durabilité auto-entretenu par la communauté qui en a résulté. En créant de l’emploi et en assurant le maintien de ces projets, nous aidons à activer un cycle de bénéfice continu. C’est un exemple puissant de la manière dont un soutien ciblé dans ces communautés peut encourager la résilience et l’autonomie.  

Je crois que l’un des aspects que mes collègues qui ont également été sur le terrain ont mentionné, était qu’ils ont vu à quel point les communautés locales étaient fières en montrant les fermes ou coopératives qu’ils ont eux-mêmes construites en suivant leurs propres règles et organisation. Cette émancipation et cet apprentissage semble être un objectif clé de ces projets, permettant aux communautés de s’organiser elles-mêmes et de continuer à se développer en toute indépendance. 

L’un des projets de reforestation que nous avons visité était vraiment impressionnant. C’était un système de boucle fermée qui en plus d’être un lieu d’échange des connaissances, était une pépinière produisant de petites plantations d’avocats. Ces plantations étaient distribuées au sein de la communauté à un prix très bas comparé au prix du marché, bénéficiant à toutes les personnes impliquées. Je n’ai pas été surpris, mais bien sûr heureux et soulagé de les voir confirmer ce qui est pour moi l’approche idéale de l’agriculture : une agriculture sans produits chimiques et complétement organique. Cette méthode est bien plus efficace et n’a pas les effets secondaires nocifs que les produits chimiques et les pesticides peuvent causer. Avant, les gens étaient susceptibles de tomber malade à cause de la surutilisation de ces substances, mais maintenant, à travers ce projet, ils travaillent selon un modèle plus efficient et rentable. Ce succès est largement dû à leur volonté de mettre en commun leurs connaissances et à leur aspiration à devenir les meilleurs agriculteurs possibles avec les ressources disponibles. Ce qui est vraiment inspirant, c’est qu’il ne s’agit pas d’un partage à sens unique. Nous avons beaucoup à apprendre de leur approche. Peut-être que nous devrions repenser certaines de nos pratiques occidentales. En adoptant certaines de ces méthodes organiques et centrées sur les communautés, nous pourrions non seulement améliorer notre efficacité agricole, mais aussi le faire d’une manière qui est meilleure pour la santé et l’environnement. C’est un très bon exemple d’apprentissage mutuel qui montre comment nous pouvons bénéficier des expériences de chacun. 

Quand vous avez visité ces projets, quel genre d’impact cela a eu sur vous en termes de décisions futures sur votre engagement dans les projets de compensation carbone volontaire ? En quoi avoir vu ces projets de vos propres yeux a influencé la manière dont vous parlez de la compensation carbone volontaire avec vos collègues et autres parties prenantes ? Est-ce que cela a changé votre point de vue sur la valeur et la mise en œuvre de ces projets ? 

Pour faire simple, je pense que cela m’a rendu plus conscient des bénéfices supplémentaires que le mécanisme financier de la compensation carbone volontaire peut apporter. Par exemple, l’accès à l’eau propre, l’amélioration de la santé et du bien-être des personnes concernées par ces projet, et les opportunités d’emploi créées. Ces bénéfices ont bien plus de valeur, sur le plan financier, que le coût que Philips paye pour les crédits carbone. Cela amplifie vraiment l’impact des projets qui n’est pas seulement composé d’effets environnementaux et de la réduction ou la séquestration de carbone. Je pense que j’insisterais plus sur ces aspects dans mes conversations futures. 

Alors que nous arrivons à la fin de cet entretien, j’ai une dernière question : pensez-vous que le mécanisme de compensation carbone volontaire et que le rôle du marché volontaire du carbone sont bien compris par les acteurs locaux, ou bien que des efforts supplémentaires sont requis pour améliorer leur compréhension ? 

Effectivement, les bénéfices sont éclatants et clairs pour les acteurs locaux impliqués dans les projets de compensation carbone volontaire dans les pays où ils sont implémentés. Cependant, il y a un contraste fort quand on en vient aux acheteurs, clients et législateurs en Occident, qui jouent un rôle crucial dans les marchés volontaires du carbone mais ne comprennent souvent pas totalement les nombreux cobénéfices liés au financement de ces projets. 

J’ai remarqué que de nombreux décisionnaires n’ont pas conscience de tous les détails avant de prendre des décisions ou de proposer une nouvelle législation. Ce serait bénéfique pour tous les acteurs du marché de proposer des aperçus et d’instruire les actionnaires, en aidant à informer les parties prenantes sur tous les impacts de ces projets. Via un effort collectif de partage du savoir et des expériences, nous pouvons assurer une meilleure compréhension du sujet et des prises de décision plus éclairées à l’avenir.

Merci, Alexandros, pour avoir partagé vos expériences et enseignements. Ils s’alignent de près avec notre optique chez EcoAct. Sachant que ces nombreux projets emploient des méthodologies variées et génèrent de nombreux impacts, saisir leur effet global peut être difficile. Cela souligne l’importance d’entamer de nouvelles discussions, de former les actionnaires, et de partager des connaissances pour mieux comprendre les impacts importants qu’ont ces projets. 

Vos premières observations fournissent un aperçu intéressant de la vraie valeur de ces projets, montrant comment la compensation carbone volontaire, lorsqu’elle est mise en œuvre de manière réfléchie et responsable, peut être un outil puissant à la fois pour la préservation de l’environnement mais aussi pour le développement des communautés les plus vulnérables.   

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