L’IA en 2024 : quelles considérations pour les enjeux climatiques ?

Les progrès récents de la recherche en intelligence artificielle (IA) et l’émergence d’un ensemble de librairies informatiques qui en facilitent le déploiement ont permis de nombreuses applications dans des domaines tels que la santé, la finance, le marketing ou l’industrie en permettant d’automatiser des processus complexes. Néanmoins, l’entrainement de ces modèles requiert des ressources informatiques ...

Dorian Kodelja

12 juil 2024 7 minutes de lecture

Les progrès récents de la recherche en intelligence artificielle (IA) et l’émergence d’un ensemble de librairies informatiques qui en facilitent le déploiement ont permis de nombreuses applications dans des domaines tels que la santé, la finance, le marketing ou l’industrie en permettant d’automatiser des processus complexes.

Néanmoins, l’entrainement de ces modèles requiert des ressources informatiques importantes et d’énormes volumes de données, ce qui soulève des questions sur les plans écologiques et sociales. De plus, les prédictions de ces modèles sont difficilement explicables ; leur application dans certains domaines (santé, politiques publiques, surveillance) pose donc également question.

L’adoption de l’AI Act au sein de la Commission européenne

Pour répondre à une partie de ces enjeux, la Commission européenne a adopté, le 2 février 2024, l’AI Act, un règlement portant « sur des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle ».

Ce règlement définit un cadre d’évaluation des risques spécifiques aux applications de l’intelligence artificielle ; ce cadre impose la mise en place d’un ensemble de mesures de contrôle et de transparence afin de garantir des principes éthiques et de respect des droits fondamentaux.

EcoAct salue cette réglementation qui s’aligne avec nos pratiques internes. En effet, notre équipe Climate Data Analytics est pro-active sur ce sujet, s’assurant une bonne traçabilité et visibilité de l’emploi de modèles prédictifs dans nos applications.

Il est cependant regrettable de constater que le volet écologique du déploiement des modèles d’intelligence artificielle n’est pas traité dans cette réglementation.

L’IA, quel impact sur le climat ?

En effet, si le développement massif des solutions de « cloud computing » permet à n’importe quel utilisateur de faire appel à des modèles d’intelligence artificielle depuis son téléphone, il crée aussi l’illusion que ces interactions sont immatérielles et sans conséquences.

Or, les récents gains de performances des solutions IA reposent sur des modèles toujours plus gros, entrainés sur des volumes toujours plus importants de données.

La taille des modèles de référence a ainsi été multiplié par 3000 entre 2018 et 2023 (2018 : Bert, 3,4×10e8 paramètres et 2023 : GPT-4, 1,5*10e12 paramètres). Cette augmentation de la taille des modèles se traduit par une augmentation de la taille des centres de données nécessaires pour les héberger. Or, ces ressources de calcul nécessitent d’importantes quantités d’électricité pour alimenter les serveurs et d’eau pour les refroidir.

On estime ainsi que l’entrainement final de GPT-3 a émis 500 tonnes de CO2. Pour GPT-4, en s’appuyant sur des fuites concernant la durée de l’apprentissage (25000 cartes A100 pendant 90 jours), on obtient une estimation de 6 000 à 12 000 tonnes de CO2. En suivant la tendance des différentes mises à jour du modèle d’Open AI, on peut estimer que sa consommation augmentera encore d’un facteur 10 pour la cinquième version.

De plus, l’entrainement de ces modèles n’est que l’aboutissement d’un processus itératif impliquant la réalisation d’une myriade d’expériences intermédiaires pouvant représenter une consommation d’énergie équivalente voire supérieure.

Si la croissance de cette consommation est inquiétante, les difficultés à déterminer sa valeur exacte et le manque de transparence sur l’impact précis posent également question.

De plus, une fois ces modèles entrainés, leur utilisation n’est pas non plus sans impact. Une requête à ChatGPT (GPT3) consommerait ainsi déjà plusieurs dizaines de fois plus qu’une recherche via Google, et cet écart tendrait à augmenter avec l’utilisation de nouveaux modèles plus volumineux.

Comment faire de l’IA une force positive dans la lutte contre le dérèglement climatique ?

Face à cette croissance et ces impacts, il est nécessaire que des bonnes pratiques se démocratisent dans l’usage des modèles neuronaux. Plusieurs solutions techniques sont possibles, telles que la « quantization » des modèles (méthode permettant de réduire drastiquement la taille des modèles utilisés en inférence en réduisant peu leurs performances) ou le routage vers différents modèles de performances et de consommations variables en fonction de la complexité des requêtes.

Il est toutefois nécessaire de garder en tête que la fonctionnalité la moins polluante est celle qui n’est pas implémentée, et se poser la question au cas par cas de l’utilité réelle du développement de telles solutions.

Au sein d’EcoAct, nous sommes vigilants à ne recourir aux approches de « machine learning » que lorsqu’une solution informatique plus simple et moins consommatrice n’est pas possible, et de réduire l’impact de ces solutions lorsqu’elles sont nécessaires. Ainsi dans le cadre d’un projet de développement d’un chatbot de base documentaire, nous mettons en place un filtrage préalable des requêtes non pertinentes et l’affichage à l’utilisateur de la consommation induite par chaque requête.

Si les conséquences de l’usage des IAs sur le climat sont à considérer, il ne s’agit pas pour autant d’ignorer les possibilités d’utiliser ces modèles pour protéger l’environnement et le climat.

Parmi les applications possibles, on peut ainsi mentionner l’utilisation du « machine learning » dans la modélisation des phénomènes climatiques, afin notamment de mieux comprendre et prédire les événements climatiques extrêmes. L’intelligence artificielle peut aussi être utilisée pour optimiser des processus tels que la production d’énergie, le trafic routier ou dans le cadre des bâtiments intelligents. Enfin, la capacité à traiter de grands volumes d’images satellites via des modèles neuronaux facilite le suivi de l’évolution des populations animales et végétales et la lutte contre la pêche illégale.

Comment utilisons-nous l’intelligence artificielle chez EcoAct ?

A notre échelle, les équipes d’EcoAct utilisent les capacités de l’intelligence artificielle pour améliorer nos activités de conseil climat, biodiversité et carbone. Nous utilisons notamment des modèles prédictifs pour la réalisation des bilans carbone via l’estimation des émissions manquantes ainsi que des modèles de langues pour faciliter l’accès à des bases documentaires dans le cadre de nos missions biodiversité.

A l’ère de la démocratisation à grande échelle de l’intelligence artificielle, il est important de considérer l’impact non-négligeable de son développement et de son utilisation sur le climat. Il est regrettable que l’AI Act, adopté cette année par la Commission européenne, ne prend pas en compte ces enjeux. Néanmoins, chez EcoAct, nous sommes convaincus de la puissance de l’intelligence artificielle face au défi du changement climatique et que l’IA peut être un outil au service du bien.

Notre équipe Climate Data Analytics est à votre écoute si vous souhaitez en savoir plus sur la gestion des enjeux liés au climat et à l’intelligence artificielle, ou sur comment l’IA peut être au service de votre stratégie climat et biodiversité.