Bien que les résultats de la COP 29 soient mitigés, la dernière réunion annuelle des Nations unies sur le climat a donné lieu à plusieurs avancées potentiellement novatrices pour le marché volontaire du carbone. En effet, les marchés du carbone sont essentiels pour mobiliser les investissements du secteur privé alors que le besoin de financement pour lutter contre le changement climatique devrait être multiplié par au moins cinq par rapport aux niveaux actuels pour limiter le réchauffement à moins de 1,5 °C. A Bakou en Azerbaïdjan et après des années de blocage, les pays sont parvenus à un accord pour clore les négociations sur l’article 6 de l’Accord de Paris, posant ainsi les bases pour faire enfin passer le marché à l’échelle.
En revanche, l’accord sur le financement du climat a été extrêmement décevant, les pays riches offrant bien moins que ce que les pays en développement – et les recherches de l’ONU – ont déclaré nécessaire.
En parallèle, la conférence a tout de même permis de réaliser quelques progrès pour planifier l’adaptation et pour obtenir de nouveaux engagements pour le Fonds des pertes et préjudices créé lors de la COP 28. Même si le chemin est encore long pour opérationnaliser ces avancées, notre expert Chimdi Obienu, Consultant chercheur en politiques environnementales, vous propose un décryptage de la COP 29 et spécifiquement de l’article 6 qui apporte une dose d’espoir malgré un bilan en demi teinte.
Les pays en développement sont arrivés à Bakou dans l’espoir d’obtenir 1 300 milliards de dollars de financement par an pour renforcer leurs efforts d”atténuation et d’adaptation au climat. Ce financement, provenant principalement de sources publiques sous forme de subventions ou de prêts à des conditions préférentielles, a été au cœur des débats. En effet, les pays développés étaient réticents à s’engager tant que la structure des financements n’étaient pas connus (doivent-ils venir du public ou du privé ?) pour des raisons à la fois fiscales et politiques.
A l’issue de la COP, le texte final promet un nouvel objectif collectif quantifié (NQCG) de 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035, représentant une augmentation significative par rapport aux 100 milliards de dollars de l’accord précédent. Cependant, aucun engagement spécifique n’a été formulé pour les subventions souhaitées par pays, les sources de financement possibles restent à la fois publiques et privées, et aucune sanction n’a été mise sur la table si l’objectif de financement n’est pas atteint.
Le sentiment général est que le NQCG est représentatif de la frilosité des pays développés à assumer leurs responsabilités en matière de climat, ce qui est reflété également par la volonté d’élargir le groupe de pays effectuant ces transferts financiers. L’accord étant qualifié de « trahison », les pays en développement et les autres parties prenantes sont à juste titre mécontent. Avec l’incertitude qui plane sur l’engagement climatique des États-Unis depuis l’élection présidentielle, il est peu probable que la question du financement public de la lutte contre le changement climatique évolue positivement avant la COP30 qui se tiendra à Belém, au Brésil.
Si le manque de moyens attribués à la lutte contre le changement climatique est préoccupant, les financements publics et privés doivent travailler en tandem pour contrer la crise climatique qui nous attend. Les finances publiques jouent un rôle irremplaçable dans le financement de l’action climatique, en soutenant par exemple la mise en place de mesures d’adaptation pour les communautés les plus vulnérables ou en financant des systèmes d’énergies renouvelables dans les pays en développement. Mais compte tenu de l’ampleur des investissements nécessaires, les marchés du carbone sont devenus un complément essentiel : ils créent des signaux de marché qui orientent les capitaux privés vers des projets de réduction d’émissions, permettent aux entreprises de soutenir l’action climatique au-delà de leurs propres activités et contribuent à la transposition à plus grande échelle de solutions climatiques reconnues. L’essentiel est de veiller à ce que ces mécanismes fonctionnent de concert : le financement public peut réduire les risques liés aux premiers investissements et poser les bases du marché, tandis que les marchés du carbone peuvent ensuite mobiliser rapidement des capitaux privés pour financer des projets à haute valeur ajoutée environnementale à travers le monde.
Heureusement, les subventions publiques sont loin d’être le seul moyen de financer efficacement la lutte contre le changement climatique. Les querelles politiques sur l’article 6 sont enfin terminées, les débats restants étant désormais entre les mains des organes de supervision technique des Nations unies. Même si l’impact des décisions de cette année ne sera pas observé immédiatement, il pourrait être significatif pour l’avenir des marchés du carbone et des communautés qui en dépendent.
L’article 6.2 couvre les échanges bilatéraux de crédits carbone entre les pays et les acteurs privés. Ces transactions reposent sur l’« autorisation » du pays d’accueil d’appliquer les ajustements correspondants aux réductions d’émissions associées. Auparavant, les conditions dans lesquelles ces autorisations pouvaient être modifiées, voire révoquées, étaient floues. Les investisseurs potentiels craignaient que les pays ne prennent de telles décisions de manière unilatérale, ce qui aurait pour effet de réduire la valeur des crédits achetés. L’un des principaux accords conclus lors de la COP est que les modifications d’autorisation ne peuvent intervenir que dans des conditions spécifiques, que le pays d’accueil doit établir lorsqu’il accorde l’autorisation initiale. Les négociateurs ont également décidé que les pays peuvent choisir d’effectuer les transactions au titre de l’article 6 sur leurs propres registres ou d’utiliser un registre centralisé administré par les Nations unies.
En réduisant le risque pour les investisseurs et en clarifiant la voie à suivre par les pays émétteurs de crédits carbone, ces décisions devraient favoriser une augmentation significative de l’émission de crédits de carbone ajustés en conséquence en 2025 et au-delà. Que ce soit pour des projets de reforestation, de protection des écosystèmes ou de développement de technologies propres dans les pays en développement, c’est une excellente nouvelle pour les communautés locales qui accueillent ces projets ! Ces avancées sont également un signal positif pour les entreprises qui cherchent à sécuriser leur stock de crédits carbone.
L’article 6.4 couvre la création de ce qui est maintenant appelé le Mécanisme d’attribution de crédits de l’Accord de Paris (Paris Agreement Crediting Mechanism – PACM), une nouvelle norme pour les marchés internationaux du carbone qui succède au Mécanisme de développement propre (MDP). Les négociateurs ont fait les gros titres au début de la COP en s’accordant rapidement sur deux propositions de normes concernant les exigences méthodologiques et procédurales pour les projets à enregistrer dans le cadre du PACM. Avec la mise en place de normes de qualité claires, commence maintenant le processus de détermination des projets MDP qui peuvent passer au PACM – certains observateurs prévoient les premières émissions d’unités PACM des projets en transition au début de 2025.
Cependant, l’intérêt pour le PACM est surtout lié à l’émission future de crédits carbone pour les projets qui suivent les nouvelles méthodologies. L’organe de supervision susmentionné s’efforcera de finaliser ces approches l’année prochaine, conformément aux normes convenues au titre de l’article 6 sur l’intégrité environnementale et les impacts sociaux. Les développeurs de projets devront suivre des lignes directrices claires en matière de quantification, tout en encourageant la participation des communautés locales et d’un large éventail de parties prenantes représentatives. Bien que les perspectives du marché restent floues et suscitent de nombreuses critiques, les crédits approuvés par la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) seront sans doute très demandés dès qu’ils seront disponibles.
En établissant un cadre de 100 indicateurs quantifiables pour mesurer la mise en œuvre de l’objectif mondial d’adaptation, la conférence a fait des progrès notables en matière d’adaptation. Cette avancée répond à un problème de longue date en matière de politique climatique : la difficulté de mesurer et de comparer les efforts d’adaptation entre les pays. L’introduction d’indicateurs spécifiques permettra aux nations de démontrer des progrès concrets dans le renforcement de leur résilience alors qu’elles s’efforcent d’achever leurs plans nationaux d’adaptation d’ici à la date butoir de 2025.
En ce qui concerne les pertes et préjudices, la COP29 a été marquée par des engagements supplémentaires en faveur du Fonds pour les pertes et préjudices créé lors de la COP28. Plusieurs pays, dont l’Australie, l’Autriche, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et la Suède, ainsi que la région wallonne de Belgique, se sont engagés à verser 85 millions de dollars supplémentaires, ce qui porte le total des promesses à 759,4 millions de dollars. Ce montant reste toutefois bien en deçà des 580 milliards de dollars de pertes et dommages annuels prévus d’ici à 2030. La conférence a également tenté de revoir le mécanisme international de Varsovie pour les pertes et préjudices, propulsé lors de la COP 19, mais n’est pas parvenue à un consensus sur certains points essentiels, tels que les lignes directrices pour l’intégration des pertes et préjudices dans les plans nationaux de lutte contre le changement climatique.
Malgré son surnom de « COP finance », il est indéniable que Bakou n’a pas été à la hauteur des espérances. L’impossibilité d’obtenir un accord acceptable sur la NQCG, combinée à l’incapacité de parvenir à un consensus sur des aspects essentiels pour les pertes et préjudices, laisse penser qu’il reste beaucoup de travail à accomplir avant la COP30. Si les nouvelles promesses de financement du Fonds pour les pertes et préjudices sont les bienvenues, le total reste bien en deçà de l’ampleur nécessaire pour faire face aux effets croissants du climat. De même, si l’accord sur les indicateurs d’adaptation représente un progrès, il reste encore beaucoup à faire pour les mettre en œuvre et en assurer le suivi.
Aussi décourageante que soit cette perspective, 2024 a vu de véritables progrès sur le marché volontaire du carbone, avec des avancées significatives concernant l’article 6, des cadres d’intégrité tels que le Conseil d’intégrité pour le marché volontaire du carbone (ICVCM), les principes fondamentaux du carbone ou encore des mécanismes de conformité pionniers tels que CORSIA pour le secteur de l’aviation.
Pour les acteurs déterminés à passer à l’action malgré un paysage politique complexe, des progrès sont attendus sur plusieurs fronts : renforcer les mécanismes de marché et les finances publiques tout en veillant à ce que l’adaptation et les pertes et préjudices reçoivent l’attention qu’ils méritent. À l’approche de la COP30 au Brésil, le défi consistera à transformer les cadres et les promesses de cette année en actions concrètes.
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