En raison de l’accent qui devrait être mis sur le renforcement des mécanismes de financement en faveur de l’action climatique, la COP 29, qui se tient du 11 au 22 novembre à Bakou en Azerbaïdjan, a été baptisée « COP Finance ». Au programme : des négociations complexes pour renforcer les mécanismes du marché volontaire du carbone en pleine évolution, pour faciliter les flux financiers entre les pays et pour concrétiser l’engagement pris lors de la COP 28 de tripler la capacité mondiale en matière d’énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique d’ici à 2030. Après une élection américaine susceptible de ralentir l’action internationale sur le climat, l’attention se tourne résolument vers les acteurs du secteur pour limiter le réchauffement autant que possible.
L’article 6 de l’accord de Paris définit les règles d’échanges internationaux de crédits carbone entre les pays et les entreprises. En établissant des normes de marché approuvées par les Nations unies, l’article 6 est en passe de devenir un cadre essentiel pour encourager le transfert de fonds vers des projets de qualité pour éviter, réduire et séquestrer le carbone, en particulier dans les pays en développement.
Quelques heures après l’ouverture de la COP 29, les diplomates ont ainsi finalisé une partie des règles d’application régissant le marché des crédits carbone en vertu de l’article 6.4 de l’accord de Paris, mettant fin à des années d’impasse. Cette adoption rapide représente à la fois une étape importante et une source de controverse.
En octobre 2023, l’organe de supervision de l’article 6.4 avait pris la décision inhabituelle de finaliser deux normes relatives à l’élimination du carbone et aux méthodologies de calcul du carbone des projets. Malgré un manque de transparence sur la prise de décision, le nouveau cadre, adopté cette semaine, devrait ainsi répondre à trois objectifs :
Bien qu’il s’agisse d’un progrès significatif, plusieurs défis techniques doivent encore être relevés dans les années à venir. Le succès de ces mécanismes de marché déterminera non seulement l’ampleur de l’action climatique en dehors des chaines d’approvisionnement des entreprises, mais aussi la disponibilité des fonds pour les engagements en matière d’adaptation.
Deux problématiques restent cependant en suspens : les méthodes de reporting des crédits échangés pour éviter leur double comptabilité ainsi que le renforcement de la transparence pour garantir la robustesse et qualité des crédits. Les négociations de la COP29 porteront sur la manière dont les gouvernements peuvent modifier la génération de crédits sur leur territoire (quand et comment). Même si la réponse du marché n’est pas immédiate, cette clarté réglementaire est cruciale – l’incertitude actuelle sur les changements d’autorisation fait hésiter les acheteurs potentiels de crédits carbone, car de tels changements pourraient avoir un impact significatif sur la valeur des crédits.
L’issue de ces discussions devraient favoriser le développement de cadres robustes pour évaluer les risques liés aux projets carbone et la création d’assurance spécifiques pour renforcer la confiance et le dynamisme du marché. Cela contribuera également à stimuler l’offre de crédits éligibles à CORSIA, le système de compensation carbone des émissions de l’aviation.
Selon les termes de l’accord de Paris, 2025 est la date limite à laquelle les pays doivent se mettre d’accord sur un nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) sur la finance climatique, faisant référence au soutien financier annuel pour l’atténuation du changement climatique dans les pays en développement.
En effet, les pays en développement, qui ne sont pas les principaux responsables du changement climatique, sont pourtant ceux qui en subissent de plein fouet les conséquences. Ce nouvel objectif financier succédera à celui fixé en 2009 pour mobiliser 100 milliards de dollars par an à destination des pays en développement. Les regards se portent ainsi sur le montant de cette aide, alors que la coopération financière internationale est nécessaire pour soutenir les efforts en matière d’atténuation et d’adaptation partout dans le monde.
Toutefois, ces négociations soulèvent de nombreuses problématiques : Quelles activités pourront bénéficier d’un financement ? Quelle sera la répartition des fonds entre les sources publiques et privées ? Qui sont les pays qui devront contribuer ? Y aura-t-il un montant spécifique alloué à des activités définies (par exemple, la compensation des pertes et dommages) ? Quelle forme prendra ce financement (subvention ou prêt) ?
Compte tenu de l’état des finances publiques dans le monde, les pays en développement seront probablement confrontés à des difficultés pour obtenir le financement souhaité de la part des pays développés.
L’une des principales avancées de la COP28 a été la création du Fonds de réponse aux pertes et préjudices, qui peut être utilisé par les pays les plus vulnérables face aux aléas climatiques lorsque ceux-ci ne peuvent être atténués ou évités. À ce jour, les pays n’ont pas encore abondé les 700 millions de dollars promis lors de l’annonce de la création du fonds en 2023.
L’objectif mondial d’adaptation a également été introduit lors de la précédente COP dans le but d’améliorer la capacité d’adaptation, de renforcer la résilience et de réduire la vulnérabilité au changement climatique.
Pour mettre en place ce cadre, les négociateurs devront identifier des mécanismes permettant de combler un énorme déficit de financement de 194 à 366 milliards de dollars par an, selon le rapport de l’ONU sur le déficit d’adaptation paru en 2023.
2025 est également la date limite à laquelle les pays doivent soumettre de nouveaux objectifs climatiques, connus sous le nom de contributions déterminées au niveau national (NDC en anglais), pour aller au-delà de leurs promesses initiales dans le cadre de l’Accord de Paris et s’aligner sur un objectif de réchauffement maximal de 1,5 °C.
Pour l’heure, la plupart des pays n’ont pas encore soumis leurs nouvelles NDC et ceux qui ont effectué cette mise à jour ne démontrent pas nécessairement une ambition climatique accrue comme le montre le Climate Action Tracker.
En parallèle, les pays sont également tenus de partager leurs nouveaux plans nationaux d’adaptation. À l’issue de la COP 16 biodiversité, terminée début novembre, on peut espérer que ces plans intégreront davantage la nature, à la fois en tant que ressource pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, et en tant que bénéficiaire essentiel de la compensation des pertes et dommages. Nous attendons de nombreuses discussions autour de ces plans pendant et après la conférence.
Comme à son habitude, la communauté internationale aborde cette nouvelle COP avec un mélange d’anticipation et d’appréhension. Une des raisons principales pour être optimiste ? Parallèlement aux négociations, de nombreuses discussions auront lieu pour renforcer les cadres méthodologiques sur le climat par exemple dans le cadre l’ICVCM (Conseil d’intégrité pour le marché volontaire du carbone), qui s’est imposé comme l’arbitre des méthodologies de qualité pour les projets carbone. Le secteur privé devenant de plus en plus influent, la COP29 peut faciliter l’évolution du marché volontaire du carbone vers un système mature sur lequel les secteurs public et privé peuvent compter.