COP 16 Biodiversité : malgré l’enthousiasme, un bilan contrasté pour concrétiser les engagements

Après de longues négociations, la COP 16 s'est conclue dans la nuit du 1er novembre avec quelques avancées mais surtout beaucoup de sujets en suspens. Nos expertes sur place racontent.

Sabrina Capon

Manager biodiversité

7 nov 2024 8 minutes de lecture

Après 2 semaines d’intenses négociations à Cali en Colombie, la COP 16 Biodiversité se termine et il est temps de faire le bilan. Nos expertes, Sabrina Capon, Manager biodiversité et Jeanne Barreyre, Consultante senior chercheuse en solutions fondées sur la nature, étaient sur place pour suivre les échanges et rencontrer de nombreux acteurs et partenaires. Elles nous racontent les principales avancées et leurs retours du terrain.

Jeanne Barreyre et Sabrina Capon à la COP 16 Biodiversité

Les avancées des négociations lors de la COP16 Biodiversité suite à l’accord de Kunming-Montréal

Sous la présidence de la Colombie, cette COP a connu des débats et des divergences importantes entre les pays du Nord et du Sud, laissant certaines décisions importantes en suspens.

Après l’adoption du Global Biodiversity Framework (GBF) lors de la COP15 en 2022, les objectifs de la COP16 portaient sur la mise en œuvre de cet accord. En deux ans, des progrès ont été effectués puisque 119 pays ont soumis des objectifs biodiversité et 44 des stratégies et plans d’actions associés afin d’atteindre les 23 objectifs de l’accord de Kunming-Montréal, mais il a été souligné l’importance et la nécessité d’accélérer l’action au regard des trois principaux objectifs de cette COP :

1/ L’engagement d’objectifs et le suivi des progrès : Établir un cadre opérationnel pour mesurer les avancées des États vis-à-vis des objectifs définis lors de la dernière COP. 

  • ❌ Enjeu essentiel de la COP, il est regrettable de n’avoir pu aboutir à un cadre de suivi robuste pour mettre en œuvre les engagements nationaux et adopter un processus de reporting des progrès de chaque pays. L’accent est mis sur la nécessité d’accélérer sur la définition des stratégies et plans d’actions pour chaque pays afin de remettre au goût du jour le sujet du monitoring lors des prochaines discussions.

2/ Mobilisation des ressources : Assurer des financements et des moyens techniques suffisants pour atteindre les objectifs du GBF.

  • ❌ Les pays n’ont pas été en mesure de se mettre d’accord sur une stratégie de mobilisation des ressources, afin d’obtenir 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030, toutes sources confondues, pour soutenir les initiatives en faveur de la biodiversité dans le monde entier, ce qui représente l’un des objectifs du GBF. 
  • La Colombie a fait son possible pour proposer une solution, mais, après 24h de débats, la fatigue accumulée et le départ de certains négociateurs, n’a pas permis d’établir un consensus. Ce problème semble être plus profond et montre un déséquilibre Nord-Sud, sur la gouvernance et les mécanismes de partage de ces fonds. Cette mesure constituait une forte attente, notamment pour le secteur privé, c’est donc une des déceptions principales de la COP.

Financement protection biodiversité - World biodiversity summit


3/ Partage équitable : Garantir un partage juste et équitable de l’utilisation des ressources génétiques (informations génétiques contenues dans l’ADN d’espèces et utilisées dans la fabrication de médicaments et produits cosmétiques, par exemple). Ces ressources sont souvent présentes dans les pays en développement et bénéficient essentiellement aux grandes entreprises des pays développés.

  • ✅ La COP 16 a vu la création historique du « Fonds de Cali », où tous les utilisateurs bénéficiant d’informations génétiques numérisées sur les espèces, comme les entreprises du secteur pharmaceutique, cosmétique… peuvent (sans obligation) contribuer pour protéger et restaurer la nature là où l’aide est la plus nécessaire.
  • ❌ Malheureusement, cette mesure facultative n’est pas à la hauteur des attentes des pays en développement dont les ressources génétiques sont les plus nombreuses et génératrices de valeur pour les pays les plus riches. De nombreuses questions sous-jacentes et épineuses devront être abordées : Quelle est la valeur commerciale de ces données ? Ces informations ne sont-elles pas confidentielles ? Comment encourager les entreprises pour qu’elles contribuent à ce Fonds ?

Des décisions de second plan dans l’accord de la COP 16 pour renforcer la protection de la biodiversité

La COP 16 a tout de même été l’occasion d’avancer sur de nombreuses questions, parmi lesquelles :

  • La COP 16 a décidé de créer un nouvel organe subsidiaire permanent permettant de renforcer l’engagement et la participation des peuples autochtones et des communautés locales dans l’atteinte des objectifs de la CBD (Convention on Biological Diversity)
  • Biodiversité et climat : les pays se sont accordés pour aligner leur politiques climat et biodiversité au niveau national et prioriser les actions intégrées. En effet, la lutte contre le changement climatique doit aller de pair avec la préservation de la nature pour garantir une transition durable et viable.  
  • Espèces exotiques envahissantes : La décision de la COP 16 sur les espèces exotiques envahissantes propose des lignes directrices pour la gestion des risques liés à ces espèces : nouvelles bases de données, meilleure réglementation du commerce transfrontalier, coordination renforcée avec les plateformes de commerce en ligne. Ces approches collaboratives et intersectorielles sont essentielles à la protection de la biodiversité.
  • Océan : La COP 16 a donné un nouveau souffle à cette thématique, en convenant de nouveaux mécanismes pour identifier de nouvelles aires marines d’importance écologique ou biologique et mettre à jour les aires existantes, importantes pour la mise en œuvre de l’objectif des zones protégées 30×30 (conservation d’au moins 30 % de la planète d’ici à 2030).

D’autres avancées ont eu lieu sur les thématiques des OGM et risques, biodiversité et santé, gestion durable de la faune et de la flore et conservation des plantes.

Des avancées concrètes pour engager les acteurs privés

Il est important de noter une forte présence des acteurs privés lors de cette COP, montrant une véritable prise de conscience de ces acteurs et un passage à l’action à leur niveau. En effet, de nombreuses initiatives, coalitions et évènements se sont mobilisés et organisés en parallèle de la négociation onusienne multilatérale, témoignant de la volonté de concrétiser les engagements d’un ensemble d’acteurs publics et privés.

Sur le thème du financement via des crédits biodiversité, l’IAPB (International Advisory Panel on Biodiversity Credits) a publié son référentiel qui définit un cadre de certification des certificats biodiversité à haute intégrité, soutenu par l’UE, dont les principes et orientations sont :

1. Résultats tangibles et vérifiés : par des procédures de validation et vérification rigoureuses des crédits, qui permettent de démontrer les résultats positifs sur la nature

2. Equité et justice pour les populations : il est essentiel que les certificats biodiversité ne génèrent pas de préjudice, mais des avantages significatifs et équitables, qu’ils respectent les droits des peuples autochtones et des communautés locales, et qu’ils garantissent leur inclusion et valorisent leur rôle central au cœur de la biodiversité.

3. Gouvernance des marchés : il est clé d’établir une gouvernance transparente et saine, au niveau mondial des marchés des certificats de biodiversité ainsi qu’au niveau de la mise en œuvre des projets.

IAPB crédits biodiversité
Présentation du cadre sur les crédits biodiversité de l’IAPB


Sur le thème des cadres méthodologiques “nature” pour les entreprises, la TNFD a publié un « discussion paper » sur les plans de transition nature, en consultation jusqu’au 1er février 2025 , ainsi que des premiers exemples de rapports TNFD et intégré TNFD/TCFD qui peuvent inspirer nos clients sur ce sujet.

Proposition de la TNFD sur les plans de transition nature
Proposition de la TNFD sur les plans de transition nature

Le sujet de la transition et du lien avec le climat est également présent dans le guide du GFANZ (Glasgow Financial Alliance for Net Zero), qui propose des orientations supplémentaires et volontaires sur la manière d’intégrer les leviers liés à la nature dans le cadre d’un plan stratégique et crédible de transition vers une économie nette zéro.

COP 16 Biodiversité : malgré l'enthousiasme, un bilan contrasté pour concrétiser les engagements
Infographie du GFANZ pour intégrer la nature aux plans de transition zéro émission nette

Sur le sujet important des métriques, Nature positive initiative a proposé un set d’indicateurs pratiques, qui pourrait faire consensus et être repris dans différents cadres de référence (SBTN, TNFD, GRI…). Là encore, il est possible de donner son avis, jusqu’au 13 novembre.

Indicateurs nature proposés
Indicateurs proposés pour intégration aux cadres biodiversité

En France, la plateforme « Entreprises et biodiversité », a été lancée à l’occasion de cette COP16 pour recenser l’ensemble des outils, méthodes, initiatives en lien avec la biodiversité.

Les acteurs privés étaient fortement représentés à Cali (20 000 participants) et ont activement participés à partager de nouvelles initiatives en lien avec leurs engagements. Beaucoup ont partagé le besoin d’avoir des règles claires, une gouvernance transparente et une coordination efficace, au niveau des états, pour pouvoir avancer sereinement sur leur trajectoire biodiversité, en cohérence avec leur stratégie climat.

COP 16 Biodiversité : malgré l'enthousiasme, un bilan contrasté pour concrétiser les engagements
Schneider Electric, société mère d’EcoAct, à la COP 16 Biodiversité

Le lien « Climat – Biodiversité » est à l’ordre du jour de la prochaine COP climat à Baku, qui débute le 11 novembre 2024 afin notamment de renforcer les liens et la gouvernance sur ces sujets.

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